Après un premier épisode de Burial at Sea qui vous ramenait à Rapture sous un prisme nouveau, BioShock Infinite: Burial at Sea – Épisode 2 propose bien plus qu’une simple conclusion. Il ne se contente pas de clore l’histoire de ce DLC, il scelle les liens entre BioShock et Infinite, il referme les portes que l’on croyait ouvertes, il réécrit une dernière fois les règles de cet univers où le destin semble condamné à se répéter.
Sorti le 25 mars 2014, cet ultime chapitre vous met face à l’inévitable, mais cette fois, vous ne l’affrontez pas avec la brutalité de Booker DeWitt. Cette fois, vous incarnez Elizabeth, et avec elle, tout change.
Mais cette conclusion parvient-elle à être à la hauteur de ses ambitions ? Offre-t-elle enfin toutes les réponses, ou ne fait-elle que plonger encore plus profondément dans les méandres de Rapture ?
Un dernier acte, un dernier sacrifice
Vous n’êtes plus Booker DeWitt. Vous n’êtes plus un soldat, ni un chasseur, ni un homme de violence. Vous êtes Elizabeth. Et tout ce que vous pensiez savoir sur BioShock va basculer.
Là où Burial at Sea – Épisode 1 vous replongeait dans la peau du détective cynique et désabusé, encore coincé dans le cycle des illusions et des manipulations, ce second épisode vous offre une toute nouvelle perspective. Elizabeth n’est plus celle que vous avez connue à Columbia. Elle a vu, elle sait. Elle a perdu son innocence et son omniscience. Et surtout, elle est désormais mortelle.
Car dès les premières minutes, une vérité brutale vous frappe : Elizabeth n’est plus une “Elizabeth” parmi d’autres. Elle n’est plus une anomalie temporelle, elle n’a plus le pouvoir d’ouvrir des brèches entre les réalités. Elle est piégée, vulnérable, coincée dans ce monde comme n’importe quel autre être humain. Mais ce monde, elle ne cherche pas à s’y échapper. Elizabeth est ici pour une raison, et cette raison, c’est Sally, la Petite Sœur que Booker tentait de retrouver dans l’épisode précédent. Elle veut la sauver, coûte que coûte. Mais pour cela, elle doit traiter avec le diable lui-même : Atlas.
Rapture n’est plus une utopie sur le point de s’effondrer, elle est déjà tombée. Andrew Ryan a verrouillé les hauteurs de la ville, les factions s’entredéchirent dans les bas-fonds, et Atlas règne en maître sur les ruines. Et vous êtes à sa merci. Là où Infinite vous plaçait dans un rôle de puissance, de domination sur un monde à remodeler à votre guise, Burial at Sea – Épisode 2 vous réduit à une survivante fragile, contrainte d’obéir pour espérer atteindre son objectif. Elizabeth n’est plus une prophétesse aux pouvoirs divins, elle est une femme qui n’a plus rien à perdre. Et quand les souvenirs s’entrechoquent, quand la vérité éclate enfin, vous réalisez que ce voyage est plus qu’une mission de sauvetage.
C’est un adieu. C’est la fin d’un cycle, la conclusion d’un destin qui devait être scellé depuis le début.
Car Burial at Sea – Épisode 2 n’est pas simplement une suite à Infinite, c’est une préquelle directe au premier BioShock. C’est l’ultime pièce du puzzle qui relie chaque ligne de cette histoire, chaque boucle, chaque personnage.
Chaque porte.
Et lorsque vous comprenez enfin ce que signifie ce dernier acte, lorsque vous sentez l’étau se refermer sur Elizabeth, vous savez qu’il n’y aura pas d’échappatoire.
Il fallait que cela se termine ainsi. Il n’y avait pas d’autre choix, pas d’autres vérité, pas d’autre réalité.
Car au final, il y a toujours un homme. Il y a toujours une fille. Il y a toujours un phare. Mais ces derniers ne sont pas ceux que vous croyez.
BioShock Infinite: Burial at Sea – Épisode 2 est la dernière pièce maîtresse du chef d’œuvre qu’est BioShock et dont, sans nul doute, on parlera encore dans une ou deux décennies. L’exemple même de toute la puissance narrative et émotionnelle possible dans le médium, d’une écriture à la fois percutante et vibrante, puissante et percutante; capable de s’étirer sur plusieurs jeux, plusieurs espaces, plusieurs lieux; sans jamais perdre les fils pourtant intriqués d’un destin qui semble de prime abord décousue mais qui, sous les traits d’une frêle jeune femme, s’avèrent aussi dur que l’acier.
