Sutures est un recueil de nouvelles écrit par Hirokatsu Kihara et dessiné par Junji Ito. Paru aux Éditions Mangetsu le 02 Juillet 2025, il se compose de 128 pages.
Sublimer l’horreur
Hirokatsu Kihara est connu pour son manga L’Escadrille des Nuages mais surtout pour Les Cauchemars de Mimi, un manga en 10 volumes basé sur des histoires vraies. Junji Ito s’est augustement occupé des dessins de Shin Mimibukuro ; Hirokatsu Kihara et Ichiro Nakayama y incorporent leurs récits qui explorent la J-Horror en abordant des faits réels.
Cette fois, Mangetsu propose un recueil inédit, sublimé par la patte unique de Junji Ito. Ces 10 histoires nous entraînent au sein de l’horreur, racontée par Hirokatsu Kihara, magnifiée des dessins du maître. Un mariage harmonieux qui nous propose les sutures suivantes :
Première incision : Le visage. Un couple déménage sur une petite île. Madame A. se comporte étrangement ; son époux constate qu’un visage humain prend forme sur sa gorge avant de se déplacer sur tout son corps…
Deuxième incision : La bibliothèque. Une petite fille semble hanter la bibliothèque de l’école. Du papier journal calfeutre les vitres, les rideaux sont tirés et une cérémonie se prépare pour libérer le fantôme.
Troisième incision : Depuis la mer. Trois jeunes filles s’ennuient pendant leurs vacances scolaires. Elles se rendent jusqu’à la mer et y découvrent un temple. Une étrange cérémonie semble avoir lieu tandis que des orbes enflammés fusent dans le ciel.
Quatrième incision : La fête des morts. M est capable de voir les esprits depuis le premier soir d’O-bon. Elle remarque son voisin décédé, ainsi que d’autres personnes en grandissant.
Cinquième incision : La représentation. Dans le club de théâtre, un vieux carton recouvert de nombreux scotchs est descellé. Il contient un pantin de Pinocchio ainsi que le costume noir du marionnettiste qui accompagne le script. E. le manipule extrêmement bien au point qu’on le croirait vivant…
Sixième incision : Danse folklorique. Lors d’un stage d’échange avec une autre faculté, les étudiants organisent une danse folklorique. Beaucoup de garçons ont remarqué la splendide demoiselle, assise toute seule devant le feu. T., qui est chargé de photographier chaque instant s’y applique, mais les clichés sont bien différents de ce à quoi il s’attend…
Septième incision : Shichi-go-san. La fille de Madame F., qui a 7 ans, s’apprête à célébrer le Shichi-go-san. Madame F. lui a préparé un kimono pour l’occasion. Mais la veille au soir, elle entend un rire en provenance de la chambre de sa fille. En y allant, elle découvre une silhouette dans le kimono. Dénuée d’yeux et de nez, Madame F. devine pourtant de qui il s’agit…
Huitième incision : Un jour de neige. S croise une jeune femme vêtue d’une simple robe d’été, qui marche pieds nus dans la neige durcie sans faire le moindre bruit. Durant la nuit, l’apparition rentre chez elle…
Dernière incision : Les lèvres. Un étrange papier pour shôji apparaît sur l’armoire de N. La petite fille constate que des lèvres noires d’encre gonflent sur le papier.
Chapitre spécial : Le voyage de fin d’études. (Unique histoire au format manga de Junji Ito). Naomi et Kazuko se rendent dans un hôtel du Tohoku pour fêter leur diplôme. Alors qu’elles se dirigent vers les bains, le couloir semble s’obscurcir et s’allonger…
Postface. Hirokatsu Kihara raconte le parcours de Sutures, de coïncidence en coïncidence.
Sanctuariser l’horreur
Chaque histoire aborde l’horreur sous un angle bien précis. Les Sutras jaillissent, comme pour conjurer le surnaturel qui hante ces pages. Le prêtre Shintô du début instille une certaine inquiétude. Il sait déjà de quoi souffre l’épouse et n’hésite pas à graver des Sutras sur son corps pour l’en défaire.
Ces apparitions n’apportent aucune réponse sur leur nature précise, elles existent, tout simplement. Mon histoire préférée reste La représentation, qui laisse un voile de mystère concernant la tenue noire. Un carton recouvert de tant de scotch laisse penser qu’il ne faut pas l’ouvrir ; ce qui n’est pas sans rappeler celui d’Another, qui contient la sombre vérité mais demeure scellé de la même façon.
J’aurais aimé que les protagonistes soient nommés par leur prénom, pas seulement leur initiale ; pour une meilleure immersion, plus d’authenticité. C’est le cas dans la dernière histoire, celle de Junji Ito.
La mise en page apporte du relief au récit. Les illustrations sont incorporées de manière à embrasser le rythme. Chaque double page a été travaillée minutieusement. Certains mots sont écrits plus gros pour capturer le regard, l’ensemble est dynamique et immersif.
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