Publié le 28 août 2020 sur Nintendo Switch et PlayStation 4, puis porté sur PC, Captain Tsubasa: Rise of New Champions est l’œuvre singulière du studio japonais Tamsoft, portée par Bandai Namco. En croisant l’héritage culte de Captain Tsubasa avec une ambition vidéoludique démesurée, ce jeu entendait fusionner deux générations de fans dans une même arène : celle des nostalgiques de l’animé original, et celle fascinée par la nouvelle série. Le pari, audacieux sur le papier, s’est mué en une proposition rare et spectaculaire, conjuguant ferveur footballistique et envolées épiques.
Mais le véritable tournant de cette aventure ne réside pas dans sa sortie initiale. C’est dans ses nombreuses mises à jour successives, jusqu’à la version 1.46 (décembre 2022), que le titre a profondément évolué. Une métamorphose lente, déterminée, visant à ériger Rise of New Champions comme l’expérience Tsubasa ultime. Plus qu’une adaptation, il s’agit désormais d’un hommage vivant, en perpétuelle expansion, enrichi de contenus narratifs, de mécaniques affûtées, et d’un équilibre savamment repensé.
Dès lors, que vaut Captain Tsubasa: Rise of New Champions en 2023 ? Est-il devenu ce Graal tant convoité par les fans de ballon rond et de super tirs supersoniques ? Ou se contente-t-il de courir après ses rêves ? Sur le terrain comme dans les cœurs, la réponse prend racine dans chaque passe millimétrée et chaque cri de victoire.
Trois destins, une légende en crampons
Captain Tsubasa: Rise of New Champions ne se contente pas d’un simple hommage à la licence culte. Il en explore les fondations narratives sous trois angles distincts, répartis entre les arcs Épisode Tsubasa, Nouveau Héros et Étoiles Montantes. Trois récits, trois rythmes, trois visions d’un même univers où l’adolescence se vit sur gazon synthétique et où les amitiés se scellent par des duels aériens aux allures de combats de boss.
Le premier mode, sobrement intitulé Épisode Tsubasa, sert de rampe de lancement. Ce chapitre vous place dans les crampons de Tsubasa Ozora au sommet de sa carrière lycéenne, lors du tournoi mondial junior. Pensé comme un tutoriel scénarisé, il assume son rôle d’exposition : les personnages y sont projetés dans l’action avec leurs capacités maximales, et les affrontements se concentrent avant tout sur l’apprentissage technique. Les dialogues y sont rares, les enjeux limpides, les confrontations spectaculaires. Ce segment n’offre pas de profondeur émotionnelle ni d’exploration des liens entre protagonistes, mais il condense en quelques matchs l’essence même de la série : le dépassement de soi, la vitesse des contre-attaques et l’importance du collectif.
Mais le véritable cœur du jeu s’incarne dans le second arc : Épisode Nouveau Héros. Ici, le joueur crée un personnage original, nouveau venu dans le microcosme footballistique japonais. Entièrement personnalisable, ce héros silencieux découvre un monde de rivalités et de fraternité sportive, au sein d’une école de votre choix. Nankatsu, Furano, Toho… chacune propose ses figures emblématiques, ses affinités à tisser, ses entraînements spécifiques. L’écriture y adopte un ton bien plus narratif, avec une montée en puissance progressive où chaque décision influence le développement des relations, des compétences, et des confrontations. L’intégration de mécaniques héritées du RPG — progression par statistiques, compétences à acquérir auprès des autres joueurs, développement de poste selon les entraînements — donne à cette partie une richesse inattendue.
Au fil des rencontres, des matchs et des entraînements, ce mode tisse une trame surprenamment dense. Vos choix narratifs influencent les amitiés, les rivalités, et même les techniques que vous pourrez apprendre, renforçant l’attachement aux personnages. Et comme dans tout bon récit initiatique, c’est dans l’adversité que le personnage que vous incarnez s’élève, forgeant un héros capable de rivaliser avec les figures mythiques de l’univers Tsubasa.