Une lutte silencieuse pour survivre
Là où BioShock Infinite misait sur l’action nerveuse et les combats aériens, où Burial at Sea – Épisode 1 vous laissait encore user de la puissance de Booker pour faire parler la poudre, ce second épisode vous plonge dans une tout autre dynamique : l’infiltration et la survie. Vous n’avez plus la force d’un ancien soldat, vous avez l’intelligence d’une survivante. Et cela se ressent immédiatement dans le gameplay.
Elizabeth ne peut pas encaisser de lourds dégâts, elle n’a pas accès aux mêmes armes destructrices que Booker, et chaque affrontement est une menace mortelle. Vous devez éviter les combats directs, vous faufiler dans l’ombre, contourner les ennemis, tendre des pièges au lieu de foncer tête baissée. Pour cela, Burial at Sea – Épisode 2 introduit un nouvel arsenal pensé pour l’infiltration. L’arbalète silencieuse devient votre meilleure alliée, permettant d’endormir les ennemis sans alerter tout un quartier. Les fléchettes à gaz et les projectiles distrayants vous donnent un contrôle indirect sur le champ de bataille, vous permettant d’éliminer vos adversaires sans jamais être vu.
Mais c’est surtout le plasmide “Peeping Tom” qui change radicalement votre manière de jouer. Avec ce pouvoir, Elizabeth peut voir à travers les murs et devenir invisible temporairement, lui permettant d’évaluer la position des ennemis et d’avancer sans risquer d’être repérée. Mais chaque utilisation coûte de l’EVE, et comme toujours à Rapture, les ressources sont rares, précieuses, insuffisantes. Et c’est là que le jeu brille véritablement. Vous n’êtes pas impuissante, mais vous êtes vulnérable. Vous avez des outils, mais vous devez les utiliser avec intelligence. Vous n’êtes plus une force qui impose son contrôle sur Rapture, vous êtes un fantôme qui tente de s’y frayer un passage sans se faire dévorer par ce qu’elle contient.
Chaque couloir devient un puzzle, chaque salle devient une épreuve, et l’infiltration devient une danse silencieuse où chaque erreur peut être fatale. Les munitions sont encore plus rares qu’auparavant, vous ne pouvez d’ailleurs porter que quatre fléchettes à la fois. Le titre introduit également pour la première fois la possibilité de transporter des kit de soin, jusqu’à un total de cinq, afin de regagner de la vie quand bon vous semble
Si BioShock et Infinite étaient des jeux où l’action et le chaos faisaient partie intégrante de l’expérience, cet épisode demande de la patience, de la réflexion, du contrôle. Il est plus lent, plus méthodique, et pour certains joueurs, ce changement de rythme peut sembler frustrant. Mais pour ceux qui acceptent cette nouvelle approche, Burial at Sea – Épisode 2 offre l’expérience la plus oppressante et immersive que Rapture ait jamais proposée. Vous n’êtes plus un prédateur, vous êtes une survivante. Et dans Rapture, les survivants ne gagnent jamais. Ils fuient. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus nulle part où fuir.
Cela se traduit par de nouvelles idées de gameplay originale. Par exemple, Elizabeth doit se mettre à croupis pour s’approcher de ses adversaires et les assommer au corps à corps, mais elle peut déclencher leur alerte si elle marche sur certains type de sol pi fait trop du bruit. Cet nouvelle dynamique rapproche plus la série d’un Thief, mais est rafraichissant et bienvenue… même si surprenant dans ce tout dernier DLC de la licence.
Une ville qui referme ses griffes
Si Burial at Sea – Épisode 1 vous laissait encore entrevoir la grandeur passée de Rapture, ce second épisode vous plonge définitivement dans son agonie. Il n’y a plus de faste, plus de vitrines illuminées, plus de conversations mondaines flottant dans l’air. Il ne reste que l’ombre de ce qui fut, des couloirs inondés, des quartiers en ruine et des fantômes qui errent sans but. Rapture est une bête mourante, et vous en explorez les derniers recoins encore debout avant qu’ils ne s’effondrent à leur tour.
Mais là où le premier épisode privilégiait une progression relativement linéaire, cet épisode s’ouvre à une structure plus labyrinthique. Vous explorez des espaces plus vastes, où les multiples chemins et itinéraires détournés sont une nécessité pour éviter les confrontations directes. La ville vous force à observer, à apprendre ses pièges et à jouer avec ses dangers plutôt qu’à les affronter frontalement. Chaque pièce est une énigme à résoudre, un jeu d’équilibre entre discrétion et prise de risque.
