Stardew Valley a ouvert un sillon. Les clones n’ont jamais cessé de le labourer. Cattle Country, sorti sur Nintendo Switch le 27 mai 2025, s’y engouffre à son tour. Vie rurale, amitiés, récoltes, bétail, fêtes saisonnières. Une formule rodée, resservie. Mais ici, tout repose sur l’enrobage western, sur l’idée qu’un nouveau décor suffirait à faire système.
Le jeu vous installe dans un village poussiéreux, avec une ferme à reconstruire et des habitants à apprivoiser. Vous plantez, vous pêchez, vous minez. Vous offrez des cadeaux, vous décorez. Tout est là. Mais rien ne pèse. Rien ne mord. Les mécaniques fonctionnent. Elles ne tiennent pas.
Cattle Country veut évoquer la rudesse des terres, la sueur du quotidien, l’hostilité des grands espaces. Il livre un simulateur de routine vidé de tension. Et chaque journée qui passe creuse un peu plus l’écart entre promesse d’immersion et inertie de système.
Silhouettes lointaines dans un décor sans mémoire
Le jeu commence par une fuite : un personnage sans passé abandonne la ville pour bâtir quelque chose ailleurs. Le pitch est classique, attendu, recyclé. Mais Cattle Country ne cherche jamais à creuser cette trajectoire. Pas de trauma. Pas de contexte. Pas de tension dramatique. Juste un point de départ générique, posé là pour justifier l’installation.
Les villageois sont nombreux, différenciés visuellement, et identifiés par des routines. Mais tout s’arrête là. Les dialogues sont plats. Les arcs relationnels sont minces. Les événements de proximité n’engendrent rien. Aucune vraie évolution. Aucun conflit. Aucune rupture. Ce sont des silhouettes, pas des personnages.
Le jeu propose une trame de romance. Choisir un(e) partenaire, offrir des objets, déclencher des scènes fixes. Mais l’enchaînement est purement mécanique. Pas de choix, pas d’ambiguïté, pas de réaction au comportement du joueur. L’affection grimpe par points. L’écriture suit à peine.
Quelques rencontres ponctuelles introduisent des bandits ou des voyageurs. Elles sont brèves, déconnectées du reste. Aucun impact structurel. Aucun fil narratif solide. Ces ajouts, censés donner du relief, finissent par souligner l’absence de profondeur.
Boucles dispersées dans un champ sans résistance
Cattle Country repose sur les fondamentaux du farming-sim : semer, récolter, élever, pêcher, offrir, décorer. Chaque action a son menu, son timer, sa jauge. Chaque journée propose une série d’activités à choisir, à enchaîner, à répéter. Le problème n’est pas ce qu’on peut faire. C’est ce que ça produit : rien de structurant.
Le rythme est lent. Trop lent. Les déplacements prennent du temps, les interfaces ralentissent les actions simples, et la fatigue vient moins des tâches que de leur inertie. Aucun automatisme. Peu de raccourcis. On répète. On subit. Le temps passe, mais rien ne monte.
L’économie du jeu est superficielle. L’argent sert à améliorer quelques structures, acheter des graines ou décorer. Mais il n’y a pas de vraie courbe de progression. Pas de rupture dans la chaîne de production. Pas de crise. Pas de tension sur les ressources. On accumule, on dépense, on revient à zéro.
L’élevage est un module fermé. On nourrit, on nettoie, on récolte. Les animaux n’ont pas de comportements, pas de traits, pas de dynamique propre. Ce ne sont pas des créatures, ce sont des fonctions. La pêche est lente. Le minage, répétitif. Le craft, basique.
Il n’y a aucun système secondaire solide. Aucun aléa météo, aucune pression externe, aucun événement qui vienne dérégler la routine. Le jeu laisse faire. Il ne corrige jamais. Il ne relance jamais.
Pixel soigné pour monde sans volume
Visuellement, Cattle Country ne déraille pas. Le pixel art est propre, net, lisible. Les bâtiments sont clairs, les intérieurs bien découpés, les sprites expressifs. Chaque personnage a son design. Chaque zone est identifiable. Mais rien ne marque. Rien ne déborde. On reconnaît. On oublie.
Le jeu joue sur des tons doux, des palettes chaudes, une esthétique western apaisée. L’environnement évoque plus une carte postale qu’un territoire. Les champs ne vivent pas. Les animaux se déplacent peu. Les effets sont minimes. Pas de variations climatiques visibles, pas de saisons radicalement différentes. Tout évolue par étapes fixes, jamais par transition.
L’interface visuelle est fonctionnelle, mais envahissante. Trop de menus pour des actions simples. Trop de clics pour récolter, trier, planter. L’information est là, mais noyée dans une ergonomie archaïque. Le HUD n’aide pas. Il parasite.
La bande-son suit la même logique : propre, mais plate. Boucles musicales discrètes, acoustique lisse, peu de variation. Les thèmes se fondent dans l’ambiance au point de disparaître. Aucun morceau distinctif, aucune montée, aucun effondrement. C’est du fond sonore, au sens le plus littéral.
Les bruitages sont maigres. Pas de feedback sonore clair pour les actions. Pas de texture audio dans les environnements. L’ambiance est visuelle. Jamais sensorielle.
Systèmes inertes et structure rigide
Cattle Country tourne correctement sur Nintendo Switch. Aucun crash. Aucun gel. Les temps de chargement sont brefs, les transitions fluides. En mode portable comme en docké, le framerate reste stable. La stabilité est là. L’enveloppe est solide.
Mais le fond ne suit pas. Le jeu est structurellement rigide. Aucune personnalisation d’interface. Aucune option de confort. Pas de filtre visuel, pas de mode daltonien, pas de remappage des touches. L’accessibilité est absente. Tout est standard. Rien n’est ajustable.
L’ergonomie freine. Les menus sont lents, les déplacements lourds, la sélection d’objets pénible. Les tâches simples prennent trop de temps. L’interface ne sert pas le rythme. Elle le plombe.
La progression est linéaire, sans embranchement. Aucune évolution structurelle. Les améliorations sont purement cosmétiques ou marginales. Pas de nouveaux systèmes, pas de technologies, pas de montée en complexité. Ce qui fonctionne à l’heure deux reste identique à l’heure vingt.
Pas de multijoueur. Pas de contenu secondaire. Pas d’événements dynamiques. La routine est fermée. L’expérience est toujours la même.
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