Sortie le 6 septembre 2024 sur Xbox Series, Ace Attorney Investigations Collection rassemble Ace Attorney Investigations : Miles Edgeworth et Ace Attorney Investigations 2, cette fois entièrement localisés en français. Contrairement aux opus traditionnels où vous incarnez un avocat de la défense, ici, c’est Benjamin Hunter (Miles Edgeworth), procureur aussi rigide qu’élégant, qui mène l’enquête. Plus question d’attendre passivement qu’un témoin se contredise à la barre : vous arpentez directement les scènes de crime, analysez les preuves et confrontez les suspects avec une froide logique.
Si le premier opus avait connu une sortie en Occident en 2010, sa suite était restée exclusive au Japon, frustrant des fans impatients d’en découvrir les mystères. Cette collection permet enfin de réparer cette injustice, avec une traduction officielle et des graphismes revisités. Mais au-delà de cette résurrection, cette version parvient-elle à capturer l’essence des grandes affaires d’Ace Attorney tout en offrant une perspective rafraîchie sur le monde judiciaire ?
Le Procureur, l’Espion et les Affaires Trop Parfaites
Dans cette collection, vous suivez Benjamin Hunter (Miles Edgeworth), le procureur aussi méthodique qu’implacable, connu pour son costume impeccable, son attitude glaciale et son mépris affiché pour l’amateurisme. Habitué à croiser le fer avec Phoenix Wright dans des procès où la vérité surgit toujours au dernier instant, il se retrouve cette fois dans une posture radicalement différente : plus de salle d’audience, plus de juge, plus de règles bien établies. Désormais, Hunter mène ses propres enquêtes, en arpentant directement les scènes de crime, en recueillant les témoignages et en confrontant les suspects face à leur propre contradiction. Ce changement de perspective bouleverse la dynamique classique d’Ace Attorney, offrant une approche plus proactive et une tension narrative qui ne repose plus uniquement sur des batailles d’arguments, mais sur une quête de la vérité qui pourrait bien détruire Hunter lui-même.
Le premier volet, Ace Attorney Investigations: Miles Edgeworth, plonge Hunter dans une série d’enquêtes qui, comme dans tout bon thriller juridique, finissent par s’entremêler en une affaire bien plus vaste qu’il n’y paraît. Chaque meurtre, chaque vol, chaque témoignage douteux s’imbrique dans une conspiration d’une ampleur insoupçonnée, qui menace non seulement la justice, mais aussi la réputation du procureur lui-même. Cette fois, il ne s’agit pas simplement de démasquer des criminels : Hunter doit naviguer dans les jeux de pouvoir du parquet, affronter les intérêts politiques qui gangrènent le système judiciaire et remettre en question certaines vérités qu’il croyait inébranlables.
Aux côtés de Hunter, Dick Tektiv (Detective Gumshoe) incarne une présence rassurante… et souvent irritante. Ce policier maladroit mais profondément loyal sert de soutien comique autant que de partenaire d’investigation. Mais à mesure que les mystères s’accumulent, Hunter se retrouve face à des adversaires bien plus redoutables que les simples escrocs habituels. Calisto Yew, avocate aussi séduisante que manipulatrice, cache un passé sombre et semble toujours avoir une longueur d’avance sur Hunter, le défiant dans un duel intellectuel où la moindre erreur peut être fatale. Ernest Amano, magnat de l’industrie et figure publique intouchable, brouille constamment les pistes, s’assurant que la justice ne s’applique pas aux puissants.
Mais c’est dans Ace Attorney Investigations 2 que l’intrigue atteint une intensité rarement vue dans la série. Dès les premières affaires, Hunter comprend que cette fois, il ne s’agit pas simplement de démasquer des criminels : c’est lui-même qui est en danger. Accusé d’avoir failli à ses devoirs, surveillé de près par la juge Justine Courtney, un membre du Comité d’Innocence, il doit prouver son intégrité face à un système qui pourrait bien vouloir se débarrasser de lui. Mais l’ennemi le plus redoutable est sans aucun doute Blaise Debeste, procureur en chef dont la corruption et l’arrogance menacent de transformer le parquet en machine à broyer les innocents.
