Développé par Pearl Abyss, Black Desert revient sur Xbox Series X|S dans une version native sortie le 26 juin 2025. Ce MMORPG, lancé en 2015, se pare ici de graphismes affinés, d’un framerate renforcé et de temps de chargement réduits, tout en conservant l’intégralité de son contenu et le cross‑play avec les versions précédentes. Mais derrière ce vernis technique, cette itération parvient-elle à donner un souffle neuf à une expérience déjà dense et tentaculaire, ou ne fait-elle que maquiller un colosse qui ploie sous son propre poids ?
Des royaumes éthérés dans un récit évanescent
Le monde de Black Desert semble conçu pour impressionner. Chaque région est un tableau somptueux : les collines de Balenos se parent de forêts vibrantes, Calpheon dresse ses murailles dans une lumière d’ivoire, Valencia étend son désert brûlant comme une mer de sable infinie. Mais derrière cette splendeur visuelle, le récit s’effondre. Il ne soutient rien. Il ne guide pas. Il ne respire jamais.
La trame principale, censée opposer Calpheon et Valencia et explorer l’énigme du Black Spirit, se délite dans une succession de quêtes sans âme. Ces fragments narratifs existent en parallèle, jamais tissés en un fil rouge qui donnerait sens à l’exploration. Chaque ville, chaque faction livre son exposition comme un îlot isolé. Le joueur ne suit pas une épopée : il navigue entre des blocs de texte, des objectifs mécaniques, des dialogues qui récitent plutôt qu’ils ne racontent.
Le Black Spirit aurait pu incarner une force. Sa voix déformée et son évolution visuelle évoquent un compagnon inquiétant, presque dérangeant. Mais son rôle se réduit à celui d’un guide fonctionnel, un distributeur de quêtes masqué sous une aura artificielle. Ses rares éclats d’écriture, oscillant entre sarcasme et menace, ne suffisent jamais à construire une relation. Il est là, mais il n’habite pas le récit.
Les PNJ secondaires subissent la même apathie. Marchands, chevaliers, nobles ou mendiants, tous sont figés dans un rôle utilitaire. Aucun d’eux ne développe un arc, aucun n’imprime une émotion. Ils vous parlent pour vous faire avancer, jamais pour enrichir un monde qui en aurait désespérément besoin.
Cette absence de dramaturgie se ressent à chaque instant. Le joueur traverse un espace gigantesque où tout semble avoir été pensé pour l’œil, jamais pour le cœur. Les guerres de territoire sont spectaculaires, mais vides. Les cités fourmillent de vie apparente, mais restent muettes. Rien ne vous retient. Rien ne vous pousse à croire que ce monde a une mémoire, une gravité, une histoire digne de ce nom.
Black Desert est une fresque magnifique, mais c’est une fresque. Les paysages séduisent, les combats captivent, mais l’univers n’existe jamais autrement que comme un décor. Ce n’est pas un récit. C’est une mécanique qui broie tout ce qui pourrait ressembler à une émotion.
Une frénésie martiale dans un monde sans contraintes
Le cœur de Black Desert bat dans ses combats. Le système d’action en temps réel, entièrement repensé pour manette, propulse le joueur dans une danse d’esquives, de combos et de frappes fluides. Chaque classe, des sorciers aux berserkers, possède une grammaire propre : des attaques rythmées, des chaînes de compétences qui exigent autant de précision que de timing. Sur Xbox Series, la stabilité accrue et la réactivité des commandes subliment cette frénésie. Le jeu offre une expérience de combat qui reste, même en 2025, l’une des plus abouties du genre.
La progression, en revanche, conserve une lourdeur héritée. Monter en niveau reste rapide jusqu’au palier 56, mais l’ascension ultérieure se transforme en un cycle répétitif : grind dans des zones de monstres, optimisation d’équipement, gestion d’un marché où l’économie est dominée par les vétérans. Le système d’enchantement, toujours aussi punitif, laisse peu de place à l’expérimentation et peut annihiler des heures de travail sur un simple échec.
L’artisanat et la gestion de ressources – pêche, commerce, agriculture – ajoutent une profondeur bienvenue. Mais ces activités, conçues pour enrichir la vie du monde, deviennent vite des automatismes. Elles séduisent par leur richesse initiale, puis se muent en routines, vidées de tension.
Enfin, le PvP souffre d’un déséquilibre structurel : les joueurs haut niveau, bardés d’équipements enchantés, écrasent les nouveaux venus sans que la mise à jour Xbox Series apporte de solution. L’accès au champ de bataille reste inégal, et la courbe d’entrée, abrupte.
Des paysages majestueux noyés dans un silence artificiel
Sur Xbox Series X|S, Black Desert déploie une beauté technique impressionnante. Les plaines de Calpheon, les déserts brûlants de Valencia, les ports animés de Velia gagnent en netteté et en fluidité. Le moteur RE Engine, adapté pour la nouvelle génération, aligne des textures plus fines, des effets de lumière réalistes et un framerate stable qui maintient l’action même lors des sièges de guildes les plus chaotiques.
Mais cette magnificence visuelle reste une coquille. Les villes manquent toujours d’animation organique. Les décors, somptueux, ne racontent rien : aucun détail environnemental ne surprend, aucune trace d’un passé vécu ne donne corps au monde. C’est une peinture parfaite, figée derrière une vitre.
La bande-son prolonge ce paradoxe. Les compositions orchestrales, larges et solennelles, accompagnent les régions avec une élégance certaine. Mais aucune ne s’impose. Aucun thème ne hante l’oreille, aucune mélodie ne marque une scène. Dans les moments de combat, le mixage sonore reste fonctionnel : les coups, les sorts, les hurlements d’ennemis sont nets mais dénués d’impact. Tout semble calculé pour ne pas gêner, plutôt que pour sublimer l’expérience.
Une structure massive alourdie par ses propres systèmes
Techniquement, la version Xbox Series X|S de Black Desert est irréprochable. Les temps de chargement, autrefois longs et fréquents, disparaissent presque entièrement grâce au SSD. Le framerate reste stable, même en zones densément peuplées ou lors des sièges de guilde. Aucun crash, aucun ralentissement majeur ne vient ternir l’expérience. Cette base solide permet au jeu de se déployer sans contrainte matérielle.
Mais l’ergonomie trahit encore les origines PC du titre. La navigation dans les menus, même adaptée à la manette, reste lourde : trop d’onglets, trop de sous-menus, trop d’étapes pour une action simple. La gestion de l’équipement, en particulier, souffre d’un manque de raccourcis contextuels. Ce défaut, minime au départ, devient pesant lors de longues sessions.
Le contenu, immense, peut intimider. Entre quêtes principales, activités secondaires et cycles de vie (pêche, artisanat, commerce), le joueur débutant se retrouve noyé. Les tutoriels, bien que nombreux, laissent souvent des zones d’ombre. La mise à jour Xbox Series n’a pas cherché à fluidifier cette entrée en matière. Aucune simplification, aucune recontextualisation n’a été intégrée.
Enfin, le modèle économique, inchangé, est toujours aussi féroce. Si tout le contenu principal est accessible gratuitement, l’impact des microtransactions sur la qualité de vie (inventaire étendu, poids supplémentaire, costumes avec bonus) reste problématique. Ceux qui refusent d’investir devront composer avec des limitations qui freinent la progression.
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