Diamond Little Boy est un manga de Victor Dermo qui paraîtra aux Éditions Vega le 20 Juin 2025. Il se compose de 256 pages.
Deuil, trafic et rédemption
Ce manga est une autobiographie. Il retrace le parcours de Victor Byanba durant son adolescence à Caen. En l’an 2008, Victor, âgé de 13 ans, souhaite devenir mangaka ; Death Note et GTO font partie de ses références cultes. Son professeur dénigre sa passion, la culture japonaise qu’il n’essaie même pas de comprendre, ainsi que ses origines ethniques. Il lui promet qu’il finira éboueur, à l’instar de beaucoup d’autres gens ; cependant, Victor sait qu’il est spécial. Le dessin demeure crucial pour lui.
Morgann est le meilleur ami de Victor. Avec Paul, ils taguent des murs de manière artistique. Le quartier n’est pas sûr et un soir, ils rencontrent des voyous qui les agressent, jusqu’à l’arrivée du frère aîné de Victor. Peu après, Morgann tombe dans le coma, puis décède.
Victor sombre. Il vient de perdre son meilleur ami, devient plus revêche avec son entourage, commence à fumer. Alors que son existence pèse plus lourd, un concert illumine sa vie : sa tante lui présente son petit ami qui se produit au zénith de Caen. Christophe, membre des Bluestones, dédie sa chanson de blues « Diamond Little Boy » à Victor. Cette musique se transforme en révélation pour lui, il a envie de transmettre des émotions à son tour.
La passion du manga et de la musique
Victor continue de s’évader un peu grâce aux mangas. Christophe lui offre une guitare qui prend une place importante dans sa vie, au point de dormir avec. Il rencontre Joackim qui joue de la batterie depuis 8 ans. Lorsque leur prof d’EPS leur propose de monter un groupe au sein de l’école, Victor est partant. La musique devient un nouvel exutoire, leur groupe répète 1h chaque jour.
L’année 2008 a emporté Morgann, laissant un trou béant. C’est aussi durant cette année que Victor découvre la vibe otaku. Il tombe en amour pour le visuel kei, Gazette est d’ailleurs représenté sur une des planches. Puis il découvre Nana, un monument du josei (trop souvent considéré comme un shôjo) qui devient rapidement son manga préféré. En compagnie de Amedama, il se rend à sa première Japan Expo et perçoit un monde inédit.
Plus tard, tous deux aperçoivent des zonards, Amedama le met en garde avant de disparaître de sa vie : « Tiens-toi loin de ces mecs-là. » Malheureusement, le Destin de Victor est en marche…
Délinquance
Victor refuse de fumer les joints de Joackim et décline toutes les propositions de cet acabit. Sa vie pourrait être tranquille… seulement, son frère aîné le cloisonne dans cette dérive. Vendre de la drogue pour lui, devenir une cible de choix pour un dealer qui sait que comme Victor est mineur, il sera forcément relâché… L’étau se resserre doucement.
En intégrant le lycée Jules Verne, Victor arpente un monde de violence. Tous les élèves en échec scolaire ou avec des problèmes familiaux le fréquentent, condensant une virulence brute. Son premier jour pose les bases : un élève se fait frapper parce qu’il refuse de dépanner une cigarette, un autre se fait massacrer par trois adolescents sans que personne n’intervienne. Ce lycée a ses propres codes, hissés dans la délinquance la plus crue. En l’intégrant, Victor bascule un peu plus dans ce monde qu’il ne souhaitait surtout pas connaître.
Influence nippone
L’influence de certains univers transpire dans le papier. On retrouve Eikichi Onizuka qu’il crayonne dans son cahier, puis en poster. Les expressions des protagonistes y font immanquablement penser, notamment la façon dont le professeur s’énerve, qui rappelle Hiroshi Uchiyamada dans GTO.
À l’époque de sa diffusion sur Canal + en clair, tout le monde souhaitait avoir un professeur aussi cool qu’Onizuka. Le plan où Victor jette sa cigarette avec l’index est typiquement inspiré de ce manga culte qui a marqué ma 3ème. Je n’ai pas eu la chance de connaître Death Note à l’époque, mais j’ai baigné dans Fullmetal Alchemist, Monster et bien d’autres monuments qui m’ont marquée. Diamond Little Boy est bien plus qu’une autobiographie, c’est aussi une nostalgie de ces années où nous tombions en amour pour le Japon et ses univers si merveilleux, tellement uniques et riches en émotions, en rêves… En cela, il a fait vibrer une corde sensible chez moi.
Les décors sont particulièrement soignés. Il y a une esthétique qui contraste énormément avec le design des personnages, formant un ensemble hétéroclite. Outre ses nombreuses qualités, c’est surtout l’authenticité du texte qui émeut. Des émotions entières, sans concessions. Un récit qui nous parle d’une banlieue avec ses propres règles, son propre Enfer. La façon dont Victor sombre dedans malgré lui.
Son parcours, intime, touche dans sa prose. « C’est toi qu’on enterrait… Mais c’est moi qui sombrais… Et depuis je chute en silence, brisé par ton absence. » On perçoit la sensibilité inhérente de l’auteur, notamment lors de l’enterrement où tous les protagonistes sont comme partiellement délavés à l’arrière-plan, inexistants ; hors de sa vie, de son drame.
La mention de Victor Hugo taguée : « C’est en nourrissant les rêves que l’on prévient les crimes. » est très pertinente. Car c’est bien en reprenant sa passion que Victor a pu s’épanouir dans sa vie après des années de délinquance.
En 2016, Diamond Little Boy est prépublié et comptabilise très vite 120 000 lectures en ligne. Skread et Ablaye deviennent parrains du manga en 2022. Une collaboration naît avec le studio Atsu, qui accepte pour la première fois un auteur étranger.
Diamond Little Boy transmet beaucoup d’émotion dans sa lente résilience, et prouve qu’il faut toujours croire en ses rêves, en dépit de l’Enfer que l’on traverse.
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