Sorti le 18 août 2023 sur Nintendo Switch, PC et consoles, Bomb Rush Cyberfunk est l’œuvre d’un studio qui n’a jamais craint de danser à contretemps : Team Reptile, formation indépendante venue des Pays-Bas et que l’on connaissait jusqu’ici pour l’explosif Lethal League Blaze. En lâchant le ring du combat en ligne pour se jeter dans les ruelles saturées de néons d’une ville imaginaire, le studio signe ici une déclaration d’amour en lettres capitales à une époque oubliée, où la liberté s’écrivait à coups de bombes de peinture.
Mais derrière son esthétique survoltée et ses beats rétro-futuristes, Bomb Rush Cyberfunk parvient-il vraiment à se faire un nom, ou n’est-il qu’un clone nostalgique de Jet Set Radio ?
Une tête en moins, un monde à reconquérir
Dans Bomb Rush Cyberfunk, vous incarnez Red, ou plutôt ce qu’il reste de lui. Car avant de devenir cette figure insaisissable qui dévale les rues de New Amsterdam, vous étiez Faux, un graffeur de génie capturé par les forces de l’ordre. Votre fuite spectaculaire tourne au drame lorsque, dans une scène violente aux allures de comics nerveux, vous êtes littéralement décapité. Mais ici, perdre la tête n’est qu’une formalité.
Recueilli par Tryce et Bel, membres du Bomb Rush Crew, vous ressuscitez sous une nouvelle identité, affublé d’une prothèse cybernétique flambant neuve… mais amputé de vos souvenirs. Désormais, c’est votre mémoire musculaire – vos réflexes de rider et votre instinct de graffeur – qui vous guide pour reconquérir votre place au sommet de la scène underground.
Votre quête devient alors limpide : rassembler votre propre crew, peindre votre nom sur les murs de la ville, et retrouver l’homme responsable de votre mutilation : DJ Cyber, collectionneur de visages aussi sinistre que charismatique.
L’intrigue, sans jamais se prendre trop au sérieux, déroule une fresque énergique, portée par un humour omniprésent et un sens du style irréprochable. Les personnages, qu’ils soient alliés ou rivaux, ne sont jamais de simples silhouettes fonctionnelles : chacun affiche une personnalité distincte, un background ciselé, et un design qui tranche dans le vif.
Entièrement sous-titré en français, Bomb Rush Cyberfunk parvient à faire de son scénario un moteur ludique efficace, léger sans être creux, parfaitement aligné avec son univers survitaminé. Sans jamais prétendre réinventer l’art de la narration vidéoludique, il tisse pourtant une ambiance électrisante, où chaque ride est une déclaration d’indépendance et chaque tag, un acte de rébellion.
Grinder, rider, briller
Sous ses allures de fresque nostalgique, Bomb Rush Cyberfunk cache une volonté farouche de se forger une identité propre.
Oui, la filiation avec Jet Set Radio est évidente. Oui, vous sentez dès les premières minutes cette même effervescence, cette même pulsation visuelle et sonore qui transforme chaque quartier en terrain de jeu. Mais là où Team Reptile frappe fort, c’est en élargissant le spectre de vos mouvements et de vos libertés.
Vous pouvez choisir librement votre monture : rollers, skate ou BMX, chacun offrant une sensation légèrement différente sous vos pieds numériques. À vous de décider comment aborder les vastes quartiers de New Amsterdam, entre parkour improvisé, grind sauvage et figures stylisées.
L’objectif reste clair : vous faire remarquer, provoquer les gangs locaux, et imposer votre style. Les défis pullulent : collecter des items, réussir des enchaînements acrobatiques, marquer votre territoire à coup de graffitis dynamiques. La mécanique de peinture elle-même offre un mini-jeu de gestuelle simple mais satisfaisant, où chaque tracé devient une signature personnelle.
Mais derrière cette liberté grisante, une ombre technique plane.
La maniabilité, d’abord. Votre avatar donne parfois l’étrange impression de flotter au-dessus du sol, dépourvu de poids, rendant les figures aériennes incertaines et les réceptions laborieuses. Un flottement qui, combiné à une physique un peu capricieuse, grignote progressivement la précision nécessaire pour savourer pleinement les parcours.