L’une des grandes forces de cette suite est de détruire progressivement toutes les certitudes de Hunter. Lui qui croyait en une justice rigide et sans compromis découvre un univers où les règles ne sont appliquées que lorsqu’elles arrangent les puissants, où les erreurs du passé laissent des cicatrices indélébiles, et où parfois, la vérité n’a tout simplement pas sa place dans un tribunal. Plus que jamais, Hunter est seul. Sans avocat pour le défendre, sans juge impartial, sans filet de sécurité, il doit avancer sur une corde raide où le moindre faux pas pourrait anéantir sa carrière, voire sa vie.
Ce qui rend cette collection si captivante, ce n’est pas simplement le retour d’enquêtes palpitantes, mais la façon dont elle transforme la figure de Benjamin Hunter, le faisant passer du procureur infaillible à un homme confronté à ses propres limites, ses contradictions et une vérité qui ne se laisse pas toujours appréhender par la logique pure. Chaque affaire dévoile une nouvelle pièce du puzzle, mais plus Hunter approche du cœur du mystère, plus il risque de se brûler les ailes.
À travers ce parcours semé d’embûches, Ace Attorney Investigations Collection propose non seulement des affaires palpitantes, mais un portrait fascinant d’un procureur qui croyait contrôler la justice… avant de comprendre qu’il n’était qu’un rouage dans une machine bien plus grande que lui.
L’Art de démasquer : entre déduction et manipulation
Contrairement aux jeux Phoenix Wright où l’action est divisée entre l’enquête et le procès, Ace Attorney Investigations Collection se débarrasse totalement de la salle d’audience. Ici, Benjamin Hunter est à la fois enquêteur et juge de ses propres découvertes, ce qui change fondamentalement la manière d’aborder chaque affaire. Loin d’être un simple recyclage des mécaniques habituelles, cette approche offre une dynamique nouvelle : les indices ne viennent plus uniquement des témoignages, mais du terrain, des objets et de l’environnement.
L’exploration prend ainsi une place centrale. Au lieu d’attendre qu’un témoin s’effondre sous la pression, vous arpentez directement les scènes de crime, observez les moindres détails, et reliez les éléments entre eux. L’interaction avec les PNJ se veut plus immersive, et chaque discussion devient un véritable duel mental où le simple choix d’une question peut influencer l’issue de l’interrogatoire.
L’élément le plus marquant reste cependant le système de Logique, une mécanique propre à Hunter qui reflète son esprit analytique affûté. Plutôt que de collecter des preuves passivement, il doit les assembler lui-même, comme un puzzle mental. Deux éléments apparemment distincts peuvent être reliés pour débloquer une nouvelle hypothèse ou révéler une contradiction dans un témoignage. Ce système met davantage le joueur à contribution, l’incitant à comprendre réellement ce qu’il analyse, plutôt que de simplement présenter une preuve au bon moment comme dans les autres volets de la saga.
Les confrontations verbales, autre pilier du gameplay, fonctionnent sur le même principe que les procès classiques, mais avec une différence majeure : il n’y a plus de juge pour encadrer les débats. Ici, tout repose sur la capacité de Hunter à imposer son autorité, à repérer la moindre faille dans un discours et à mettre la pression aux témoins jusqu’à ce qu’ils lâchent un détail compromettant.
Mais c’est dans Ace Attorney Investigations 2 que les mécaniques atteignent leur apogée. Les affaires deviennent encore plus complexes, les dialogues se prolongent avec des ramifications inattendues, et certaines confrontations vous poussent à jongler entre plusieurs suspects en même temps. Une erreur d’interprétation peut vous éloigner de la vérité, obligeant à repenser entièrement votre approche de l’affaire. Cette suite introduit également le Mode Déduction, une évolution du système de Logique qui permet à Hunter d’anticiper les mouvements de ses adversaires, à condition d’avoir assemblé les bonnes informations.
