Noboru Namiki croit rêver : le nom d’une jeune fille, Golden Yukiko, l’habite depuis toujours. Lorsqu’il croise celle qui porte ce nom, l’irruption du réel bouleverse sa perception du quotidien. La romance naît dans le trouble, dans l’entre‑deux du souvenir et de l’apparition. L’humour discret, l’étrangeté moderne, le style graphique neuf et légèrement absurde tiennent au fil du récit : un pavé narratif qui questionne tant l’identité que le rêve. Mais cette fraîcheur suffit-elle à porter le récit, ou l’ellipse narrative l’éteint‑elle avant qu’il ne s’éveille ?
L’apparition de Yukiko dissout la frontière entre rêve et banalité
Le scénario de Golden Yukiko débute par une obsession ténue : Noboru Namiki, adolescent effacé, grandit avec la sensation de connaître “Golden Yukiko”, une jeune fille dont le nom résonne sans explication dans sa mémoire. Lorsqu’il croise dans la réalité cette Yukiko, l’histoire promet d’ouvrir la voie à une rencontre bouleversante, à la réécriture du destin ou à la révélation d’un passé enfoui. Mais le récit, au lieu de creuser ce mystère, multiplie les séquences anecdotiques : la vie scolaire, les journées répétitives, les hésitations du garçon, les discussions avortées avec ses amis, forment la toile de fond. L’intrigue n’avance que par petites touches, à travers des scènes qui effleurent la romance sans jamais la construire, des moments où l’étrangeté affleure mais ne déborde jamais la réalité.
L’apparition de Yukiko dans la vie de Noboru n’ouvre ni enquête, ni révélation : elle se contente d’installer un sentiment d’irréalité, une distance, une lente dissolution du rêve dans le quotidien. La narration, linéaire, refuse l’accélération ou le suspense, laissant le lecteur suivre la trajectoire d’un jeune homme qui, à force de chercher un sens à l’insignifiant, ne récolte que des silences et des gestes vides. L’enchaînement des situations – l’école, la ville, les rencontres manquées – compose un tableau figé où la promesse initiale s’efface, où chaque étape du récit semble vouée à la stagnation. La résolution, privée de toute force émotionnelle, s’inscrit dans la continuité d’un scénario qui s’interdit l’éclat, jusqu’à perdre le fil de sa propre ambition.
Le scénario s’étire, hésite entre la chronique du malaise adolescent et la rêverie poétique, mais ne tranche jamais. Le lecteur progresse dans un flou qui ne provoque ni attente, ni inquiétude, ni attachement. Les thématiques de l’identité, de la rencontre, du souvenir restent esquissées, jamais approfondies, jamais transcendées. La mécanique narrative piétine sur place, et la silhouette de Yukiko, censée irradier l’univers du héros, ne laisse qu’une lumière froide, impersonnelle, presque invisible.
Le dessin dilue la lumière dans la grisaille du quotidien
Le style graphique de Golden Yukiko refuse la surenchère, mais oublie la force de la simplicité. Le trait, souple, hésitant entre réalisme et abstraction, ne parvient jamais à imposer une identité visuelle claire. Les décors se réduisent à l’esquisse : couloirs d’école, trottoirs dépeuplés, ciels neutres, tout ramène à une atmosphère atone, privée d’intensité. Les visages, construits sur quelques lignes, peinent à exprimer la moindre émotion durable : la tristesse s’efface, la joie se dissout, la surprise ne dure qu’une case. Le cadrage, souvent statique, refuse le mouvement et la profondeur : la lecture se fait morne, l’œil glisse d’une planche à l’autre sans jamais s’arrêter sur un détail marquant.
L’absence de contraste, le manque d’ambition dans la composition, la pauvreté des arrière-plans condamnent le manga à une fadeur graphique difficile à oublier. L’étrangeté supposée du récit ne trouve jamais d’équivalent dans le dessin : la fameuse lumière qui entoure Yukiko ne brille jamais, ni dans l’encre ni dans la construction de la page. L’ensemble se referme sur une neutralité visuelle, où la monotonie l’emporte sur l’éveil des sens.
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