Développé par Spoonful of Wonder et publié par Neverland Entertainment, Copycat est sorti le 29 mai 2025 sur Xbox Series. Ce jeu narratif vous place dans la peau d’un chat, dans une fable intimiste qui prétend explorer la perte, l’attachement et la résilience.
Mais cette posture contemplative tient-elle plus d’un poème vidéoludique sincère, ou d’une caresse artificielle, trop soucieuse d’émouvoir pour oser déranger ?
Une vie de chat dans un monde sans drame
Copycat commence par une promesse : celle de vivre dans la peau d’un chat nommé Dawn, adopté par une vieille femme, Olive, puis remplacé par un imposteur félin. Une idée intrigante. Un vol d’identité. Un transfert d’affection. Mais cette amorce ne débouche sur aucun arc. Pas d’enquête, pas de révolte, pas de retournement. Le jeu ne raconte pas une usurpation, il la constate.
L’histoire se déroule en arrière-plan, dans un silence qui se veut contemplatif mais qui vire à l’absence. Les dialogues sont rares, les situations statiques, les personnages secondaires inexistants. Olive ne parle presque jamais. Le double félin reste muet. Le monde autour se contente d’exister. Pas de passé, pas de tension, pas d’enjeu. Un décor. Une routine.
Le choix du point de vue animal aurait pu permettre une narration oblique, sensorielle, imprévisible. Il n’en est rien. Le jeu évite toute étrangeté, toute ambiguïté. Dawn pense comme un humain, ressent comme un humain, se lamente comme un humain. Aucune altérité. Aucune distance. Pas de langage félin, pas de comportement instinctif. Le chat n’est qu’un déguisement narratif, un prétexte. L’animalité est cosmétique.
Il aurait été possible de bâtir une fable douloureuse sur l’abandon, la perte, la substitution. Copycat ne fait que l’effleurer. Ce qui aurait pu être un drame devient un enchaînement de tableaux inoffensifs, où l’émotion est supposée surgir d’elle-même, sans construction, sans parole, sans progression. Un conte figé dans ses intentions.
Un labyrinthe de caresses où la mécanique s’éteint
Copycat se prétend simulation féline ; il se révèle surtout une succession de tableaux figés, de petits gestes mignons, de mini-jeux superficiels. On ramasse une souris en caoutchouc, on balance un objet, on déclenche un QTE banalisé. Le tout dans un couloir narratif si étroit que chaque détour est une illusion d’exploration .
Les contrôles peinent à soutenir l’illusion. Les sauts manquent de précision, le chat semble flotter, les collisions sont erratiques. Une fluidité désincarnée qui dessert l’incarnation animale souhaitée . Les tentatives d’irruption de jeu — courses sur rails, mini-jeux — sont dosées, mais mal intégrées. Elles interrompent plutôt qu’elles n’enrichissent, et leur répétition les rend vite redondantes .
Les séquences oniriques — moments forts du titre — incarnent pourtant une surcouche poétique : chasse mythique, cauchemars de fuite. Mais elles restent épisodiques, isolées comme des éclats dans une mécanique anesthésiée, et ne suffisent pas à réanimer la progression .
Le déroulement narratif se tisse autour d’une linéarité stricte : on avance, on ramasse un objet-clé, on déclenche un QTE. L’illusion d’une liberté féline existe, mais se brise à la moindre tentative de hors-piste. Les zones explorables sont calibrées pour un parcours unique, sans rupture, sans folie animale possible .
Pourtant, le système de narration interne — voix off à la nature, textes introspectifs, séquences documentaires — tente d’apporter une couche sensible, une ambiance presque naturaliste. Mais cet effort vocal, presque contemplatif, bute face à la forme statique du gameplay : la finesse sensorielle se cogne à la rigidité des mécaniques .
Ce qui aurait pu être un ballet animalier subtil, se contente d’être un écosystème linéaire en faux-semblant interactif. Il reste un walking sim déguisé, ponctué de saynètes muettes et de routines sans relief. L’intimité caressante laisse place à l’écume mécanique.
Un réalisme naturaliste au service d’un monde sans vie
Le choix esthétique de Copycat repose sur un réalisme doux, presque photographique, où chaque rayon de lumière effleure les murs comme une caresse. La maison d’Olive, noyée dans les tons pastels et les textures feutrées, aurait pu devenir un cocon visuel, un espace de mémoire et de mélancolie. Mais ce décor, aussi soigné soit-il, reste immobile. Figé. Aucun objet n’existe en dehors de sa fonction. Aucune pièce n’évolue. Le monde ne respire pas.
Le travail sur les animations de Dawn, le chat, est incontestable : frottements contre les meubles, roulades, postures félines mimées avec précision. Mais cette qualité d’animation se heurte à l’absence de profondeur du décor. Le chat bouge, le monde reste figé. Le contraste est saisissant. L’animal vit, le monde dort.
Les séquences oniriques offrent des ruptures visuelles. Ciel lunaire, forêt rouge, plongées surréalistes dans l’inconscient du félin. Ce sont les rares instants où la direction artistique prend des risques, propose une esthétique plus crue, presque fauviste. Mais ces moments restent isolés, des flashs épars dans une routine graphique trop sage.
La bande-son accompagne cette retenue. Composée de nappes discrètes, de motifs instrumentaux légers, elle vise la délicatesse. Mais cette délicatesse tourne vite à l’effacement. Aucun thème ne marque. Aucun motif ne revient hanter les moments-clés. La musique s’efface trop vite, comme si elle craignait de troubler le silence.
Le doublage, rare, repose principalement sur la narration intérieure. Là encore, la voix cherche la douceur, le murmure. Mais elle ne porte pas. Elle raconte, sans jamais incarner. Elle accompagne, sans jamais émouvoir.
Le jeu aurait pu devenir une partition sensible, un chant bas pour âme solitaire. Il choisit une forme de sobriété visuelle et sonore qui, faute de contraste, finit par diluer toute tension. Pas de cassure, pas de heurt, pas d’ombre. Une beauté propre, mais sans chair.
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