Blow It Up, sorti sur Nintendo Switch le 27 février 2025, n’a ni héros, ni réplique, ni raison. Seulement un homme, des bombes, et des structures à raser. Le reste ? On l’oublie. L’invasion alien n’est qu’un prétexte, la rébellion une ligne dans un menu. Ce jeu n’a pas d’univers. Il a un moteur physique. Et il compte bien le faire parler.
Conçu par Brain Seal Ltd, ce jeu de démolition au style voxelé propose plus de 70 niveaux, une poignée d’explosifs distincts, et un seul objectif : détruire. Avec précision. Avec méthode. Avec obsession.
Mais peut-on encore parler de level design quand tout ce qui importe, c’est ce qui tombe ? Blow It Up propose-t-il une vraie mécanique de réflexion explosive… ou n’est-ce qu’un château de cubes, bâti pour s’effondrer au premier souffle ?
Un prétexte, une cible, une étincelle
Il n’y a pas d’histoire dans Blow It Up. Il y a une situation. L’humanité a perdu. Les aliens ont gagné. Et vous, silhouette sans nom, armez une bombe. Fin du briefing. Aucun dialogue, aucune narration, aucun personnage. Juste une ligne de texte au lancement : “Faites-les tomber.” C’est tout.
L’univers est évoqué, jamais exploré. L’invasion ? Présente dans les arrière-plans. Les survivants ? Absents. Les ennemis ? Invisibles. Ce ne sont pas des cibles. Ce sont des prétextes : des silhouettes planquées derrière des murs, des structures à abattre pour les éliminer. Aucun nom. Aucun rôle. Ce ne sont pas des antagonistes. Ce sont des coordonnées.
Le protagoniste, lui, n’existe pas. Aucune voix, aucun visage, aucun corps. C’est une caméra flottante, une main sur un détonateur, un point de vue sans personne derrière. Le jeu n’essaie même pas de faire semblant. Il ne cherche pas à raconter. Il cherche à pousser, à tirer, à faire basculer.
Et pourtant, ce silence volontaire crée un espace étrange. Dans le vide narratif de Blow It Up, chaque explosion devient un geste pur. Il n’y a plus d’histoire, plus de raison. Juste des mécaniques. Des réactions. Des conséquences.
Précision sans pitié, gravité sans pardon
Blow It Up n’a qu’un seul système. Mais il le maîtrise. Vous avez des bombes. En face, des structures. Le jeu ne vous demande pas de viser des ennemis. Il vous demande de lire un édifice, d’en comprendre les points de rupture, de choisir où poser vos explosifs pour provoquer une réaction en chaîne parfaite. C’est du puzzle déguisé en FPS. De la tactique en temps différé. Une obsession géométrique.
Chaque niveau est une miniature d’ingénierie absurde : blocs empilés, voûtes en équilibre, plateformes suspendues. Les ennemis ne se déplacent pas. Ils attendent. Statues fragiles cachées derrière du béton ou du bois. Vous n’avez pas le droit de tirer. Vous devez construire leur chute.
Les bombes — sept types au total — ont chacune une fonction précise : charges collantes, détonateurs à retardement, explosifs à fragmentation, charges directionnelles… Ce ne sont pas des armes. Ce sont des outils. Le défi ne vient pas de la visée, mais du placement, de l’angle, du tempo. Vous avez un nombre d’explosifs limité par niveau. L’échec ne vient jamais du jeu. Il vient de votre incapacité à lire l’espace.
Le moteur physique, basé sur des voxels, est au centre de tout. Il n’est pas réaliste. Il est cohérent. Un mur chute selon son poids. Une plateforme se déforme selon ses appuis. Un tir mal placé peut sauver un ennemi. Une erreur de timing peut laisser la structure intacte. C’est un langage brut, mais lisible. Et à travers lui, le jeu vous parle mieux que bien des scripts.
Le level design brille par sa densité. 70 niveaux, aucun identique. Certains exigent la brutalité : tout faire péter. D’autres réclament une approche chirurgicale : cibler un seul point, laisser le reste intact. Le jeu varie les objectifs, modifie les règles, et vous pousse à réapprendre à chaque fois. Pas de montée en puissance. Juste une courbe de complexité qui ne pardonne rien.
Blow It Up ne vous récompense pas. Il vous valide. Un niveau réussi ? Un score. Un autre à suivre. Pas de fanfare, pas de déblocage inutile. Le jeu ne vous félicite jamais. Il vous jauge. Et c’est précisément ce qui le rend addictif.
