Développé par le studio bosnien Prime Time, Bygone Dreams: Prophecy est un prologue gratuit lancé le 6 mai 2025 sur PC. Ce prélude annonce un action-RPG onirique inspiré des folklores slaves et bosniaques, où l’on incarne Wa, un esprit chargé de sauver le monde de Lume, menacé par une entité cauchemardesque.
Le jeu promet une aventure mêlant exploration, énigmes et combats dans des paysages surréalistes. Mais cette immersion dans un univers de songes tient-elle ses promesses ou se perd-elle dans ses propres méandres ?
Le gouffre sous la soie des songes
Sous ses atours de rêve éveillé, Bygone Dreams: Prophecy révèle une structure bancale, un squelette de jeu d’action-aventure encore engourdi par son propre concept. L’univers, vaste et mystérieux, semble appeler à l’exploration, mais très vite, l’on comprend que ce monde ne vit que dans son apparence. La progression n’est pas un voyage, mais une ligne droite maquillée d’artifice.
Le déplacement dans les paysages oniriques de Lume donne d’abord le vertige : une forêt en apesanteur, des temples désossés, des ponts suspendus dans le vide. Pourtant, ces décors, aussi évocateurs soient-ils, ne racontent rien de tangible. On traverse des lieux somptueux sans qu’aucune mécanique ne vienne réellement les animer. Le level design, malgré ses reliefs, reste désespérément creux. Il n’offre ni embranchements significatifs, ni récompense à la curiosité. On avance, on suit, on quitte.
Les énigmes, censées entretenir le rythme entre les phases d’exploration, se contentent d’un formalisme désuet. Leurs solutions sont évidentes, leur mise en scène répétitive, et jamais elles ne dialoguent avec l’univers. Elles sont là comme des pauses artificielles, des respirations forcées qui trahissent une absence de structure dramatique.
Puis vient le combat. Et c’est là que le rêve se fissure. Les affrontements souffrent d’un manque cruel de lisibilité : les ennemis attaquent sans rythme ni télégraphie claire, les fenêtres d’esquive sont floues, et l’impact des coups semble amorti par une couche de coton invisible. Pire encore : à chaque mort, le jeu punit sans aménité. Tous les objets récoltés sont perdus, les ennemis et énigmes réapparaissent, et aucune mécanique ne vient justifier ce retour en arrière. Ce n’est pas un défi : c’est une lassitude programmée.
Cette mécanique punitivo-répétitive, au lieu de provoquer la tension, installe une forme d’apathie. On ne craint pas de mourir — on craint de devoir recommencer. Le danger n’est pas incarné : il est administratif. Et cette forme de sanction vide peu à peu le jeu de toute envie d’expérimentation. Dans un univers supposé étrange et ouvert, on n’ose plus rien.
À aucun moment, Bygone Dreams: Prophecy ne parvient à faire oublier qu’il est un prologue. Et c’est peut-être là son péché capital : offrir l’esthétique d’un monde riche, mais le corseter dans une mécanique trop rigide, trop creuse, pour laisser la moindre illusion d’aventure.
L’esthétique comme voile
Il suffit de quelques pas dans Bygone Dreams: Prophecy pour comprendre que le jeu veut fasciner. La direction artistique y déploie une esthétique hybride, où le cel-shading voisine avec des textures granuleuses, presque lithographiques, comme si chaque scène avait été gravée dans la pierre d’un mythe ancien. Le monde de Lume, composé de plaines éthérées, de palais oubliés et de forêts en suspension, s’enroule autour du joueur comme un rêve ancien qui refuse de s’éteindre.
Mais à force de chercher le merveilleux, le jeu oublie parfois l’organique. Les environnements sont beaux, oui, mais figés. Aucun souffle, aucun frisson, aucun déséquilibre ne vient troubler l’image parfaite. Le ciel est un plafond. La lumière, une façade. On contemple, sans jamais vraiment habiter ces paysages. Ils sont là pour être vus, pas vécus.
Ce paradoxe se retrouve dans l’animation. Les déplacements de Wa, comme ceux de ses ennemis, manquent d’élan, de poids, de réaction. Chaque mouvement semble chorégraphié sans urgence, comme ralenti par une gravité absente. On avance dans un monde suspendu, mais jamais en tension. Le rêve, au lieu de dériver, reste prisonnier de sa propre mise en scène.
Côté sonore, l’effort est plus tangible. La musique, tissée de cordes mélancoliques et de nappes discrètes, accompagne sans dominer. Certaines compositions rappellent les folklores de l’Est, dans leurs dissonances subtiles et leur rythme incantatoire. Mais comme le reste du jeu, cette bande-son refuse l’accident : elle s’installe, elle plane, sans jamais heurter. Elle caresse là où l’on aurait souhaité qu’elle lacère.
Quant aux bruitages, ils existent. Mais ils n’occupent jamais l’espace. Le cri d’un monstre, l’impact d’un sort, le frottement d’un pas dans la poussière : tout semble étouffé, comme filtré à travers un rêve trop poli. Même les voix, pourtant bien intégrées, peinent à vibrer. On entend, mais on n’écoute pas.
Bygone Dreams: Prophecy parvient à séduire l’œil. Il échoue à capturer l’oreille. Et surtout, il ne réussit jamais à faire ressentir le monde qu’il peint. C’est un tableau sublime… accroché dans un musée désert.
Un rêve en chantier : les rouages d’un monde à venir
Sous ses atours oniriques, Bygone Dreams: Prophecy dévoile une structure encore en gestation. En tant que prologue, le jeu offre un aperçu de son univers, mais laisse entrevoir des mécaniques de gameplay et des éléments techniques qui nécessitent un affinage pour atteindre leur plein potentiel.
Le système de combat, bien que prometteur, souffre d’un manque de fluidité. Les animations peuvent paraître rigides, et les affrontements manquent de dynamisme, ce qui peut entraver l’immersion du joueur. De plus, la lisibilité des attaques ennemies est parfois insuffisante, rendant les combats plus frustrants que stimulants.
Le level design, quant à lui, présente des environnements visuellement attrayants, mais leur exploration est limitée par une linéarité prononcée. Les chemins secondaires sont rares et offrent peu de récompenses, ce qui peut décourager les joueurs en quête de découverte.
Sur le plan technique, des problèmes de performances ont été rapportés, notamment des chutes de framerate et des bugs d’affichage. Ces problèmes, bien que compréhensibles pour un prologue gratuit, peuvent nuire à l’expérience globale.
Bygone Dreams: Prophecy esquisse un univers riche et intrigant, mais ses mécaniques de jeu et sa stabilité technique nécessitent des ajustements pour offrir une expérience pleinement satisfaisante.
0 commentaires