Pensée pour servir une plateforme encore confidentielle, la manette Amazon Luna avance masquée. Avec son design rappelant ouvertement la manette Xbox et ses promesses de latence minimale grâce à une connexion Wi-Fi directe aux serveurs du cloud Luna, elle se positionne comme le cœur d’une expérience de jeu entièrement dématérialisée. Un objet technique, oui — mais surtout un pari.
Développée dans l’ombre du géant Amazon, vendue comme un prolongement du service Luna, cette manette ne se contente pas de jouer son rôle d’interface : elle devient le totem d’un écosystème. Mais que vaut-elle, une fois détachée de ses promesses marketing ? Peut-elle rivaliser avec les standards actuels — ou n’est-elle qu’un relais fragile entre un jeu sans disque et une ambition sans socle ?
Un clone assumé, une prise en main immédiate
La première impression ne trompe pas. La manette Luna reprend trait pour trait les contours de la manette Xbox : asymétrie des sticks, gâchettes profondes, plastique texturé, surface alvéolée pour la prise en main. L’imitation est assumée, presque revendiquée. Et sur ce point, Amazon ne cherche pas l’originalité : il cherche l’efficacité.
Les matériaux surprennent. Pour un produit conçu en interne, à destination exclusive d’un service encore en déploiement, la fabrication inspire confiance. Les boutons répondent sans mollesse, les sticks tiennent la ligne, les vibrations restent discrètes mais bien calibrées. Même le grip, pourtant souvent négligé sur les produits tiers, assure un maintien solide lors des sessions prolongées.
Quelques détails viennent toutefois rappeler l’identité propre de l’objet : les touches violettes, signature chromatique de Luna ; et surtout le bouton dédié à Alexa, intégré comme un marqueur d’écosystème. Sa présence intrigue, mais sa fonction reste limitée à l’environnement Fire TV. Une inclusion plus cosmétique que pratique — sauf à envisager la manette comme un outil connecté plus que comme un simple périphérique de jeu.
L’autonomie en revanche déçoit. Alimentée par deux piles AA, la manette ne dépasse guère les huit heures d’utilisation continue. Une lacune d’autant plus regrettable que le port USB-C, bien présent, ne permet pas de recharge directe — transformant les piles rechargeables en nécessité plutôt qu’en option.
La prise casque 3,5 mm complète l’ensemble. Fonctionnelle, bien intégrée, sans parasite. Elle confirme une chose : la manette Luna n’a rien d’un gadget. Elle est pensée, construite, assemblée pour durer — même si certaines concessions entament la promesse initiale.
Un périphérique captif dans un écosystème fermé
La manette Luna repose sur une idée forte : contourner le terminal. Grâce à sa connexion Wi-Fi intégrée — baptisée Cloud Direct — elle se connecte directement aux serveurs Amazon. Le signal ne passe ni par la console, ni par le PC, ni par le mobile. Résultat : une latence réduite, une réactivité accrue, un confort immédiat… à condition de rester dans les frontières de Luna.
Car dès qu’on sort du périmètre, les choses se compliquent. La compatibilité Bluetooth existe, oui : PC, Android, iOS sont officiellement pris en charge. Mais la manette perd alors son avantage décisif. Elle redevient un contrôleur standard, soumis aux mêmes limitations que n’importe quel modèle concurrent. Et face à une DualShock 4 ou une manette Xbox, elle ne pèse pas lourd.
Pire : certains services de cloud concurrents (xCloud, GeForce Now, Steam Link) ne reconnaissent pas toujours l’ensemble des entrées, obligeant à reconfigurer les touches manuellement. Sur PC, l’installation de pilotes Amazon reste une étape obligatoire. Rien d’insurmontable, mais une friction permanente qui freine l’usage transversal.
Les gâchettes, bien que solides, affichent une course un peu raide. Lors de longues sessions, la pression répétée finit par fatiguer. Quant au D-pad, il fait le minimum syndical : suffisant pour naviguer, discutable pour les jeux de combat ou les titres en 2D à haute précision.
Cloud Direct reste une bonne idée. Une très bonne idée, même. Mais à ce jour, elle ne fonctionne qu’avec un seul service — Luna. Et tant que celui-ci restera minoritaire sur le marché, la manette ne pourra prétendre à une place universelle.
Autonomie sacrifiée, ambitions bridées
Sur le papier, la manette Luna coche les cases. Port USB-C, prise casque 3,5 mm, bouton Alexa intégré : tout y est. Mais dans la pratique, plusieurs choix techniques viennent alourdir l’expérience, là où elle aurait dû gagner en souplesse.
Premier point noir : l’alimentation. Alimentée par deux piles AA — un standard que l’on croyait relégué aux périphériques d’entrée de gamme — la manette n’intègre aucune batterie rechargeable. Résultat : une autonomie moyenne oscillant entre six et huit heures selon l’usage, et une nécessité de jongler entre piles neuves et rechargeables. Le port USB-C, présent, ne sert ici qu’au jeu filaire. Il ne recharge rien. Un contresens.
Le bouton Alexa, présenté comme une innovation, se révèle anecdotique. Son usage se limite à l’écosystème Fire TV, sans interaction réelle avec les jeux ou l’environnement Luna. On peut changer la chaîne. Pas l’équipement. On peut lancer un jeu. Pas interagir. Là où une intégration vocale contextuelle aurait pu enrichir l’expérience, Amazon livre un gadget partiel.
Côté finition, rien à redire. Les plastiques sont robustes, les assemblages solides. Les vibrations sont sobres mais efficaces, et aucun grincement ne vient trahir la fabrication. Pour un périphérique de cette gamme, le résultat est propre, sérieux, cohérent. Mais l’absence de fonctionnalités avancées — palettes, retours haptiques, profils configurables — rappelle la nature fondamentalement limitée de l’objet.
La manette Luna a été pensée pour Luna. Et uniquement pour Luna. Hors de ce cadre, elle fonctionne, mais n’excelle nulle part. Elle devient périphérique générique, dénuée de toute plus-value technique.
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