Carrés qui tombent, sons qui claquent
Blow It Up n’est pas un jeu qui cherche à séduire l’œil. Il cherche à être lisible. Chaque élément visuel sert un seul but : vous permettre de prévoir la chute. Le style voxel — brut, anguleux, monochrome — transforme chaque structure en diagramme. Pas de textures complexes, pas de détails inutiles. Du bloc, du métal, du bois. C’est laid, parfois. Mais toujours lisible.
Les explosions sont nettes, immédiates, presque propres. Pas d’effet pyrotechnique à la Michael Bay. Juste des ondes de choc, des pans entiers qui s’effondrent, des fragments qui se dispersent. Le moteur physique ne simule pas le chaos. Il simule le calcul. Chaque effondrement a une logique, une trajectoire. Chaque chute, une signature.
Les ennemis — représentés par de simples silhouettes statiques — n’ont aucune animation. Pas d’impact visuel, pas d’effets de mort. Ils disparaissent quand la structure tombe. Le jeu ne glorifie pas la violence. Il l’utilise comme mécanisme. Ici, tuer n’est pas spectaculaire. C’est mathématique.
La direction artistique est volontairement dépouillée. Pas de ciel animé. Pas d’arrière-plan dynamique. Un fond neutre, des plateformes suspendues dans le vide, et un objectif. L’ensemble évoque une salle de test plus qu’un champ de bataille. Et c’est ce dépouillement qui donne au jeu son poids : vous n’êtes pas là pour explorer. Vous êtes là pour faire tomber.
Côté son, l’efficacité prime. Chaque explosion a son propre bruitage : sec, grave, mécanique. Les sons ne cherchent pas l’excitation. Ils cherchent la véracité structurelle. Le craquement d’un pilier, le fracas d’un effondrement, le sifflement d’une détonation différée. Le mixage est propre, chirurgical. Aucun cri, aucune ambiance musicale soutenue. Juste le souffle, l’écho, le silence entre deux actions.
La musique, minimaliste, ne s’invite que brièvement — en introduction, ou pour ponctuer certains niveaux plus complexes. Quelques nappes électroniques discrètes, quelques motifs rythmiques synthétiques. Rien de mélodique. Juste un tempo, un cadre, une tension.
Ce n’est pas un jeu qui vous raconte un monde. C’est un jeu qui vous place face à la gravité. Et tout ce qui vibre, tout ce qui gronde, tout ce qui chute participe à cette vérité : dans Blow It Up, la seule émotion qui compte, c’est le moment exact où tout s’effondre.
Menu nu, éditeur brutal, Switch à l’os
Sur Nintendo Switch, Blow It Up tient debout. À 30 fps constants, même au cœur des effondrements les plus denses, le jeu reste stable. Les temps de chargement sont rapides. Aucun bug bloquant recensé. Pas de glitch, pas de freeze. L’ensemble est sec, net, sans fioriture. Mais cette stabilité technique s’accompagne d’un dépouillement fonctionnel : aucune option graphique, aucun réglage de confort. Le menu est réduit à sa plus simple expression : jouer, créer, quitter.
L’interface est minimaliste, mais lisible. Pas de surcharge visuelle. Chaque bouton a une fonction claire, chaque action est immédiate. Mais aucune option d’accessibilité n’est proposée. Taille de police fixe, pas de mode daltonien, pas de remapping des touches, pas de guides auditifs. Le jeu est ce qu’il est, et si vous n’êtes pas à l’aise, il ne fera aucun effort. L’ergonomie suit la logique du reste : pure, brutale, indifférente.
Côté contenu, l’éditeur de niveaux ajoute une couche bienvenue. Il ne transforme pas l’expérience, mais il prolonge sa logique. Les outils sont simples, efficaces : pose de blocs, choix de matériaux, placement d’ennemis, délimitation de la zone. Rien de révolutionnaire, mais une ouverture réelle pour les joueuses et joueurs qui veulent défier la physique autrement. Le partage de niveaux se fait localement, via codes. Pas de plateforme en ligne intégrée.
La rejouabilité repose sur deux piliers : l’obsession du score parfait, et l’expérimentation. Aucun système de progression. Aucun arbre de compétences. Mais chaque niveau peut être optimisé. Moins de bombes. Meilleur placement. Une destruction plus propre. Le jeu note, mais ne juge pas. Il vous donne juste envie de mieux faire.
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