Quatre oursons, une mission, zéro rugosité. Dans Care Bears: To The Rescue, sorti le 6 mars 2025 sur Xbox Series, vous traversez des niveaux en scrolling horizontal au guidon d’un nuage, tout sourire dehors. Le jeu, signé Polygoat et publié par Forever Entertainment, reprend l’univers aseptisé de Unlock the Magic, et le transforme en une succession de mini-niveaux sans tension, sans déviation, sans pic.
Plateformes molles, projectiles à cœur ouvert, ennemis qui n’en sont jamais vraiment. Le tout pensé pour être joué à quatre, en famille, sans échec, sans enjeu, sans collision frontale avec la moindre frustration. C’est propre. C’est fonctionnel. C’est lissé jusqu’à l’os.
Mais derrière ces couleurs sucrées et cette ambition pacifiée, Care Bears: To The Rescue parvient-il à être plus qu’un jouet interactif ? Ou fond-il dans l’oubli dès la première étoile ramassée ?
Narration étouffée sous le coton
Pas de drame, pas de rupture, pas de frayeur. Dans Care Bears: To The Rescue, l’histoire n’est pas là pour être racontée. Elle est là pour rassurer. Une menace plane vaguement sur le Royaume des Nuages — une corruption appelée “Blight” — mais jamais incarnée, jamais expliquée. Elle flotte. Elle gêne. Et disparaît dès qu’on lui envoie un cœur à la figure.
Les Care Bears ? Ils sont tous là. Cheer Bear, Grumpy, Funshine, Share… mais aucun n’existe en dehors de son stéréotype. Chacun a son pouvoir, son icône, sa réplique. Aucun n’a de trajectoire. Ils parlent peu, toujours pour dire la même chose : “on est ensemble”, “on peut le faire”, “courage, ami”. Ce n’est pas un casting. C’est une boucle vocale.
Aucune mise en scène. Aucun dialogue scénarisé. Des cutscenes figées, quelques écrans fixes, une voix off bienveillante. L’histoire est une ligne droite, entrecoupée d’un ou deux “twists” sans conséquence. Le “méchant” final n’est pas nommé, ne parle pas, ne revient jamais. Il est là pour cocher une case : finir sur un boss.
Le résultat ? Une narration décorative. Pas maladroite. Pas ratée. Inexistante. Le jeu ne tente rien, ne propose rien, ne convoque aucune tension. L’univers est connu. Il est répété. Et toute velléité narrative est absorbée par le nuage.
Sauts flottants et coopération sans frottement
Care Bears: To The Rescue est un jeu de plateforme, mais à condition d’accepter que la gravité n’y soit jamais un obstacle. Les sauts sont mous, les collisions larges, les pentes rares. Chaque niveau est une ligne légèrement ondulée, constellée d’objets à ramasser, de plateformes mobiles dociles, et d’ennemis qui attendent patiemment d’être touchés. Il n’y a pas de tension. Pas de punition. Tout est prévu pour être parcouru sans jamais ralentir.
Le jeu se joue seul ou jusqu’à quatre, en local ou en ligne. Chaque personnage possède un pouvoir unique : rayon arc-en-ciel, onde d’amour, bouclier ou dash. Mais ces différences sont cosmétiques. Aucune mécanique ne repose sur la complémentarité. On avance en parallèle, sans synergie. Pas de switch, pas de puzzle coop, pas d’action combinée. Le jeu s’adresse à des enfants en bas âge, et il s’en tient à cette cible avec une rigueur absolue.
Le rythme est constant. Chaque niveau dure entre deux et cinq minutes. Pas de backtracking, pas de zone secrète, pas de raccourci. L’exploration est remplacée par la collecte : des étoiles à ramasser, des stickers à débloquer, des objets de décoration à poser dans le QG. Une boucle claire, mais plate.
Les boss sont présents, mais jamais menaçants. Ils répètent une attaque, encaissent des cœurs, tombent. Trois phases, aucun rebond, aucun schéma dynamique. C’est un rituel plus qu’un combat. Une fin de chapitre, pas une épreuve.
