Dans les cendres d’un monde ravagé par un cataclysme, l’espoir se construit aussi fragilement qu’un château de sable. Batora: Lost Haven, dernier jeu du studio Stormind Games, débarque sur Nintendo Switch après une sortie discrète sur PC, le 6 avril 2023. Ce jeu d’action-RPG spatial, où la lutte pour la survie se joue au rythme de la lumière et de l’ombre, reprend les bases solides des précédents titres du studio, mais cherche aussi à s’extirper de l’ombre de Remothered.
Avec son univers enchâssé dans une guerre cosmique, des mécaniques de gameplay affinées et une direction artistique audacieuse, Batora: Lost Haven pourrait bien séduire les amateurs de récits épiques et de combats tactiques. Mais, en cette nouvelle ère de jeux multiplateformes, le titre parvient-il à se faire une place parmi les grandes œuvres ? La transition vers la Nintendo Switch est-elle une victoire, ou un simple mirage dans l’immensité de l’espace ?
Sous l’ombre des deux cieux, une quête de lumière
Au cœur de Batora: Lost Haven, la science-fiction rencontre les mythes anciens. Vous incarnez Avril, une jeune héroïne propulsée dans un futur dévasté, où la moitié de la population a été anéantie par un cataclysme inexpliqué. Dans une Londres ravagée, elle mène une vie de survie parmi les rares survivants, jusqu’au jour où deux entités divines, Soleil et Lune, viennent la guider dans une quête cosmique. Leur mission : sauver des planètes mourantes, à l’image de la Terre.
Si l’histoire en elle-même ne brille pas par son originalité, c’est la simplicité avec laquelle elle est racontée qui lui confère son efficacité. L’introduction, sobre et sans artifices, installe immédiatement l’enjeu de manière claire. Avril n’est pas une élue par hasard ; elle porte la lourde responsabilité de restaurer l’équilibre dans un univers ravagé, et ce, avec les pouvoirs conférés par les Dieux qu’elle rencontre. La quête est ainsi présentée : franche, directe, sans perdre de temps dans des narrations tortueuses.
Le véritable point fort du jeu réside dans sa narration en temps réel. Le narrateur, omniprésent, commente non seulement les événements majeurs, mais aussi les gestes quotidiens d’Avril, inscrivant chaque action dans un contexte plus vaste. Il ne s’agit pas simplement de décrire l’environnement, mais de le rendre vivant, de le faire résonner avec l’âme du joueur. Chaque déplacement, chaque combat, chaque découverte se voit accompagné de paroles qui incarnent le souffle de l’histoire, lui donnant une dimension plus intime.
Mais malgré sa solidité, la narration souffre parfois d’une forme de prévisibilité, en particulier dans ses choix narratifs. La simplicité de l’intrigue, bien qu’efficace, manque de nuances et de rebondissements surprenants, ce qui peut laisser le joueur sur sa faim. Les personnages secondaires, bien que présents, manquent également de profondeur et d’évolution, se contentant d’un rôle de soutien sans jamais vraiment se détacher de l’ombre d’Avril.
Entre l’épée et la magie, une danse tactique
Au cœur de Batora: Lost Haven, le gameplay repose sur un système de combat dynamique où l’agilité et la stratégie sont les clés de la survie. Avril, en fonction des formes que lui octroient Soleil et Lune, navigue entre deux rôles complémentaires : celle d’une guerrière implacable avec une épée enflammée et d’une mage ténébreuse, capable de bombarder l’ennemi de projectiles.
Ce système à deux formes est simple en théorie, mais offre une profondeur surprenante dans son utilisation. Chacune des formes confère des capacités uniques, à la fois en combat et en exploration, permettant de s’adapter à différentes situations. Soleil brille dans les combats rapprochés, Lune excelle dans les assauts à distance. Le changement entre ces deux formes se fait instantanément, offrant une fluidité dans le gameplay qui, bien qu’accessible, exige un bon sens tactique pour être maîtrisé.
Les ennemis que vous affrontez, chaque groupe ayant sa propre affinité pour l’une ou l’autre forme, sont clairement identifiés par des couleurs ou des symboles flottants sous eux. Cela permet de juger rapidement de leur vulnérabilité, transformant chaque rencontre en une série de choix stratégiques. De plus, Avril dispose d’un dash dans chaque forme, un élément simple mais qui modifie totalement la gestion du combat, que ce soit pour esquiver une attaque ou se repositionner à distance. Ce dash, bien que très utile, est aussi un rappel constant de la fragilité d’Avril, dont la barre de vie se scinde en deux, une pour chaque forme. La gestion de cette dualité devient un enjeu clé lors des combats plus intenses, où chaque erreur dans l’utilisation des formes peut se payer cher.
En dehors des combats, Batora: Lost Haven vous invite à explorer plusieurs mondes variés. Les niveaux sont bien construits, avec une progression fluide à travers des zones ouvertes et linéaires qui ne donnent que peu de liberté d’exploration mais offrent néanmoins un cadre solide pour les missions principales. Le design des niveaux est un mélange de quête de collectes d’objets, de rencontres d’ennemis et de résolutions d’énigmes simples mais satisfaisantes. Bien que le level design soit fonctionnel, il manque parfois de diversité pour maintenir un intérêt constant au-delà de quelques heures de jeu. Les niveaux ont tendance à se ressembler, manquant de variations de gameplay qui auraient pu ajouter du piquant à l’expérience.
