Développé par Red Barrels et lancé sur Xbox Series le 5 mars 2024, The Outlast Trials vous plonge dans une Amérique des années 1950, au cœur d’un programme d’expérimentations mentales orchestré par la sinistre Murkoff Corporation. En tant que cobaye surnommé “Reagent”, vous êtes soumis à des épreuves aussi brutales que déshumanisantes, seul ou en coopération jusqu’à quatre joueurs.
Mais cette nouvelle orientation multijoueur parvient-elle à renouveler l’horreur viscérale de la série Outlast, ou dilue-t-elle sa terreur dans une formule plus accessible ?
Des cobayes sans voix dans une cage à mémoire
The Outlast Trials abandonne la narration linéaire des précédents volets pour plonger dans une structure modulaire, où l’histoire se dévoile par fragments, rituels et hallucinations. Vous incarnez un “Reagent”, une identité effacée, arrachée à son passé, que la Murkoff Corporation soumet à une série de traitements psychologiques expérimentaux dans des installations recréées à la chaîne.
Il n’y a pas de récit dirigé : l’histoire est une expérience, pas un scénario. Vous ne suivez pas une intrigue, vous subissez un programme. Les missions – appelées “épreuves” – consistent à répéter des tâches dans des environnements simulés (orphelinat, commissariat, station souterraine…), toujours hantés par des monstres, des bourreaux, des figures tordues de votre inconscient. Chaque essai est un conditionnement, une session de lavage de cerveau. Et plus vous “réussissez”, plus Murkoff vous félicite.
Les personnages ne sont pas des êtres : ce sont des projections de l’autorité, du contrôle, du traumatisme. Un prêtre sadique, une infirmière chirurgicale, un tueur aveugle… Tous incarnent des figures de répression mentale. Aucun n’est développé au-delà de sa fonction : ce ne sont pas des antagonistes classiques, mais des mécanismes narratifs rendus chair.
Vous, en tant que joueur, restez sans voix, sans nom, sans visage. Votre progression ne révèle rien de votre passé, mais creuse dans les méthodes de déshumanisation institutionnelle. Le lore, disséminé dans les documents, les écrans de chargement et les bribes radioactives, forme une matrice paranoïaque, où l’absurde bureaucratique se mêle à la terreur médicale.
Le choix du multijoueur renforce cette dynamique : les autres ne sont pas vos alliés, ce sont vos reflets, d’autres victimes dans la même cage. Aucune interaction véritable, aucune histoire partagée. Vous survivez ensemble, mais séparément, chacun prisonnier de son propre effondrement psychique.
The Outlast Trials ne raconte pas une histoire. Il simule un protocole de destruction identitaire, et vous y abandonne volontairement.
Une horreur de procédure calibrée pour l’usure
Le gameplay de The Outlast Trials repose sur un cycle d’épreuves organisées dans des environnements semi-ouverts, où la progression n’est jamais linéaire mais conditionnée à des objectifs mécaniques dans un espace clos. Pas d’armes, pas de combat direct : tout repose sur la furtivité, l’observation, la fuite, la survie collective. Vous êtes un rat de laboratoire, et chaque niveau est une cage truffée de pièges mentaux.
L’ensemble est structuré en missions rejouables, avec objectifs variables : saboter un générateur, secourir un PNJ, désamorcer des dispositifs. Chaque tâche est entravée par des ennemis imprévisibles, des lumières aveuglantes, et des événements aléatoires qui brisent votre rythme. Le level design, dense mais balisé, privilégie les courts-circuits spatiaux, les angles morts, les portes verrouillées à plusieurs niveaux de logique. Ce n’est pas un labyrinthe, c’est un circuit de dressage.
La tension ne vient pas du hasard mais de la contrainte persistante. Vous êtes vulnérable, bruyant, toujours à court de ressources : lunettes de vision nocturne à batterie, seringues de soin, antidotes à la folie temporaire. Le stress ne décroît jamais. Même quand vous connaissez la carte, l’ennemi, le protocole, le jeu change les règles, augmente la pression, vous force à réagir sous panique.
Le multijoueur coopératif ajoute une couche de chaos contrôlé. Les alliés peuvent vous aider à vous relever, distraire un bourreau, débloquer une porte… mais peuvent aussi être une charge, crier au mauvais moment, échouer une action furtive. La coordination est essentielle, mais rarement parfaite. Chaque session devient un théâtre de l’imprévu, où la réussite tient moins à la stratégie qu’à la capacité à réagir dans la désorientation.
La progression se fait via un hub médical, où vous améliorez votre Reagent à travers des compétences utilitaires (voir les ennemis à travers les murs, poser des mines aveuglantes, etc.). Ces améliorations ne brisent jamais l’équilibre : elles permettent juste de respirer un peu plus longtemps dans un enfer structurel. Aucun build ne rend le jeu facile. Tout est pensé pour vous maintenir à un niveau d’inconfort optimal.
The Outlast Trials transforme la peur viscérale en routine d’humiliation. Ce n’est plus le sursaut ponctuel : c’est l’usure mentale, la répétition aliénante, l’obéissance forcée à des mécaniques de douleur.
Des murs souillés pour une paranoïa sous vide
Visuellement, The Outlast Trials s’inscrit dans une esthétique institutionnelle délabrée, où chaque pièce semble extraite d’un asile, d’un centre de rééducation ou d’une base militaire désaffectée. Les textures sont sales, les éclairages sont chirurgicaux ou volontairement absents, les murs suintent de détails anxiogènes : slogans autoritaires, câbles dénudés, sang séché, effacements volontaires. Le décor n’est pas un espace à explorer, mais un système de punition visuelle.
Les environnements alternent entre reconstitutions absurdes de lieux civils – supermarché vide, école désaffectée, orphelinat aux murs déformés – et zones purement mécaniques (bureaux d’observation, couloirs d’entretien, salles de torture technique). Cette dissonance volontaire crée une ambiance de simulation déviante : vous n’êtes jamais dans un monde crédible, toujours dans une mise en scène paranoïaque.
Les personnages – tortionnaires, cobayes, monstres hallucinés – sont animés avec soin, mais toujours dans l’exagération grotesque. Les ennemis ne marchent pas : ils trébuchent, hurlent, surgissent, rampent. Chaque animation est pensée pour déclencher une réaction de panique, jamais de reconnaissance. Ce ne sont pas des ennemis à affronter, ce sont des fonctions à esquiver.
Sur Xbox Series, le jeu tourne de manière fluide, avec des temps de chargement très courts, un affichage stable en 60fps et une définition nette en 4K. Les effets de lumière – halogènes brûlants, néons qui clignotent, flashs aveuglants – sont parfaitement gérés, et participent à l’immersion claustrophobe. Aucun bug graphique majeur, aucun compromis technique flagrant.
La bande-son, quant à elle, se joue de l’absence. Pas de thème, pas de mélodie, juste du bruit : un ventilateur qui ronfle, une voix qui grésille dans un haut-parleur, des gémissements derrière un mur. Le sound design est chirurgical, spatial, instrument de stress pur. Chaque respiration devient suspecte, chaque pas déclenche un doute. Le moindre objet déplacé, le moindre soupir d’un monstre vous force à stopper, à écouter, à vous dissoudre dans le silence.
Lorsqu’une musique se déclenche, c’est une alarme : invasion sonore totale, crescendo strident, pulsation cardiaque synthétique. Rien de musical, tout est organique. L’audio est votre seul outil de survie. Et votre principal tortionnaire.
The Outlast Trials transforme l’image en cage, et le son en menace. Une ambiance maîtrisée à la limite de l’insupportable.
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