À cela s’ajoutent les phases de combat, véritables intrusions dans la partition rythmée du jeu. Régulièrement, vous êtes arraché à vos sessions de glisse pour bastonner policiers et ennemis, en martelant frénétiquement les touches dans des joutes brouillonnes. Ces affrontements, ni profonds ni gratifiants, cassent net la dynamique fluide et éclatante du jeu, comme si Team Reptile avait craint d’assumer pleinement l’héritage purement acrobatique de son modèle.
Malgré ces faux-pas, Bomb Rush Cyberfunk parvient, par l’énergie qu’il déploie, par la sincérité de son hommage et l’éclat de ses idées, à conserver cette ivresse de mouvement qui fait vibrer ses artères néonisées.
Peindre la ville en néon
Dès les premiers instants, Bomb Rush Cyberfunk explose à l’écran comme une bombe de peinture éclatée au ralenti.
Son esthétique, immédiatement reconnaissable, est un hommage assumé au cel-shading à l’ancienne, celui qui transforme chaque ruelle, chaque rooftop, en une fresque mouvante saturée de couleurs vives et d’aplats francs.
La direction artistique n’a pas pour ambition de frôler le photoréalisme : elle cherche au contraire à sublimer l’artificialité, à faire de chaque décor une invitation au mouvement, une rampe de lancement pour vos arabesques urbaines.
New Amsterdam n’est pas simplement une ville : c’est un terrain de jeu gigantesque, fragmenté en quartiers au style marqué, oscillant entre favelas verticales, zones industrielles labyrinthiques et centres-villes éclatants de modernité.
Chaque personnage, allié ou rival, bénéficie du même soin graphique : silhouettes exagérées, codes couleurs tranchés, expressions cartoonesques. L’ensemble confère au jeu une cohérence visuelle forte, une signature graphique aussi immédiate qu’attachante.
Côté sonore, Bomb Rush Cyberfunk érige sa bande-son en véritable colonne vertébrale émotionnelle. Les compositions, signées par une myriade d’artistes du circuit électro alternatif, oscillent entre funk survolté, beats hip-hop old school, et éclats futuristes.
Chaque quartier possède sa propre identité musicale, chaque session de ride se trouve galvanisée par un flow auditif qui ne cherche jamais à écraser l’action, mais à l’accompagner avec malice.
Si certains morceaux marquent plus durablement que d’autres, l’ensemble dégage une fraîcheur irrésistible, un sentiment de fête permanente où la musique devient le prolongement naturel de vos figures et de vos sprays de peinture.
Enfin, mention spéciale pour les bruitages : les roulements de rollers, les claquements de skate, les crissements de roues sur les rampes métalliques viennent ancrer chaque mouvement dans une physicalité vivante, compensant en partie la légèreté physique du personnage.
Les fissures sous la couche de peinture
Si Bomb Rush Cyberfunk brille par son esthétique et son énergie, il n’en demeure pas moins un titre entaché de quelques aspérités techniques.
Sur le plan de la performance, le jeu affiche une stabilité correcte sur l’ensemble des supports, sans s’imposer comme une prouesse technique majeure. Quelques ralentissements sporadiques viennent parfois parasiter les zones les plus chargées visuellement, mais rien de suffisamment grave pour briser le rythme effréné de l’aventure.
Du côté de la maniabilité, la légèreté du personnage déjà évoquée devient parfois plus problématique lorsque l’on s’attaque à des figures complexes ou à des défis de précision. La réponse des contrôles manque de consistance, renforçant l’impression d’être en permanence en apesanteur, là où une physicalité plus affirmée aurait solidifié l’expérience globale.
Le multijoueur, quant à lui, brille par son absence. Là où l’on aurait pu imaginer des défis en ligne, des affrontements de crews, ou au minimum un classement compétitif, Bomb Rush Cyberfunk reste un jeu strictement solo. Ce choix, cohérent avec l’intention de proposer une aventure narrative rythmée, laisse tout de même un arrière-goût d’inachevé, tant l’univers semblait taillé pour accueillir des confrontations communautaires endiablées.
Malgré une proposition artistique flamboyante, les options d’accessibilité restent minimalistes. Les sous-titres sont présents et lisibles, mais peu d’ajustements sont proposés pour accompagner les joueurs ayant des besoins spécifiques. Un manque regrettable pour un titre dont l’esprit d’ouverture aurait mérité de s’étendre jusqu’à son ergonomie.
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