Azur Lane: Crosswave débarque sur Nintendo Switch comme l’adaptation console du célèbre jeu mobile Azur Lane, devenu au fil des années une véritable licence multimédia. Si vous n’avez jamais croisé cet étrange ovni sino-japonais, imaginez un monde parallèle où les cuirassés de la Seconde Guerre mondiale prennent l’apparence de jeunes filles aux courbes affolantes, fusion absurde d’acier, de chair et de fan service.
Le concept, né en Chine avant d’être rapidement absorbé par l’imaginaire nippon, trouve dans cette mouture console une nouvelle déclinaison sous la houlette de Compile Heart. Manga, anime, et désormais shooter naval romantisé : Azur Lane explore tous les rivages du marché otaku sans retenue.
Mais cette adaptation vidéoludique, lancée avec tambours et trompettes, est-elle réellement autre chose qu’une vitrine de plastiques numériques ? Ou bien n’est-elle que le triste naufrage d’une idée déjà épuisée avant même d’avoir largué les amarres ?
Des canons muets et des dialogues sans cap
Sous ses dehors clinquants et ses héroïnes aux armes rutilantes, Azur Lane: Crosswave déroule une narration plus plate qu’une mer d’huile. Vous y suivez Shimakaze, Destroyer pétulant à oreilles de lapin, propulsée dans une guerre alternative où les Kansen, anthropomorphisations surarmées de grands navires de guerre, doivent unir leurs forces pour repousser la menace des Sirens.
Sur le papier, l’idée pourrait prêter à sourire. Mais très vite, la façade s’effrite pour laisser place à une logorrhée sans fin, où les dialogues interminables semblent vouloir étirer artificiellement la durée de vie d’une intrigue qui n’en avait pas besoin. Sept à huit heures sur dix se résument à enchaîner des bavardages creux, à contempler des plans fixes d’héroïnes figées dans des poses stéréotypées, sans jamais éprouver la moindre tension, la moindre émotion.
Ici, le scénario n’est pas un fil conducteur : c’est un filet troué, incapable de porter le moindre poids. Il se contente d’aligner de faux enjeux, de simuler des alliances de fortune, sans jamais accoucher d’un souffle épique ni d’une once de cohérence. Et tandis que les héroïnes minaudent, que les grandes menaces s’évanouissent en une pluie de dialogues vides, le joueur, lui, dérive lentement sur une mer de vide narratif, condamné à ramer dans l’espoir d’apercevoir enfin un fragment d’aventure.
Quand les flots sont vides et que la coque sonne creux
Sous ses airs de shooter maritime débridé, Azur Lane: Crosswave livre l’une des expériences les plus creuses qu’il soit donné de traverser. À chaque mission, vous composez votre équipe en sélectionnant jusqu’à trois Kansen, personnalisez vaguement leur équipement, puis vous les envoyez flotter sur des arènes minuscules, suspendues sur une mer pixelisée sans le moindre horizon digne de ce nom.
La promesse d’une flotte personnalisable ne résiste pas longtemps à l’épreuve du jeu : les modifications sont si insignifiantes qu’elles n’ont d’autre utilité que d’habiller artificiellement l’attente entre deux phases d’action. Quant aux missions, elles consistent invariablement à appuyer frénétiquement sur les mêmes touches, sans aucune nécessité de stratégie, de réflexion, ni même d’attention minimale. Vous pourriez poser la manette, presser un bouton au hasard, et décrocher malgré tout la victoire.
Qu’il s’agisse des objectifs principaux ou des missions secondaires, la formule ne varie jamais : plus d’ennemis, plus de points de vie adverses, mais aucune variation de décor, aucun renouvellement mécanique. Chaque combat est une répétition morne, un naufrage d’ennui répété d’arène en arène, jusqu’à ce que l’épuisement ou la résignation prennent le pas sur toute velléité de persévérance.
Là où l’on espérait peut-être quelques éclats de folie, quelques idées de level design pour sauver l’ensemble, Azur Lane: Crosswave s’enlise dans une paresse assumée, réduisant l’action à une succession de flottements sans cap, incapable de construire quoi que ce soit d’autre qu’un triste simulacre d’affrontement naval.
Quand les coques brillent mais que la mer est vide
À première vue, Azur Lane: Crosswave pourrait presque séduire. Les illustrations sont léchées, les héroïnes affichent des designs soignés, emprunts d’un savoir-faire graphique certain hérité de l’école Compile Heart. Les Kansen, figées dans leurs poses suggestives, arborent des détails de costumes minutieux, des expressions étudiées, et une mise en scène proprette qui flatte l’œil du collectionneur d’artbooks.
Mais très vite, la supercherie éclate. Derrière ces portraits soignés, le vide s’étale, immense et sans vergogne. Le moteur graphique, recyclé d’une époque révolue, trahit les origines modestes du projet, initialement pensé pour une PS Vita en fin de souffle. Les environnements n’existent pas : des mers plates, sans texture, sans profondeur, sans vie. Les arènes ne sont qu’un écran bleu délavé, jonché de quelques ennemis clonés, flottant comme des spectres sans attaches.
Sur Nintendo Switch, aucun soin supplémentaire n’a été apporté. Pas d’optimisation, pas de révision graphique, pas même un maquillage sommaire pour masquer les rides d’un titre fini à la va-vite. Les textures baveuses, les animations sommaires, les effets spéciaux inexistants laissent un goût d’amertume : celui d’un projet qui n’a même pas tenté de cacher son opportunisme.
Et lorsque la musique tente de ranimer l’ensemble, elle sombre à son tour. Les thèmes, répétitifs et insipides, oscillent entre synthétiseurs datés et mélodies génériques, incapables d’imposer la moindre identité sonore marquante. Même les bruitages semblent avoir été jetés au hasard, échos anonymes dans un océan de médiocrité.
Tout ici respire l’indifférence, la paresse, le vide maquillé par quelques éclats esthétiques posés en vitrine. Un vernis séduisant posé sur une coque déjà éventrée.
Quand même les courants techniques se figent dans l’indifférence
Sur Nintendo Switch, Azur Lane: Crosswave ne tente même pas d’habiller sa paresse. Les temps de chargement sont longs, inexplicablement lourds pour un jeu aussi vide, comme si chaque transition tentait laborieusement de cacher la pauvreté des scènes qu’elle introduit. Les quelques optimisations nécessaires à un portage décent n’ont pas été envisagées : textures floues, performances inconstantes en mode portable comme docké, et une absence totale d’effort de mise à niveau.
L’interface, lourde et datée, renforce encore cette impression de produit précipité. Chaque menu, chaque sélection rappelle que rien n’a été pensé pour la fluidité ni pour la modernité. Pas d’options d’accessibilité, pas de personnalisations notables. L’expérience utilisateur semble avoir été sacrifiée sur l’autel du strict minimum.
Quant au doublage, uniquement disponible en anglais, il achève de condamner l’immersion déjà vacillante. Aucune localisation vocale, pas même un effort de synchronisation labiale : les dialogues s’égrainent sur fond de textes et de voix sans conviction, noyant les rares instants de jeu sous une mer de bavardages monocordes.
Même dans ses promesses les plus basiques, Azur Lane: Crosswave échoue à tenir son cap. Le jeu ne propose pas une escapade légère, ni un exutoire décomplexé : il offre seulement le constat froid d’un titre vidé de sa substance, dérivant sans but sur les eaux mortes de l’opportunisme mercantile.
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