Le gameplay est donc calibré pour l’accessibilité maximale. Et il tient sa promesse. Mais cette accessibilité se fait au prix de toute sensation. Pas de poids, pas de résistance, pas de variation. Le jeu déroule. Et vous, vous flottez.
Brillance sans contraste, sourire sans nuance
Visuellement, Care Bears: To The Rescue est exactement ce qu’il promet : du rose, du jaune, du bleu ciel, des arcs-en-ciel sur fond de nuages cotonneux. Chaque niveau reprend les codes de la série animée Unlock the Magic, avec un respect quasi obsessionnel de la charte graphique. Tout est lisible. Tout est lisse. Et rien ne dépasse.
Les animations sont correctes mais mécaniques : le nuage avance, l’ourson sourit, le cœur part en ligne droite. Pas de variation, pas d’expressivité forte. Les décors se répètent en boucle, les environnements changent de teinte mais pas de structure. On passe d’un ciel bleu à une forêt violette sans que le gameplay n’en soit jamais affecté.
Sur Xbox Series, le jeu tourne à 60 fps constants, sans bug ni ralentissement. Les textures sont nettes, les effets de lumière discrets mais propres. C’est techniquement solide — mais plastiquement anémique. Aucun plan ne marque. Aucun arrière-plan n’interpelle. C’est du fond d’écran animé.
Côté sonore, même constat : musiques douces, nappes synthétiques, mélodies rebouclées toutes les 45 secondes. Chaque morceau semble issu d’un menu de dessin animé éducatif. Pas de tension musicale. Pas de changement d’intensité. On flotte dans une ambiance sonore constante, qui rassure… et n’évoque rien.
Les voix des personnages sont présentes, mais limitées à des phrases préenregistrées. Aucune scène doublée, aucune mise en voix narrative. Les Care Bears parlent comme des assistants vocaux : “Super !”, “En avant !”, “Tu es génial !”. Pas d’ironie. Pas d’émotion. Juste du renforcement positif.
Le jeu ne cherche pas à construire une ambiance. Il cherche à rassurer. Et dans cette stratégie du confort sonore et visuel, il réussit. Mais il ne retient rien.
Confort maximal, inertie intégrale
Care Bears: To The Rescue ne veut rien déranger. Tout est pensé pour maintenir le joueur dans un état de confort sans faille. L’interface est simple, surdimensionnée, les menus réduits à l’essentiel, les options minimales. Le HUD est omniprésent, mais jamais intrusif. Pas de surcharge d’informations. Pas de paramétrage complexe. On sélectionne un personnage, on lance une partie, et tout roule — littéralement.
Le jeu se joue intégralement à la manette. Les contrôles sont minimalistes : un bouton d’action, un saut, un pouvoir spécial, un bouton pour interagir. Aucune combinaison, aucun timing. Même l’échec est évité : impossible de tomber dans le vide, les dégâts sont rares, et les checkpoints sont placés tous les vingt mètres. En coop, un joueur peut continuer même si l’autre reste inactif.
L’accessibilité est exemplaire. Pas besoin de lire : tous les éléments sont visuels. Les textes sont grands, les couleurs bien contrastées, les personnages identifiables au premier coup d’œil. Pas de lecture longue, pas de mécanique cachée. Le jeu est jouable dès 5 ou 6 ans sans accompagnement. Il assume son public et l’accueille avec précision.
Côté contenu, on compte 16 niveaux principaux, quelques mini-jeux annexes, et une base à décorer avec les objets collectés. Cela suffira pour quelques heures en famille. Mais aucune rejouabilité réelle : pas de scoring, pas de difficulté alternative, pas de variante. Une fois le dernier cœur lancé, tout est dit.
Aucune fonction en ligne hors coopération. Aucun système d’évolution. Aucun bonus caché. Ce n’est pas un bac à sable. C’est un couloir doux. Et quand on arrive au bout, le jeu vous remercie, vous sourit… puis s’éteint.
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