Développé par Realmforge Studios et publié par Kalypso Media, Spacebase Startopia tente de réanimer l’ADN d’un classique du jeu de gestion spatial. Sur Xbox Series, le titre promet de transformer votre station orbitale en un écosystème vivant, où aliens bigarrés, infrastructures futuristes et technologies avancées cohabitent. Mais derrière ses promesses de grandeur cosmique, ce projet parvient-il à embrasser la complexité d’une cité stellaire ou se perd-il dans la pesanteur de ses propres systèmes ?
Un récit sans souffle
Spacebase Startopia n’est pas un jeu qui raconte une histoire. C’est un projet qui prétend vous laisser écrire la vôtre, en confiant à vos mains la destinée d’une station spatiale à l’agonie. La narration, volontairement effacée, se résume à une intelligence artificielle sarcastique, VAL, qui commente vos échecs et vos réussites avec un humour mécanique. Cet artifice donne l’illusion d’un univers vivant, mais il ne suffit pas à bâtir un véritable contexte narratif.
La structure du jeu repose sur trois ponts distincts : le Pont Subcentral, où se construisent les infrastructures vitales ; le Pont Biotop, espace végétal qui entretient l’écosystème ; et le Pont de Divertissement, dédié aux besoins des visiteurs extraterrestres. Chacun de ces espaces est peuplé d’aliens aux comportements codifiés, mais aucun n’existe en dehors de ses routines. Ils consomment, travaillent, meurent parfois, mais ne laissent jamais la moindre trace mémorable.
Les factions qui gravitent autour de votre station se présentent comme des entités aux objectifs divergents. Pourtant, leurs interactions se limitent à des textes fonctionnels et à des requêtes génériques. Aucun antagoniste ne se détache, aucun allié n’inspire une quelconque sympathie. La station Startopia, censée être un microcosme galactique, n’est qu’une coquille brillante, où la vie des personnages n’est qu’un ensemble de statistiques et de jauges à optimiser.
Il aurait été possible de masquer cette absence d’âme par une atmosphère forte, mais Spacebase Startopia ne parvient jamais à insuffler ce supplément d’émotion qui transforme une simple gestion en épopée. Pas de journaux de bord à découvrir, pas de récits d’accidents tragiques, pas de souvenirs d’un équipage soudé par les épreuves. La station tourne, les chiffres montent, mais rien ne respire.
Des systèmes qui s’enclenchent sans jamais décoller
Spacebase Startopia vous enferme dans une boucle de gestion qui semble, au premier abord, parfaitement huilée. Chaque pont de la station impose sa propre logique : le Subcentral abrite les modules techniques essentiels, le Biotop équilibre l’oxygène et les cultures végétales, tandis que le Pont de Divertissement canalise les besoins hédonistes des visiteurs. Ce découpage donne l’impression d’un microcosme où chaque élément dépend des autres, une toile fragile où la moindre erreur pourrait entraîner un effondrement en cascade. Mais rapidement, les mécaniques révèlent leur rigidité.
La construction des modules suit une logique qui ne varie jamais : collecter des ressources, assembler des bâtiments, surveiller les flux d’énergie. Les chaînes de production, bien que fonctionnelles, se réduisent à une routine répétitive. Il n’y a pas de complexité émergente, pas de systèmes qui interagissent de façon inattendue. L’illusion d’un écosystème vivant disparaît au profit d’une grille d’optimisation, où chaque bâtiment remplit un rôle précis sans jamais surprendre.
Les phases de gestion sont ponctuées d’éléments de RTS : défense contre des intrus, contrôle de robots de sécurité, affrontements ponctuels avec des pirates. Ces séquences, censées dynamiser l’expérience, se transforment en interruptions maladroites. Le maniement des unités, pensé pour la souris, devient fastidieux sur Xbox : la précision du curseur laisse à désirer, et la gestion des priorités en temps réel souffre d’un manque d’ergonomie. Ces combats, souvent trop simplistes ou inutilement chaotiques, ne parviennent jamais à instiller un véritable frisson.
La progression repose sur un système d’objectifs scénarisés et de contrats. Mais ces missions, plutôt que d’ouvrir la voie à des dilemmes stratégiques, enchaînent des tâches fonctionnelles : construire X modules, atteindre Y visiteurs satisfaits, maintenir Z % de propreté. Même dans le mode bac à sable, où l’on aurait pu espérer un déchaînement créatif, la rigidité des mécaniques bride l’expérimentation.
Enfin, la gestion des visiteurs, cœur supposé du jeu, s’avère étonnamment superficielle. Chaque espèce d’alien dispose de besoins spécifiques et d’aptitudes uniques, mais ces particularités n’influencent jamais assez profondément la façon de gérer la station. Il n’y a pas de tensions émergentes, pas de crises organiques à résoudre : tout est cadré, prévisible, comme si la station orbitait dans une bulle aseptisée.
Spacebase Startopia fonctionne. Les jauges montent, les ressources circulent, les missions se succèdent. Mais tout cela ressemble davantage à une démonstration technique qu’à une expérience galvanisante. Un moteur qui tourne sans heurts, mais qui ne dégage jamais de véritable puissance.
Une station brillante figée dans un vide sonore
Visuellement, Spacebase Startopia déploie une station spatiale séduisante au premier regard. Le design des ponts joue sur les contrastes : le Subcentral froid et métallique, le Biotop luxuriant où les plantes grimpent le long des parois, et le Pont de Divertissement saturé de néons et de couleurs vives. Les animations des visiteurs extraterrestres ajoutent une touche de vie : certains déambulent, d’autres se prélassent dans les zones de loisirs ou patientent devant des distributeurs. Mais cette effervescence apparente ne suffit pas à masquer la répétition des éléments visuels. Les modules construits se ressemblent trop, les environnements manquent d’identité propre, et les variations esthétiques s’essoufflent après quelques heures.
Les designs des races extraterrestres affichent une certaine exubérance : créatures insectoïdes, amphibiens massifs, humanoïdes aux teintes éclatantes. Mais leur comportement reste mécanique, leurs animations limitées. On les observe une fois par curiosité, puis on les oublie, tant ils se fondent dans une routine sans surprise.
La bande-son, elle, accompagne la gestion d’une discrète nappe électronique. Les thèmes sont légers, presque contemplatifs, mais manquent cruellement de caractère. Aucun morceau ne marque l’esprit, aucun ne parvient à traduire la tension ou la satisfaction d’une station florissante. Les bruitages, réduits à des sons de modules qui bourdonnent, de portes automatiques qui s’ouvrent et de robots qui cliquettent, renforcent cette impression de neutralité.
VAL, l’IA qui vous accompagne, tente d’insuffler un peu d’ironie dans ce silence technique. Son humour sarcastique fonctionne ponctuellement, mais ses répliques finissent par se répéter, transformant cette présence en un bruit de fond prévisible. Là où elle aurait pu devenir un véritable personnage, un élément narratif qui donne corps à l’univers, elle reste un gimmick sonore enfermé dans une boucle.
Spacebase Startopia donne l’illusion d’une station en mouvement, mais cet habillage sonore et visuel peine à la rendre crédible. Ce n’est pas un lieu où l’on sent la chaleur d’une communauté extraterrestre, c’est un espace fonctionnel, propre, figé. Une coquille brillante, mais sans âme.
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