La prise en main est fluide, mais l’exploration peut sembler quelque peu dirigée, ne permettant pas une véritable liberté. Il est assez fréquent de se retrouver à tourner en rond dans un niveau sans indication claire sur la progression, ce qui brise parfois le rythme du jeu. Le jeu essaie de ne pas noyer le joueur sous des mécaniques trop complexes, mais il aurait pu offrir davantage de liberté dans l’exploration et une meilleure gestion de la direction à prendre dans les grandes zones ouvertes.
Entre ombres et lumière, une esthétique éclatée
Visuellement, Batora: Lost Haven arbore un style résolument distinct, flirtant avec un design dynamique et coloré, à la fois moderne et évocateur. L’univers du jeu se déploie dans une palette vibrante, marquée par des contrastes saisissants entre l’obscurité des mondes dévastés et la lumière éclatante des pouvoirs divins.
Les environnements, qui oscillent entre des paysages futuristes, des ruines post-apocalyptiques et des mondes étranges, ont été pensés pour immerger le joueur dans des décors vastes, où chaque planète a sa propre identité visuelle. Les couleurs dominantes changent en fonction de la forme d’Avril que vous adoptez, accentuant l’impact visuel de chaque combat et exploration.
Mais malgré des choix de design visuellement intéressants, le jeu souffre parfois d’un manque de profondeur dans ses environnements. Bien que les mondes soient riches en éléments stylistiques, ils se révèlent souvent assez vides et manquent de détails fins qui auraient renforcé l’immersion. Le manque de diversité dans certains niveaux contribue également à un sentiment de répétitivité, où les mêmes textures et objets reviennent trop souvent. Les ennemis, bien que variés dans leurs formes et leurs comportements, sont également un peu simplistes graphiquement, avec des animations qui manquent de fluidité.
Côté technique, le jeu s’en sort honorablement sur Nintendo Switch, sans trop de ralentissements majeurs. Cependant, il arrive que des chutes de framerate se fassent sentir lors de combats plus intenses, où les effets lumineux et les attaques spéciales entrent en collision, fragilisant la fluidité de l’expérience.
La bande-son de Batora: Lost Haven, quant à elle, constitue un pilier central de l’expérience. Composée par Luca Della Casa, la musique du jeu mélange des éléments électroniques, symphoniques et orchestraux pour créer une atmosphère envoûtante et immersive. Chaque planète a sa propre identité sonore, allant des morceaux épiques et rythmés lors des combats aux morceaux plus calmes et introspectifs lors de l’exploration. Les morceaux de la bande-son sont bien intégrés dans l’histoire, renforçant chaque moment clé, et la musique devient presque un personnage à part entière, traduisant les émotions d’Avril et des mondes qu’elle explore.
Les effets sonores, eux, sont percutants, chaque attaque, chaque coup résonne avec un impact satisfaisant. Les bruits de transformation entre les formes Soleil et Lune, ajoutent une dimension sonore supplémentaire à l’expérience, créant une immersion qui accompagne parfaitement le gameplay.
Les défis invisibles du cosmos
Batora: Lost Haven est une aventure immersive, mais elle n’est pas sans ses défauts techniques et structurels qui entravent parfois le plaisir pur de l’expérience.
Le moteur du jeu, solide dans son ensemble, s’adapte bien à la Nintendo Switch, et le gameplay est fluide dans la plupart des situations. Cependant, quelques imperfections de l’interface se font sentir, notamment en mode portable où la lisibilité de certains textes devient un véritable défi. Les sous-titres, bien qu’également en français, sont parfois trop petits et se perdent dans l’encombrement visuel de l’écran. De plus, les menus, qui semblent avoir été conçus pour une utilisation PC, sont maladroits à la manette, et naviguer dans ces options peut devenir frustrant, surtout lorsqu’il s’agit de personnaliser les paramètres de difficulté ou de compétence.
En parlant de la difficulté, le jeu propose une flexibilité bienvenue. Les options permettent d’ajuster le niveau de challenge, ce qui est un atout majeur pour ceux qui souhaitent personnaliser leur expérience. L’option de difficulté la plus basse offre une expérience de jeu plus accessible, tandis que les niveaux de difficulté plus élevés peuvent rendre chaque rencontre tendue et stratégique, en particulier avec les mécaniques de gestion des deux formes et des ennemis qui y sont sensibles. Cependant, certains joueurs pourraient se sentir frustrés par la fréquence des combats et la difficulté des énigmes, qui peuvent paraître redondantes dans les premières heures de jeu.
Le manque de contenu additionnel ou d’éléments de personnalisation plus poussés est également un point faible. Une fois l’histoire terminée, il n’y a que peu d’incitations à revisiter les mondes ou à explorer davantage les différentes branches de l’histoire. Ce manque de rejouabilité est dommageable, surtout pour un jeu qui mise sur une exploration vaste et dynamique.
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