Le monde change. À chaque pas, chaque regard, chaque tentative d’anticipation, il se recompose sous vos yeux, vous forçant à réinventer votre approche, à réévaluer chaque menace, à exploiter chaque opportunité. Aura of Worlds, développé par Cognitive Forge et publié sur Nintendo Switch le 24 septembre 2024, s’inscrit dans cette logique d’adaptation permanente. Un roguelike où la réflexion prime sur la brutalité, où chaque niveau est un puzzle mouvant, et où seule une compréhension fine des mécaniques peut vous garantir la survie.
À mi-chemin entre l’action et la plateforme, Aura of Worlds se distingue par son interaction poussée avec l’environnement, ses niveaux générés procéduralement, et une approche du combat qui ne repose pas uniquement sur les réflexes, mais aussi sur la ruse et l’expérimentation. Pourtant, dans un genre déjà saturé de prétendants, ce titre parvient-il à imposer son identité ou risque-t-il de se dissoudre dans l’oubli, tel un monde englouti par sa propre mutation ?
Quand l’univers s’efface pour laisser place au défi
Certains jeux vous guident par la main, vous immergent dans des récits foisonnants, vous offrent des personnages à aimer, à haïr, à suivre à travers mille péripéties. Aura of Worlds, lui, ne s’embarrasse pas de telles fioritures. Son histoire est un murmure, un écho lointain qui résonne à travers ses labyrinthes mouvants, à peine perceptible derrière l’urgence du danger. Ici, point de quêtes épiques ni de dialogues à rallonge : seule compte la manière dont vous vous adapterez aux règles cruelles d’un monde en perpétuelle mutation.
Tout repose sur l’observation. Les environnements, générés de manière procédurale, ne sont pas de simples arènes : ce sont des pièges, des énigmes, des menaces camouflées sous des opportunités. Une caverne luxuriante peut cacher des créatures embusquées sous son feuillage, un tunnel inondé peut noyer autant qu’il peut servir de voie d’évasion, et un couloir truffé de mines ne sera mortel que pour celui qui refuse d’exploiter son environnement. Aura of Worlds ne vous raconte pas une histoire : il vous laisse en écrire une à travers vos échecs et vos trouvailles.
Et dans cette fable silencieuse, chaque élément du décor devient un langage à déchiffrer, chaque structure une opportunité déguisée, chaque ennemi une question dont la réponse dépend uniquement de votre ingéniosité. Vous n’êtes pas là pour sauver un royaume ou venger un héros déchu. Vous êtes là parce que le monde veut vous voir échouer. Et votre seule mission est de prouver qu’il a tort.
Quand la survie devient un art et la prudence une arme
Dans Aura of Worlds, on ne fonce pas tête baissée. On analyse, on s’adapte, on expérimente. Contrairement à bien des roguelikes où la vitesse d’exécution prime sur tout, ici, la réflexion et l’ingéniosité sont vos plus grandes alliées. Le monde est un piège autant qu’un terrain de jeu, et votre survie ne dépend pas seulement de vos réflexes, mais aussi de votre capacité à utiliser ce qui vous entoure à votre avantage.
Le gameplay repose sur un savant mélange d’action, de plateforme et de stratégie environnementale. Chaque niveau, généré procéduralement, regorge d’éléments interactifs qui transforment chaque affrontement en un puzzle en mouvement. Un mur fragile peut être détruit pour créer un passage improvisé. Un piège peut être retourné contre l’ennemi. Une explosion bien placée peut redessiner la carte. Aura of Worlds ne vous donne pas une seule solution : il vous pousse à inventer la vôtre.
Les affrontements, eux, sont dictés par une approche précautionneuse et méthodique. Chaque arme possède ses propres caractéristiques, ses propres forces et faiblesses. Les lames sont rapides mais nécessitent de s’approcher, les projectiles offrent une portée mais s’épuisent vite, et la magie, bien que puissante, impose une gestion rigoureuse des ressources. Mais au-delà de ces choix d’arsenal, c’est l’environnement lui-même qui devient votre plus grand outil.
Loin d’un level design rigide et prédictible, les niveaux se réinventent à chaque tentative. Un même monde peut être un défi insurmontable ou un terrain d’expérimentation parfait, selon la manière dont vous choisissez de l’aborder. La diversité des zones, des cavernes toxiques aux temples maudits, impose une remise en question permanente, empêchant toute routine de s’installer.