Et comme toujours dans BioShock, ceux qui prennent le temps d’explorer seront récompensés. Les enregistrements audio, ces témoignages d’un monde en train de s’effondrer, sont plus poignants que jamais. Ils révèlent les derniers instants de ceux qui ont cru pouvoir échapper à l’inévitable, de ceux qui ont continué à se battre même lorsque tout était perdu, de ceux qui ont scellé leur propre destin sans même s’en rendre compte. Plus vous avancez, plus vous comprenez que l’histoire que vous traversez n’est pas seulement celle d’Elizabeth, mais celle d’un monde qui a déjà perdu, un monde où tout ce que vous découvrez n’est plus qu’un vestige condamné à disparaître.
Malgré cette richesse, le level design reste plus dirigiste que dans BioShock ou BioShock 2. L’exploration est plus encadrée, les zones ouvertes sont rares et il est difficile de ressentir la même sensation d’errance et de liberté que dans les premiers opus. Cela peut être perçu comme une limitation, mais ce choix renforce aussi le sentiment d’oppression, l’idée que vous ne maîtrisez pas réellement votre progression. Vous suivez un chemin déjà tracé, non pas par un game designer, mais par le destin même d’Elizabeth. Chaque pas vous rapproche de la vérité, et chaque porte franchie semble se refermer définitivement derrière vous.
Burial at Sea – Épisode 2 transforme Rapture en un piège dont l’issue ne dépend plus de votre habileté à vous battre ou à survivre. Cette fois, vous ne cherchez pas un moyen de vous échapper. Vous cherchez à comprendre. Et lorsque la dernière porte s’ouvre, lorsque le dernier couloir s’étire devant vous, vous savez déjà que la réponse ne vous offrira aucun salut.
Un dernier éclat avant l’obscurité
Rapture a toujours été un spectacle. Même en ruine, elle imposait sa présence, son esthétique art déco dévorée par la rouille et l’eau salée, ses néons clignotants projetant une lumière mourante sur des couloirs en train de s’effondrer. Mais dans Burial at Sea – Épisode 2, ce n’est plus une ville en flammes que vous traversez. Ce n’est plus un empire en train de tomber. Ce que vous voyez, ce sont les vestiges d’un monde qui n’a même plus la force de se débattre.
Les teintes dorées et bleutées de Columbia sont un souvenir lointain, les panoramas grandioses ont disparu. Il ne reste que des lumières tamisées, des ombres mouvantes, des reflets incertains sur des surfaces brisées. Le jeu joue encore plus qu’avant avec la pénombre et la sensation d’enfermement, renforçant la tension et l’idée que Rapture n’est plus une cité, mais un tombeau. Pourtant, chaque détail est travaillé avec une minutie impressionnante. Les textures sont plus fines, les effets de lumière plus subtils, et chaque environnement raconte une histoire, que ce soit par un graffiti sur un mur décrépi ou par un simple meuble renversé dans un coin oublié.
Mais c’est bien le sound design qui ancre définitivement cette atmosphère dans la peau du joueur. La bande-son de Garry Schyman n’est plus là pour sublimer la grandeur de Columbia ni pour accompagner le chaos de Rapture. Elle devient une lamentation, une présence presque invisible qui vous suit à chaque instant. Les compositions sont plus discrètes, parfois à peine audibles, laissant place à un silence qui en dit bien plus que n’importe quelle mélodie. Ce sont les bruits qui prennent le relais : les murmures des chrosômes à travers les murs, le crissement d’un tuyau prêt à céder, le souffle d’Elizabeth, plus rapide lorsqu’un ennemi est trop proche. Tout est calculé pour que vous ressentiez le poids de cette fin inéluctable, pour que vous entendiez la ville s’éteindre avec vous.
Et puis, il y a la voix d’Elizabeth. Plus posée, plus grave, plus détachée qu’avant. Plus de candeur, plus de naïveté. Elle parle moins, mais chaque mot est plus lourd, plus significatif. Elle sait déjà où tout cela va mener, et vous aussi. La fin est proche, et elle n’a jamais eu l’intention de l’éviter. Dans Burial at Sea – Épisode 2, Rapture n’est plus un décor, elle est un personnage à part entière, un témoin silencieux de tout ce qui a été et de tout ce qui ne sera jamais. Et quand les dernières notes résonnent, quand la ville se referme sur vous, il ne reste plus qu’un seul son.
Le silence.
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