Prévu pour le 19 juin 2025 sur Nintendo Switch, Chronicles of the Wolf est un clone structuré de Castlevania, développé par Migami Games, déjà responsable des Lecarde Chronicles. Nouvelle esthétique, nouvelle époque, même ambition : reproduire un modèle maîtrisé. Le cadre se déplace — France du XVIIIe siècle, Bête du Gévaudan, croix et clair-obscur — mais la logique reste inchangée.
L’intention est claire : bâtir un successeur spirituel, précis, rigoureux, sans compromis. Mais dans ce système de références, d’imitations et de résonances, Chronicles of the Wolf propose-t-il autre chose qu’un pastiche appliqué ? Ou confirme-t-il que le rétro, lorsqu’il est trop fidèle, se condamne lui-même à ne plus surprendre ?
Un folklore vidéoludique sans chair
Chronicles of the Wolf vous place dans la peau de Mateo Lombardo, un chasseur de la fin du XVIIIe siècle envoyé traquer la Bête du Gévaudan. Le postulat, directement inspiré de l’imaginaire catholique et du mythe français, semble promettre un récit ancré, tendu, habité. Il n’en est rien.
Le jeu mobilise l’esthétique du gothique tardif : loups, crucifix, oraisons funèbres, caves humides, prêtres maudits. Mais il n’en tire aucun propos. La structure narrative est minimale. Une voix-off ponctuelle, quelques échanges de texte entre personnages sans visage, une suite de cinématiques muettes ou surjouées — voilà tout ce qui structure la trame. Aucun enjeu moral, aucun doute, aucun conflit interne. Mateo avance, tue, avance encore.
Les personnages secondaires — abbé, cartomancienne, alchimiste — ne sont que des bornes d’étapes. Ils délivrent une clé, une information ou une capacité, puis disparaissent du récit. Aucun n’a de trajectoire propre. Aucun ne revient. Aucun ne dérange l’axe principal. Le jeu ne construit pas une galerie, il aligne des silhouettes.
Même la Bête, pourtant point central du scénario, reste conceptuelle. Présente dans les décors, évoquée par les cadavres, elle ne devient réelle que dans les dernières heures. Trop tard. Trop peu. L’arc narratif de Mateo, lui, est inexistant. Il commence déterminé, il termine vidé. Le jeu n’a pas de personnage principal : juste une fonction de déplacement.
L’univers visuel impose une atmosphère. Mais cette atmosphère n’a aucun ancrage. Pas de journal, pas de documents, pas de traces. Le lore est suggéré, jamais travaillé. Le surnaturel est là, mais jamais interrogé. Le catholicisme est là, mais jamais problématisé. Le passé est là, mais jamais situé.
Chronicles of the Wolf singe une mythologie sans jamais y entrer. Il reproduit un imaginaire sans jamais le déplier. Il invoque un folklore vidéoludique, pas une mémoire historique.
Un système verrouillé dans sa fidélité à Castlevania
Chronicles of the Wolf ne cherche pas l’expérimentation. Il applique un modèle. Chaque salle, chaque capacité, chaque séquence de combat s’inscrit dans une logique héritée des Castlevania GBA/DS, jusqu’à en reproduire les contraintes avec une précision maniaque. Ce n’est pas une base d’inspiration : c’est un moule.
L’exploration repose sur une carte semi-ouverte, aux zones interconnectées. Vous débloquez des raccourcis, obtennez des compétences contextuelles (saut mural, dash, double saut, projectiles magiques) et revient sur ses pas. La boucle fonctionne. Elle est lisible, balisée, efficace. Mais elle ne surprend jamais.
Le jeu se distingue par une difficulté sèche, parfois punitive. Les ennemis infligent de lourds dégâts. Les checkpoints sont espacés. Certains boss exigent une mémorisation parfaite de leurs patterns, avec un minimum de marge d’erreur. Le jeu ne cherche pas l’équilibre : il impose une cadence. Vous suivez, ou vous recommencez.
Les combats sont nerveux mais rigides. Mateo ne dispose pas d’un éventail large de coups. Ses armes sont contextuelles, ses projectiles limités, et ses fenêtres d’invulnérabilité réduites. La précision est obligatoire. L’improvisation est sanctionnée. Rien n’est fluide. Tout est contraint.
Le level design, lui, est cohérent, structuré autour de zones aux identités marquées (village infecté, cloître effondré, forêt brumeuse), mais souffre d’un rythme cassé par de trop nombreux allers-retours mal amortis. Aucun système de téléportation rapide. Peu de raccourcis vraiment utiles. La progression devient parfois mécanique. On étire la durée plus qu’on la construit.
Les compétences débloquées n’offrent que rarement de vraies variations dans la mobilité ou le combat. Pas de build, pas d’arbre de progression, pas de personnalisation. Juste une succession de pouvoirs fixes, délivrés à des moments fixés. Le jeu ne s’adapte jamais à vous. Il vous fait suivre un rail caché.
Sur Nintendo Switch, la version souffre de ralentissements légers dans certaines zones chargées, ainsi que de microfreeze en cas de chargement dynamique. Rien de bloquant, mais la fluidité est inférieure aux versions PC. Le framerate, souvent proche de 30 fps, peine à rester constant.
Chronicles of the Wolf est un jeu pensé pour ceux qui veulent rejouer à Castlevania sans Castlevania. Dans cette logique, il réussit. Mais il n’apporte aucune proposition neuve, aucune mécanique inédite, aucun système propre. Il reproduit. Avec sérieux. Avec compétence. Mais sans geste.
Un hommage visuel soigné sans prise de risque esthétique
Chronicles of the Wolf mise sur une direction artistique rétro maîtrisée. Le pixel art est net, les animations sont précises, les arrière-plans détaillés sans surcharge. Le style évoque immédiatement les Castlevania de l’ère GBA/DS, jusque dans le choix des palettes, des architectures, des effets de lumière. L’univers visuel est cohérent, dense, mais totalement sous contrôle. Aucun débordement, aucune excentricité. Le jeu reconstruit un imaginaire connu, sans jamais le déranger.
Les environnements sont variés sur le papier — ruines, cathédrales, forêts brumeuses — mais l’esthétique reste uniforme. Teintes désaturées, architecture gothique rigide, symboles religieux répétés. La mise en scène fonctionne, mais finit par tourner en rond. La beauté du jeu n’est jamais contestée. Mais elle reste figée. Pas un seul environnement ne surprend. Aucun ne dérange.
Les sprites ennemis sont travaillés, lisibles, souvent grotesques dans leur design. Le bestiaire s’inscrit dans le registre connu : morts-vivants, chiens pestiférés, nobles défigurés. Les boss sont massifs, bien animés, mais rarement marquants. Ils impressionnent par leur taille, pas par leur conception. Aucun ne brise la grammaire du jeu.
La bande-son, signée Jeffrey Montoya, s’inscrit dans la tradition symphonique Castlevania : orgues, cordes, chœurs latents. Le résultat est solide, mais sage. Peu de thèmes sortent du lot. Aucun ne laisse de trace durable. Les musiques accompagnent, sans déranger. Elles habillent, sans imposer. L’ambiance sonore, elle, reste discrète, avec quelques effets réussis — craquements, vents, cris lointains — mais sous-mixée sur Switch. Certains bruits s’effacent. D’autres saturent.
Le jeu possède une ambiance. Mais il la protège. Il ne prend jamais le risque de rompre le cadre. Il est visuellement cohérent. Musicalement maîtrisé. Mais esthétiquement sage.
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