Là où d’autres roguelikes misent sur une montée en puissance progressive, Aura of Worlds privilégie l’adaptation instantanée. Pas de builds optimaux, pas de stratégie universelle. Juste un monde qui veut votre peau et votre capacité à le détourner de son objectif.
Quand l’esthétique rétro sert la cruauté du monde
Il y a des jeux qui séduisent par leur démesure visuelle, par des panoramas éblouissants et des animations dignes d’un film d’animation. Aura of Worlds, lui, joue une toute autre partition. Son pixel art brut, presque austère, ne cherche pas à impressionner, mais à renforcer cette impression de danger constant, ce sentiment que chaque recoin du décor peut être une menace camouflée. Loin d’être un simple hommage aux classiques de l’ère 16-bits, sa direction artistique est au service de son gameplay, mettant l’accent sur la lisibilité et l’urgence du moment plutôt que sur une démonstration technique tape-à-l’œil.
Les environnements évoluent en permanence, offrant un mélange de biomes qui vont du naturel au cauchemardesque. Des cavernes oppressantes, où chaque ombre peut cacher une menace, aux temples labyrinthiques, où la moindre pression sur une dalle peut réveiller un piège mortel, chaque décor n’est pas simplement un lieu, mais un défi à déchiffrer. Si certains pourraient regretter une palette de couleurs parfois limitée et des animations un peu rigides, l’ensemble fonctionne à merveille dans l’idée d’un monde qui n’a pas besoin d’être beau pour être dangereux.
Et la bande-son ? Elle ne cherche pas à embellir, mais à amplifier. Les morceaux oscillent entre l’inquiétant et l’exaltant, adaptant leur tempo à la tension du moment, se fondant dans les battements du cœur du joueur alors que la situation devient critique. Les effets sonores, quant à eux, accentuent l’hostilité ambiante, chaque créature ayant sa propre signature sonore, chaque piège émettant un avertissement presque imperceptible avant de s’abattre sur les imprudents. L’ensemble sert avant tout une immersion sensorielle où le silence est souvent plus angoissant que la cacophonie du combat.
Si Aura of Worlds ne brille pas par sa technique pure, il impose une identité visuelle et sonore en parfaite adéquation avec sa philosophie. Ici, chaque couleur a une fonction, chaque son est un avertissement, chaque élément visuel est une donnée à analyser avant qu’il ne soit trop tard.
Quand la technique vacille sous la pression de l’aléatoire
D’un point de vue purement conceptuel, Aura of Worlds possède toutes les qualités pour briller. Des mécaniques intelligentes, un gameplay adaptable, un monde en perpétuelle évolution… Mais tout cela repose sur une structure technique qui, malheureusement, montre parfois ses limites, notamment sur Nintendo Switch.
Le jeu souffre de ralentissements notables, en particulier lorsque plusieurs effets environnementaux se déclenchent simultanément. Les explosions en chaîne, les pièges qui s’activent, les créatures qui se déplacent toutes en même temps… Tous ces éléments mis ensemble peuvent provoquer des chutes de framerate suffisamment marquées pour gêner l’action. Dans un jeu où la réactivité est clé, ce genre de souci technique peut être fatal.
Autre point noir : une lisibilité parfois compromise par la nature même du jeu. Avec des niveaux générés procéduralement, certaines configurations de salles peuvent créer des situations injustes, avec des ennemis placés dans des angles morts, des pièges quasiment inévitables, ou des passages devenant impraticables sans une gestion millimétrée des ressources. Cela reste dans l’esprit du challenge, mais peut aussi frustrer ceux qui apprécient une difficulté plus équilibrée et maîtrisée.
En revanche, le jeu tourne correctement en mode portable, et les temps de chargement restent raisonnables malgré la génération aléatoire des niveaux. Aucune fonctionnalité multijoueur n’est présente, l’expérience étant pensée comme un défi purement solo, centré sur l’apprentissage, l’adaptation et la progression individuelle.
Si Aura of Worlds impressionne par ses idées, il trébuche parfois sur leur exécution technique, en particulier sur une machine comme la Switch, qui montre vite ses limites dès que l’action devient trop intense. Des mises à jour correctives pourraient gommer ces défauts, mais en l’état, ils restent des ombres au tableau.
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