Dans Builders of Greece, on ne fonde pas une cité. On empile des structures sur un moteur fragile. Ce city-builder développé par Strategy Labs et BLUM Entertainment, sorti en accès anticipé le 6 mai 2025, prétend capturer la grandeur urbaine de l’Hellade classique. Agora, oliviers, marbre et dieux absents.
Sur le papier, tout y est : gestion de population, flux économiques, hiérarchie sociale, commerce méditerranéen. À l’écran, un jeu rigide, sous-développé, accroché à ses intentions, incapable de les incarner.
Il ne manque pas d’ambition. Il manque de colonne vertébrale.
Cadre historique sans chair politique
Builders of Greece invoque la Grèce antique, mais n’en raconte rien. Pas de figures marquantes, pas de rivalités entre cités, pas de dilemme de gouvernance. Vous gérez une ville, sans nom, sans fondation, sans mémoire. Le contexte n’est pas incarné. Il est cité.
Le jeu mentionne Périclès, évoque des invasions, glisse des noms de dieux sur les bâtiments. Mais aucun événement ne vous implique. Aucune décision ne vous confronte. L’univers est une peau peinte, appliquée sur une matrice de gestion.
Aucun système politique, aucun conseil de citoyens, aucun poids philosophique. Vous construisez pour produire. Vous produisez pour équilibrer. Le peuple reste une donnée abstraite. Pas de réactions. Pas de mécontentement dynamique. Juste des indicateurs qui changent de couleur.
Le décor se veut historique. La structure est générique. L’Antiquité ici est esthétique, pas systémique.
Économie flottante et boucle inerte
Le cœur de Builders of Greece repose sur une chaîne de production : collecter, transformer, distribuer. Bois, argile, olives, poissons. Chaque ressource alimente une structure, chaque structure alimente un besoin. En théorie, un équilibre à maintenir. En pratique, un système encore creux, mécaniquement stable mais sans résistance.
Les bâtiments se construisent sans délai. Aucune file d’attente, aucune logistique complexe. Les routes existent, mais ne gèrent ni flux ni congestion. Les entrepôts n’imposent pas de distance critique. L’optimisation est possible, mais rarement nécessaire. L’efficacité n’est pas récompensée. Le système fonctionne même mal agencé.
La population s’organise en strates : travailleurs, citoyens, élite. Chaque classe réclame un confort précis — alimentation, religion, culture. Mais les transitions sont floues. Le feedback manque. Aucun indicateur clair sur les besoins manquants, aucun sur les pénuries. On navigue à l’aveugle dans un tableau Excel incomplet.
Les missions scénarisées imposent des objectifs simples : atteindre un seuil de production, construire un bâtiment particulier, tenir un équilibre économique. Mais la courbe de progression est molle. Pas d’événements aléatoires. Pas de tension. Aucun aléa. Le jeu déroule ses conditions. Il ne provoque rien.
Le rythme est lent. Trop lent. Même accéléré, il peine à engager. Pas de pression structurelle. Pas de réel échec. Le city-builder devient simulateur d’équilibre passif.
Décors polis et fond sonore générique
Visuellement, Builders of Greece applique une couche brillante sur une base vide. Les bâtiments sont nets, les ombres propres, les textures détaillées. Les toits d’argile, les colonnes blanches, les statues de bronze forment un tableau harmonieux — figé mais présentable. Mais ce vernis graphique masque une inertie structurelle.
Aucune vraie vie n’émerge de la ville. Les citoyens circulent sans but apparent. Pas de routines crédibles, pas d’animation contextuelle, pas de détails organiques. On observe un décor actif, pas une cité vivante. La ville fonctionne mécaniquement, pas socialement.
Les effets visuels sont limités. Les saisons n’existent pas. La météo est absente. Aucun événement graphique ne vient perturber la régularité du décor. Ce qui est construit reste là, sans altération, sans cycle, sans trace.
Côté sonore, l’ensemble reste en arrière-plan. Quelques nappes musicales légères, indistinctes, sans ligne mélodique marquante. Pas de thème, pas de variation émotionnelle. Juste un accompagnement. Les bruitages — coups de marteau, cris de marché, pas sur les routes — sont basiques, souvent répétitifs, parfois absents. L’ensemble fonctionne sans exister.
Le jeu ne cherche pas à envelopper. Il s’aligne. Il affiche. Il joue sur une neutralité visuelle et sonore qui finit par effacer toute tension.
Accès anticipé et inertie technique
Builders of Greece est encore en accès anticipé. Le contenu est partiel. Plusieurs mécaniques sont mentionnées, mais absentes. Pas de commerce entre cités. Pas de diplomatie. Pas de système militaire fonctionnel. Ces éléments sont listés dans les menus, parfois visibles, jamais activables. Le joueur évolue dans un environnement tronqué, suspendu à des fonctionnalités promises.
La stabilité est correcte. Pas de crash majeur. Quelques clippings, des bugs d’interface, des unités bloquées, mais rien de bloquant. Les sauvegardes fonctionnent, les chargements sont rapides, le framerate tient.
L’interface reste propre, lisible, mais sous-développée. Aucun menu contextuel, peu d’outils d’analyse, absence d’alerte dynamique. Il faut surveiller manuellement chaque indicateur. Rien n’explique, rien ne guide. L’ergonomie est pensée pour l’essentiel. Pas pour l’efficacité.
Côté accessibilité, l’effort est inexistant. Pas de réglage de police. Aucun mode daltonien. Aucun outil de synthèse vocale ou d’aide cognitive. Le jeu se contente d’un affichage brut, sans option de confort. Ce n’est pas un oubli. C’est un vide.
La rejouabilité est faible. Une fois la logique comprise, les missions se répètent, les boucles se figent. Le jeu ne propose ni mode bac à sable complet, ni scénario dynamique, ni événements procéduraux. C’est un bloc d’outils, pas une boîte à expériences.
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