L’Épisode Étoiles Montantes, accessible via un DLC payant, déploie une série de mini-campagnes centrées sur des figures emblématiques : Carlos Bara, Kojiro Hyuga, Karl Heinz Schneider, et d’autres légendes du ballon. Chaque micro-récit met en scène les motivations, les doutes et les techniques de ces joueurs iconiques. Les missions qui les composent, plus condensées mais redoutablement efficaces, viennent enrichir la galerie de personnages disponibles pour les autres modes. L’ensemble s’articule autour d’un système de déblocage permanent, vous permettant ensuite d’intégrer ces champions dans vos équipes personnalisées.
Grâce à cette pluralité de récits, Rise of New Champions compose une mosaïque cohérente, entremêlant tutoriel dynamique, aventure initiatique et galeries de portraits héroïques. Chaque scénario ouvre une porte vers une facette différente de la licence : la légende fondatrice, la projection personnalisée, la célébration des icônes. Trois approches, un même amour du mythe.
Des crampons dans les nuages et des statistiques en feu
Sous ses airs de jeu de football spectaculaire, Captain Tsubasa: Rise of New Champions camoufle une véritable hybridation entre arcade, RPG et shōnen. Ici, chaque match est une arène de tension dramatique, chaque passe un élan stratégique, et chaque tir spécial une explosion d’émotion sur le terrain. Oubliez les simulations réalistes : Rise of New Champions mise sur l’exagération graphique, la montée en puissance haletante et l’adrénaline tactique. Et le résultat fonctionne.
Les matchs, d’une durée paramétrable (généralement deux mi-temps de cinq minutes), opposent des équipes aux compétences asymétriques. Vous gérez les passes, les tirs, les dribbles et les ordres tactiques, tout en déclenchant régulièrement des techniques spéciales issues de l’animé. Les tirs flamboyants en pleine course, les plongeons aériens et les arrêts défiant la gravité transforment chaque rencontre en duel de boss déguisé, où la stratégie l’emporte sur la précision. Les gardiens, véritables remparts vivants, nécessitent souvent une succession d’assauts avant de céder, ce qui donne aux confrontations un rythme crescendo très efficace.
Mais là où le jeu étonne, c’est par sa structure RPG subtile. Chaque joueur possède des statistiques propres — endurance, puissance de tir, vitesse, endurance défensive — qui influent directement sur les actions. Un défenseur rapide pourra interrompre un tir adverse même sans contact direct, tandis qu’un attaquant spécialisé dans les frappes à distance verra ses tentatives passer malgré l’absence de faille évidente. Chaque action consommant de l’énergie, la gestion de la barre d’endurance devient primordiale. Il ne s’agit pas seulement de marquer, mais de temporiser, combiner, exploiter les faiblesses de l’adversaire.
Le système de progression, surtout dans le mode Nouveau Héros, pousse encore plus loin l’hybridation. En intégrant une dimension d’apprentissage auprès des coéquipiers ou des rivaux, le jeu propose un développement personnalisé où les compétences s’acquièrent par affinité. Le choix du poste (attaquant, défenseur, milieu) oriente les statistiques de votre avatar, mais c’est à travers les entraînements et les matchs que celui-ci devient une véritable légende. Le tout s’enrichit de nombreuses possibilités de customisation, autant dans les techniques que dans l’apparence, jusqu’à pouvoir intégrer votre héros dans une Dream Team conçue de toutes pièces.
Justement, la Dream Team constitue l’un des piliers du jeu. Grâce à l’éditeur d’équipe, vous composez votre formation idéale à partir de personnages issus des scénarios, des DLC, ou de vos créations personnelles. Vingt équipes officielles sont proposées, mêlant lycées japonais et sélections internationales. Mais cinq équipes personnalisables offrent une liberté presque totale, permettant de bâtir un onze mythique où se côtoient Schneider, Hyuga, Wakabayashi, et votre propre héros. Cette mécanique, grisée de nostalgie et de perfectionnisme, donne un objectif durable à long terme.
Depuis sa sortie, Rise of New Champions s’est enrichi d’un mode compétitif en ligne entièrement repensé, proposant des matchs classés dans un système de progression par paliers. Chaque victoire rapporte de l’expérience, des objets cosmétiques, et débloque de nouveaux contenus, renforçant l’aspect collection et progression. Ce classement en ligne ajoute une tension supplémentaire aux affrontements, tout en offrant un objectif clair pour les joueurs les plus investis.