Le level design, bien que limité à des environnements fixes, parvient à éviter la monotonie grâce à une variété d’enquêtes et de lieux. Entre une scène de meurtre dans un paquebot de luxe, un vieux manoir dont les secrets remontent à plusieurs décennies, ou encore un tribunal où l’accusé et l’accusateur s’échangent les rôles, chaque affaire crée son propre climat de tension. La mise en scène compense les décors statiques par une mise en avant des personnages, jouant sur leurs animations exagérées et leurs expressions théâtrales pour injecter un maximum d’intensité dramatique.
Si la collection modernise certains aspects visuels, elle reste fidèle à la formule d’origine, ne proposant aucune révolution technique majeure. Néanmoins, les dialogues retravaillés et la traduction officielle de Ace Attorney Investigations 2 apportent une nouvelle fluidité à l’expérience, rendant le jeu plus accessible aux non-anglophones qui n’avaient jusqu’ici que des traductions non officielles. Ace Attorney Investigations Collection ne se contente pas de reproduire la formule classique de la saga. Elle pousse le joueur à devenir un véritable détective, à formuler ses propres théories, et à se confronter directement à des adversaires redoutables, le tout dans un univers où chaque vérité révélée en cache une autre encore plus troublante.
Une scène de crime figée dans le temps
Visuellement, Ace Attorney Investigations Collection ne révolutionne pas la saga, mais offre un lifting subtil et efficace qui permet aux aventures de Benjamin Hunter de s’intégrer sans heurt aux standards modernes. Les sprites des personnages ont été retravaillés en haute définition, conservant leur style animé et leurs animations exagérées qui rendent chaque confrontation savoureuse. Les environnements bénéficient d’une mise à jour visuelle avec des couleurs plus vives, des textures affinées et des détails mieux définis, ce qui renforce l’immersion dans l’univers d’Ace Attorney.
Les personnages restent le cœur du spectacle, et cela se ressent particulièrement dans leurs expressions faciales et leurs animations théâtrales, qui sont plus fluides que dans les versions d’origine. Hunter lui-même conserve sa posture aristocratique impeccable, mais ses adversaires ne sont pas en reste : les rictus de Blaise Debeste, le regard perçant de Justine Courtney, ou encore le sourire calculé de Calisto Yew transpirent la personnalité et la tension dramatique. Ces micro-détails permettent aux dialogues d’être plus vivants.
Les décors ont été améliorés de manière plus subtile. Chaque scène d’enquête bénéficie de contrastes et d’effets de lumière plus marqués, rendant certains lieux plus oppressants ou intrigants. Une galerie d’illustrations permet d’ailleurs d’admirer les arrière-plans en haute résolution, un ajout bienvenu pour les amateurs de l’esthétique si particulière de la saga.
Côté sonore, la collection s’appuie sur les compositions originales, mais avec une remasterisation qui donne plus de relief aux instruments et aux arrangements. La bande-son de la série Ace Attorney a toujours excellé dans la création d’ambiances intenses, et les thèmes propres à la duologie Investigations ne font pas exception. Le thème de Benjamin Hunter, toujours aussi solennel et menaçant, accompagne à merveille les moments de confrontation, tandis que les musiques des révélations finales, notamment dans le second jeu, sont parmi les plus intenses de la saga.
Les thèmes emblématiques comme “Confrontation – Allegro 2009” ou “Logic and Trick” ont bénéficié d’un mixage plus net, amplifiant la tension dramatique des interrogatoires. Les sons d’impact – que ce soit le claquement du doigt de Hunter, les exclamations furieuses des suspects, ou le bruit de preuve écrasant un argument mensonger – conservent leur puissance théâtrale et viennent renforcer l’effet dramatique de chaque retournement de situation.
Bien qu’on puisse regretter l’absence d’un véritable remaniement graphique intégral, cette collection réussit à moderniser suffisamment l’ensemble pour offrir une expérience fluide et agréable, sans trahir le style unique des originaux. Les animations, la bande-son et la mise en scène conservent toute leur puissance évocatrice, garantissant aux joueurs une immersion complète dans les enquêtes du procureur le plus redoutable de la saga.
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