Née au début des années 1990 sur micro-ordinateurs japonais, la série Mado Monogatari a marqué l’histoire du RPG pour son humour décalé, son univers coloré et son lien indissociable avec Puyo Puyo. Trois décennies plus tard, elle réapparaît sur Nintendo Switch avec Fia and the Wondrous Academy, sorti en France le 29 juillet 2025 et édité par Reef Entertainment. Développé par Sting et Compile Heart, cet épisode délaisse le tour par tour originel pour proposer une formule hybride, mêlant vie scolaire scénarisée et donjons en temps réel.
Ce nouvel opus vous place dans la peau de Fia, élève débutante à l’Académie de Magie, appelée à suivre des cours, relever des épreuves et affronter des ennemis dans un système de combat fondé sur les affinités élémentaires. L’aventure conserve les marqueurs de la licence : dialogues légers, protagonistes hauts en couleur, références internes à un univers déjà riche. Elle introduit cependant une progression plus douce et une structure pensée pour l’accessibilité, qui privilégie la continuité des actions et la clarté des mécaniques. Une orientation qui inscrit ce retour dans une démarche assumée : prolonger l’héritage tout en l’adaptant aux habitudes de jeu contemporaines.
L’Académie comme théâtre d’une initiation contenue
L’histoire de Mado Monogatari : Fia and the Wondrous Academy débute avec l’arrivée de Fia à l’Académie de Magie, un établissement prestigieux où se mêlent enseignement théorique, entraînements pratiques et épreuves en conditions réelles. Rapidement intégrée à une classe hétéroclite, la jeune élève se voit confier des missions qui l’amènent à explorer une série de donjons liés aux disciplines magiques étudiées. Chaque sortie sert de prolongement aux cours et devient l’occasion d’expérimenter les combinaisons élémentaires qui constituent la base des affrontements. Ce choix narratif installe un cadre léger et structuré, en rupture avec les récits épiques ou catastrophistes : ici, pas de menace planétaire imminente, mais un cheminement par étapes, rythmé par les examens, les compétitions inter-classes et quelques incidents surnaturels qui viennent troubler l’ordre scolaire.
Les personnages qui gravitent autour de Fia participent à cette tonalité accessible. Ses camarades de classe, chacun défini par un tempérament marqué — rivalité amicale, soutien inconditionnel, curiosité excessive —, sont l’occasion de dialogues légers où l’humour domine. Les enseignants, quant à eux, oscillent entre excentricité et exigence, apportant des touches de fantaisie qui entretiennent le ton comique de la série. Si certaines figures bénéficient d’un développement appréciable, notamment les mentors qui accompagnent Fia dans la maîtrise de ses pouvoirs, d’autres restent cantonnées à un rôle fonctionnel, servant avant tout à introduire de nouvelles mécaniques ou zones à explorer.
Cette structure épisodique, qui entrelace missions principales et tâches annexes, installe un rythme clair mais linéaire. Chaque arc narratif trouve sa résolution rapide, souvent avant d’avoir pu tendre réellement les enjeux ou approfondir les relations. La construction favorise ainsi l’accessibilité et l’agrément immédiat, mais elle bride la portée dramatique et la densité émotionnelle. On aurait pu attendre que certaines épreuves — notamment celles qui opposent Fia à des rivaux de l’Académie ou l’entraînent vers des zones plus dangereuses — s’appuient sur un développement plus ambitieux pour transformer la routine en climax mémorable. Au lieu de cela, le récit maintient un cap mesuré, fidèle à l’humour et au ton léger de la licence, mais qui refuse la prise de risque narrative. Ce choix, s’il assure une cohérence d’ensemble, laisse une impression persistante : celle d’un univers attachant qui se contente d’effleurer le potentiel de ses personnages.
Mécaniques en vitrine, profondeur en retrait
Fia and the Wondrous Academy abandonne le tour par tour des épisodes fondateurs pour un système de combats en temps réel où les attaques, défenses et effets dépendent des affinités élémentaires. Chaque ennemi est associé à un élément, et exploiter ces faiblesses devient la clé pour avancer efficacement. Les affrontements se déroulent dans des arènes fermées, déclenchées lors des explorations, et reposent sur un mélange d’esquives, de placements et de déclenchement de compétences avec un temps de recharge à surveiller. La lecture de l’action souffre parfois d’un encombrement visuel, et l’ergonomie des commandes demande un temps d’adaptation, mais l’ensemble reste cohérent avec la volonté d’offrir un gameplay accessible.
L’exploration alterne couloirs simples et salles plus ouvertes, ponctuées d’objets à collecter et de mécanismes élémentaires à activer pour débloquer des passages. Si cette structure fonctionne pour un rythme régulier, elle manque de variété : les donjons partagent des schémas proches et peinent à introduire des surprises marquantes. Les quêtes annexes reprennent souvent la même boucle — éliminer un groupe d’ennemis ou récupérer un objet précis — et leur récompense ne bouleverse pas la progression. L’absence de réelle montée en complexité dans le level design réduit l’incitation à revisiter des zones déjà explorées, hormis pour compléter la collection d’objets ou améliorer l’équipement.
La progression des compétences se fait par un système simple : au fil des missions, Fia débloque de nouvelles attaques et sorts liés aux éléments, que l’on peut combiner pour adapter son style aux ennemis rencontrés. Ce choix de montée en puissance progressive rend le jeu accueillant aux nouveaux venus, mais limite la profondeur stratégique pour ceux qui cherchent des enchaînements plus complexes ou des synergies poussées. On y gagne en clarté, on y perd en ambition mécanique — un équilibre qui reflète la philosophie générale du titre.
Un décor maîtrisé, une partition sans éclat durable
L’Académie de Magie, cœur de Fia and the Wondrous Academy, impose rapidement sa signature visuelle : espaces clairs, contours nets, couleurs franches qui prolongent l’héritage léger de la série. Les couloirs, salles de cours et jardins se prêtent à une lecture immédiate, pensés pour guider le joueur plus que pour le désorienter. Cette cohérence a un prix : passé l’effet de découverte, la répétition des motifs et la sobriété des agencements dans les donjons émoussent la curiosité. Les environnements recyclent leurs architectures et textures, créant une familiarité qui, à défaut de nuire à la lisibilité, prive l’exploration d’un élan de surprise. Même les animations, fluides dans leurs transitions, peinent à donner à certaines attaques spéciales la force visuelle qu’on attendrait : elles fonctionnent, mais ne marquent pas.
La bande-son, elle, accompagne sans jamais emporter. Les thèmes liés à la vie scolaire privilégient des mélodies douces, presque discrètes, là où les musiques de donjon ajoutent un rythme plus tendu sans atteindre le souffle mémorable d’un leitmotiv marquant. Les bruitages, précis et parfaitement calés sur les actions, assurent la clarté des combats, mais n’élèvent pas l’atmosphère au-delà de l’efficace. Le doublage japonais, conservé dans la version française avec sous-titres, donne vie aux dialogues par un jeu dynamique et adapté au ton de la narration ; il ne compense toutefois pas l’absence d’un doublage francophone qui aurait prolongé l’accessibilité et l’immersion pour un public peu enclin à lire en pleine action.
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