Alter Age, développé par KEMCO, est un jeu de rôle japonais (JRPG) sorti le 24 juillet 2024 sur Android et iOS, avec une sortie prévue sur Nintendo Switch et PC le 7 mars 2025. Ce titre propose une mécanique innovante où les personnages peuvent alterner entre leurs formes enfantines et adultes, influençant à la fois le gameplay et la narration.
Mais cette alternance entre deux âges parvient-elle à renouveler le genre du JRPG, ou reste-t-elle une simple curiosité sans réelle profondeur ?
Deux visages, un seul destin
Le monde est en perpétuel mouvement, façonné par le temps, mais pour Eliya, c’est bien plus qu’un simple concept. Lui peut défier le cours naturel des âges, passer d’un enfant frêle à un adulte aguerri en un instant, altérant sa propre existence et celle du monde qui l’entoure.
Tout commence dans un village isolé, un endroit figé dans la routine et les traditions, où les légendes ne sont que des contes murmurés aux enfants pour leur faire craindre ce qu’ils ne comprennent pas. Mais Eliya n’a pas le luxe de se réfugier dans l’ignorance. Un artefact ancien, lié à une force oubliée, bouleverse son existence. Désormais, il doit composer avec une double identité, jonglant entre enfance et maturité pour naviguer dans un monde où chaque âge ouvre des portes… et en ferme d’autres.
Là où les autres protagonistes de JRPG progressent par l’expérience et la force, Eliya, lui, progresse par l’adaptation. Sous sa forme enfantine, il est agile, curieux, capable de s’insinuer là où un adulte ne pourrait passer. Il est perçu comme inoffensif, ce qui lui permet d’obtenir des informations que l’on cacherait à un guerrier accompli. Mais il est faible, incapable de se défendre efficacement en combat, dépendant de la ruse plutôt que de la force brute. Sous sa forme adulte, tout change. Il est respecté, écouté, et surtout capable de manier des armes et des techniques avancées. Mais ce pouvoir a un prix : certaines interactions lui sont désormais inaccessibles, des quêtes ne peuvent être complétées qu’avec l’innocence d’un enfant, et certaines vérités restent hors de portée, dissimulées derrière le voile des années perdues.
Le récit joue habilement avec cette dualité. Certains personnages réagissent différemment selon l’âge d’Eliya, ce qui permet de multiplier les perspectives et d’explorer les thématiques de l’identité et de la perception sociale. Un même allié pourra être un mentor protecteur face à un Eliya enfant, mais un rival acerbe face à sa version adulte.
Malheureusement, si le concept est séduisant, son exécution manque d’ambition. Les dialogues et les quêtes auraient gagné à explorer davantage les dilemmes qu’impose ce pouvoir. On aurait aimé des choix plus marqués, des décisions qui influencent réellement la progression du scénario, plutôt que des variations mineures de dialogues ou d’accès à certaines zones.
Un gameplay bicéphale
Si Alter Age se démarque par son concept narratif original, son gameplay repose sur cette même mécanique de dualité temporelle. Chaque version d’Eliya possède ses propres capacités, influençant aussi bien l’exploration que les combats et l’évolution du personnage.
L’exploration est pensée pour exploiter pleinement cette alternance d’âges. Les zones sont conçues de manière à offrir des passages accessibles uniquement sous l’une ou l’autre des formes. L’Eliya enfant peut se glisser dans des tunnels, tromper la vigilance de certains gardes ou interagir avec des éléments que les adultes ignoreraient. À l’inverse, l’Eliya adulte est capable de déplacer des objets lourds, d’ouvrir des passages bloqués par des mécanismes complexes et de dialoguer avec certains personnages qui ne prêteraient aucune attention à un enfant.
Mais si cette idée fonctionne globalement bien, son exécution est tout sauf fluide. Certains puzzles ou obstacles donnent l’impression d’être des barrières artificielles destinées à forcer le joueur à alterner, plutôt que de proposer une réflexion naturelle. Le changement d’âge est une mécanique intéressante, mais elle est souvent utilisée comme une simple clé pour débloquer une situation, plutôt que comme un véritable outil de gameplay.
Côté combat, la différence entre les formes d’Eliya est encore plus marquée. L’enfant est pratiquement sans défense, mais peut manipuler certaines créatures ou utiliser des objets spéciaux pour contourner l’affrontement. L’adulte, lui, entre pleinement dans le système classique du JRPG avec des attaques physiques, des sorts et des compétences spéciales. Le système de progression suit cette logique. L’Eliya adulte accumule des points d’expérience en combattant, améliorant ses statistiques et débloquant de nouvelles capacités. L’enfant, lui, évolue en complétant des énigmes, en trouvant des objets cachés et en interagissant avec les PNJ.
Mais ici encore l’équilibre est bancal. La progression sous forme adulte est bien plus gratifiante, car elle repose sur un système classique de montée en puissance. L’évolution de l’enfant, en revanche, semble plus accessoire, donnant l’impression que ces segments ne servent qu’à briser le rythme sans réel impact sur la difficulté du jeu.
Les combats en eux-mêmes sont loin d’être mémorables. Le système au tour par tour est classique, mais manque de dynamisme, et les affrontements deviennent vite répétitifs. L’arsenal de techniques est varié, mais certains sorts et capacités sont déséquilibrés, rendant certaines stratégies plus viables que d’autres, ce qui limite l’intérêt à long terme.
Un monde figé entre deux réalités
L’univers de Alter Age repose sur une direction artistique typiquement rétro, fidèle à la tradition des JRPG classiques de l’ère 16-bits. Les décors, dessinés en pixel art détaillé, offrent une belle variété d’environnements, alternant entre villages médiévaux, temples oubliés et paysages sauvages baignés dans une palette de couleurs chaleureuses.
Visuellement, le jeu parvient à capturer une ambiance nostalgique tout en intégrant quelques animations modernes qui lui confèrent un peu plus de dynamisme. Les changements d’âge s’accompagnent d’effets visuels subtils, et certaines zones se transforment légèrement selon que l’on explore sous la forme enfantine ou adulte.
Mais malgré son charme rétro, l’ensemble manque de personnalité. Les décors sont bien réalisés, mais ils restent génériques pour un JRPG, sans cette identité visuelle forte qui permettrait au jeu de se distinguer parmi les nombreux titres en pixel art du marché.
Côté chara-design, les personnages sont expressifs, mais leurs animations en combat manquent de fluidité. Les attaques et sorts, bien que lisibles, auraient mérité des effets plus marqués pour renforcer l’impact des affrontements.
L’ambiance sonore, quant à elle, suit cette même logique de respect du classicisme JRPG. Les musiques sont agréables, bien composées, et accompagnent efficacement l’exploration et les moments-clés de l’histoire. Les thèmes des villes sont mélodieux, les musiques de donjons instaurent une tension subtile et les combats bénéficient d’un rythme plus soutenu. Cependant, les pistes restent trop discrètes et peu mémorables. On peine à retenir un morceau marquant après plusieurs heures de jeu, et certaines boucles musicales deviennent répétitives sur les longues sessions.
Les effets sonores, eux, remplissent leur rôle sans éclat particulier. Les bruits de pas, les interactions avec l’environnement et les attaques sont suffisamment variés pour éviter la monotonie, mais l’ensemble manque de richesse pour rendre les combats véritablement percutants.
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