Cependant, cet aspect compétitif est également le terrain où les choix économiques du jeu se montrent les plus discutables. Le système de boutique virtuelle, couplé à une monnaie achetable, permet d’acquérir plus rapidement des boosters de cartes, de nouveaux joueurs ou des cosmétiques. Bien que la majorité du contenu puisse être débloquée en jouant, la tentation de progresser plus vite peut créer des déséquilibres, notamment en ligne, où certains adversaires disposent d’équipes optimisées contre lesquelles la victoire devient difficile sans avoir investi.
Malgré cela, Rise of New Champions conserve une base mécanique solide, intuitive et parfaitement adaptée à sa proposition narrative. La pluralité des modes, la richesse de personnalisation, et l’approche RPG du football en font une œuvre singulière, à la croisée des genres, portée par une vision assumée du sport comme théâtre épique.
Le souffle du shōnen dans chaque pixel
Captain Tsubasa: Rise of New Champions s’approprie l’esthétique de l’animé avec une ferveur presque religieuse. Chaque mouvement, chaque expression, chaque ralenti semble arraché à une planche de manga ou à une séquence culte de la série. Ce choix artistique, assumé jusqu’à la dernière ombre portée, confère au jeu une personnalité affirmée, loin des canons réalistes. Sur Nintendo Switch, malgré les limitations techniques inhérentes à la machine, le rendu conserve son éclat : les couleurs explosent, les effets lumineux appuient la tension dramatique des matchs, et les super-tirs déclenchent des cut-scenes spectaculaires, comme autant de mini-épisodes glorieux.
La direction artistique repose sur une modélisation en cel-shading, fidèle à l’œuvre d’origine. Les visages sont expressifs, les postures exagérées, les chorégraphies sportives baignées dans une aura héroïque permanente. Ce style, loin de simplifier la mise en scène, lui permet de tutoyer des sommets d’énergie et de style. Les stades, bien que parfois génériques, profitent d’une bonne lisibilité visuelle, tandis que les effets de vitesse, d’impact et de zoom sur les tirs spéciaux apportent une dynamique spectaculaire à chaque instant décisif.
En contrepartie, certaines concessions techniques sont perceptibles. Les modèles secondaires manquent de détails, les textures affichent parfois une certaine mollesse, et les transitions entre séquences animées et gameplay se font avec une sobriété fonctionnelle. Mais l’essentiel réside ailleurs : dans cette capacité à recréer l’âme du shōnen, à faire vibrer chaque seconde d’un duel comme s’il s’agissait d’un combat pour la survie du Japon. À ce titre, le rendu des tirs ultimes — qu’ils soient aériens, rotatifs ou transperçant les filets comme des missiles — constitue l’un des points culminants de l’expérience.
La bande-son, quant à elle, se veut efficace plus que mémorable. Les musiques accompagnent les menus, les matchs et les scènes de dialogue avec énergie, sans pour autant marquer durablement l’oreille. On retrouve des compositions dynamiques typiques des jeux de sport japonais, rythmées et entraînantes, qui renforcent la tension lors des séquences clés. Les bruitages de tirs, les glissements sur la pelouse et les cris des joueurs renforcent l’impact de chaque action avec une justesse sonore bien calibrée.
Le doublage japonais, lui, joue un rôle fondamental dans l’attachement à l’univers. Les voix originales des personnages emblématiques injectent une authenticité précieuse à chaque échange, chaque rivalité. Certaines répliques hurlées en pleine action renforcent le souffle dramatique des matchs. La synchronisation labiale, parfois approximative dans les scènes secondaires, reste globalement convaincante, surtout dans les segments scénarisés principaux.
Sur Nintendo Switch, le jeu affiche des performances honorables en jeu, même lors des actions les plus animées. Les ralentissements sont rares pendant les matchs eux-mêmes, ce qui garantit une fluidité précieuse pour maintenir l’intensité. En revanche, les temps de chargement, nombreux et parfois intrusifs, viennent parasiter la navigation entre les menus ou les épisodes scénarisés, brisant temporairement le rythme d’un jeu qui, par ailleurs, ne ménage jamais ses effets.
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