À l’orée de ce troisième volume, unOrdinary abandonne toute illusion de retour à l’ordre. Uru-chan pousse désormais ses personnages dans leurs derniers retranchements, multipliant les fractures internes et les renversements de perspective. L’école, théâtre d’un équilibre faussement stable, sombre définitivement dans la défiance généralisée. Ce tome 3, publié chez NeoToon, marque-t-il l’éclatement tant redouté ou n’est-il qu’une nouvelle boucle dans la mécanique du chaos ? Face à la montée de la suspicion, du désespoir et des trahisons, le récit se rapproche de son point de rupture – mais Uru-chan parvient-elle à renouveler la tension ou condamne-t-elle son univers à l’épuisement ?
Chacun tombe, chacun frappe dans le noir
Le troisième tome d’unOrdinary accélère la descente aux enfers amorcée précédemment. Uru-chan n’adoucit rien : la dynamique de domination implose, faisant jaillir un chaos où chaque protagoniste s’éloigne de son ancienne posture. John, désormais sans masque, ne peut plus contenir sa violence. Son isolement grandit, la paranoïa s’installe, et les conséquences de ses actes se répercutent sur tout le microcosme scolaire. Loin d’un simple déchaînement physique, c’est la psyché du personnage qui se fissure, documentée par une écriture sèche, brutale, qui force le lecteur à côtoyer la dérive.
La galerie secondaire s’épaissit : Seraphina, privée de ses repères et marginalisée, se révèle plus vulnérable que jamais, perdant peu à peu tout soutien. Les figures d’autorité, impuissantes ou manipulatrices, ne cherchent plus à apaiser le conflit : elles y participent ou ferment les yeux. Le récit s’enfonce alors dans un ballet de trahisons, d’humiliations, de confrontations où personne ne sort indemne. Ce volume creuse plus frontalement la question du consentement à la violence, du rôle du spectateur et du bourreau, et fait basculer l’école dans une atmosphère de suspicion permanente.
La tension narrative repose sur ce renversement de valeurs : la force n’apporte plus la sécurité mais précipite la chute. L’écriture, encore plus acérée, refuse tout pathos : chaque personnage paie le prix de ses choix. unOrdinary s’impose, dans ce tome 3, comme un récit de désintégration où la psychologie l’emporte sur la mécanique des combats, et où l’espoir recule devant la mécanique du chaos.
Le découpage éclate, la tension ne laisse aucun répit
Le Tome 3 d’unOrdinary confirme la maîtrise du rythme et du découpage propre au webtoon, mais Uru-chan y imprime une urgence nouvelle. Les transitions s’accélèrent : les cases s’enchaînent à un rythme syncopé, traduisant l’escalade de la violence et l’état d’alerte permanent dans lequel baignent les personnages. Chaque page devient un terrain d’affrontement psychologique, où les silences s’étirent et où le regard du lecteur est happé par le vide des couloirs ou l’explosion d’une agression.
La mise en scène abandonne toute neutralité : le choix des cadrages serre les visages, insiste sur la crispation des mains, sur le détail d’un regard ou la trajectoire d’un poing. Les ruptures visuelles matérialisent la fracture interne des protagonistes : John ne traverse plus l’école, il l’assiège, il la hante. Les séquences de violence sont plus sèches, moins chorégraphiées : la brutalité est immédiate, sans détour ni esthétisation, et la lecture devient plus éprouvante, moins complaisante.
Les moments de répit sont brefs : chaque suspense n’est plus qu’un sursis avant la prochaine déflagration. La structure en chapitres-feuilletons pousse le malaise à son comble, suspend l’espoir d’un retour à la normale, et imprime un sentiment d’inéluctabilité. Le découpage n’est pas qu’un artifice de mise en scène : il est au service du chaos, du vertige et de la déshumanisation.
L’explosion des couleurs, le malaise comme unique horizon
Ce troisième tome marque un basculement visuel assumé. Le trait d’Uru-chan, déjà acéré, devient plus agressif, multipliant les effets de distorsion lors des séquences d’affrontements. Les couleurs s’intensifient : rouges saturés, ombres plus denses, contrastes marqués, chaque planche semble vouloir repousser le lecteur hors de sa zone de confort. Les visages, souvent déformés par la colère ou la peur, affichent des émotions à vif, rendant palpable la perte de contrôle généralisée. L’épure des décors, accentuée dans ce volume, accentue la sensation de claustrophobie : l’école n’a jamais paru aussi étouffante.
Les choix graphiques soulignent la montée de la psychose : arrière-plans effacés lors des crises, surlignages lumineux sur les éclats de violence, gestion des ombres pour isoler un personnage de la foule. La mise en page, désormais plus éclatée, s’affranchit de la linéarité classique pour fragmenter le récit, cassant le rythme et plaçant le lecteur dans une posture d’instabilité permanente. On ne respire plus : chaque transition visuelle impose une crispation, un vertige, et inscrit la douleur dans chaque case.
Toujours dépourvu de sonorités, mais l’absence de bruit devient ici une composante narrative : la violence muette, l’écho des pas dans les couloirs, le silence avant la tempête s’imposent d’eux-mêmes, participant à l’ambiance anxiogène du volume.
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