Sorti un an après la renaissance amorcée par Assassin’s Creed Origins, Assassin’s Creed Odyssey, développé par Ubisoft, vous propulse cette fois au cœur de la Grèce antique, en pleine guerre du Péloponnèse. Ce nouvel opus, disponible depuis le 2 octobre 2018, entend non seulement approfondir les mécaniques RPG introduites par son prédécesseur, mais aussi étendre démesurément son terrain de jeu, pour offrir une fresque historique où l’aventure personnelle se mêle à l’épopée collective.
Mais cette odyssée antique réussit-elle vraiment à dépasser les attentes nourries par la mue d’Origins, ou se perd-elle dans l’immensité de son propre rêve ?
Éclats de gloire et murmures d’héritage
Dans Assassin’s Creed Odyssey, vous endossez les habits d’Alexios ou de Kassandra, mercenaire perdu au cœur des tourments du Ve siècle avant notre ère, descendant direct du légendaire roi Léonidas. Ce choix d’incarnation dépasse la simple apparence : l’autre protagoniste, resté dans l’ombre, s’impose comme une figure clé de l’intrigue, renforçant la tension dramatique de l’épopée.
La quête personnelle du héros s’enchevêtre avec la vaste toile historique de la guerre du Péloponnèse. À travers complots, trahisons et découvertes bouleversantes, Odyssey tisse une quête d’identité poignante où les racines familiales et le poids du destin antique s’entrechoquent. Loin de se limiter à un décor, la Grèce devient un personnage vivant, sculptant l’itinéraire émotionnel du mercenaire par ses guerres intestines, ses cités orgueilleuses et ses ruines baignées de lumière.
Chaque région traversée déploie ses propres récits : une Athènes déchirée par ses luttes politiques, une Sparte fière mais hantée par ses propres contradictions, ou des îles éclatées par les légendes. Les dialogues, portés par des performances vocales solides, laissent au joueur le pouvoir de tisser son propre destin, entre diplomatie, brutalité ou séduction.
Là où Odyssey franchit un nouveau cap, c’est dans l’intégration assumée des mythes et croyances. Cyclopes, minotaures, déesses vengeresses viennent hanter un monde déjà au bord de l’effondrement, sans jamais briser l’équilibre subtil entre crédibilité historique et envolées fantastiques. La frontière entre réalité et mythe devient floue, et chaque rencontre pourrait aussi bien être une légende vivante qu’un cauchemar incarné.
Lames éclatées et vents d’épopée
Assassin’s Creed Odyssey affine et approfondit la révolution amorcée par Origins, achevant la mue de la série vers l’action-RPG assumé. Dès les premiers pas sur les terres brûlées de Képhalonia, le joueur est immergé dans un monde où chaque décision influe sur le destin du protagoniste, entre dialogues ramifiés, choix moraux et conséquences réelles qui façonnent les alliances, les rivalités et même les fins possibles.
Le système de combat, nerveux et tactique, s’appuie sur un arsenal de compétences actives à débloquer et personnaliser à travers trois branches distinctes : Chasseur, Guerrier, et Assassin. À travers ces spécialisations, l’approche du combat se plie aux préférences du joueur, qu’il s’agisse de décimer des ennemis à distance sous une pluie de flèches, de déchaîner une furie brute au corps-à-corps, ou de glisser silencieusement dans l’ombre pour éliminer sans laisser de trace.
Loin de se limiter aux terres, Odyssey ressuscite les batailles navales dans une version magnifiée. À bord de l’Adrestia, vous sillonnez les mers grecques, engageant des combats épiques contre des galères ennemies, dans un ballet de flèches enflammées, de javelots meurtriers et d’éperonnages brutaux. Le recrutement d’un équipage personnalisé, issu de vos rencontres à travers le monde, ajoute une dimension tactique et narrative supplémentaire à ces affrontements maritimes.
L’exploration du monde ouvert est d’une densité vertigineuse : sanctuaires oubliés, forteresses dissimulées, tombes antiques et ruines mythologiques jalonnent un territoire gigantesque. Chaque lieu recèle des trésors, des secrets ou des épreuves, et invite à une errance aussi gratifiante que périlleuse.
Avec l’intégration audacieuse d’éléments purement mythologiques — créatures légendaires, artefacts surnaturels, affrontements contre des figures issues de la mythologie grecque —, Odyssey ose dépasser l’ancrage historique classique de la saga, embrassant pleinement la dimension fantastique sans chercher à la rationaliser.
Lueurs divines et chants du passé
Visuellement, Assassin’s Creed Odyssey est une fresque magistrale, peignant la Grèce antique avec une générosité de détails et une richesse de couleurs inédite pour la saga. Chaque région explore une facette différente de cette terre mythique : les forêts baignées de lumière filtrée, les mers d’azur aux reflets changeants, les montagnes rocailleuses battues par les vents, jusqu’aux temples majestueux érodés par le temps.
La 4K dynamique sublime les panoramas, offrant une distance d’affichage impressionnante qui amplifie l’émerveillement face à l’immensité du monde. Les textures soignées, les jeux d’ombres mouvantes et les effets de lumière naturels confèrent à chaque lever de soleil, à chaque tempête surgie au large, une intensité viscérale qui rend la simple contemplation aussi gratifiante que les affrontements épiques.
Les animations faciales, retravaillées avec finesse, donnent vie aux personnages au-delà de leurs dialogues, capturant nuances d’expressions, silences lourds de sens et regards fugaces qui densifient les interactions humaines. Les cinématiques, portées par une direction artistique inspirée, célèbrent autant l’intime que le spectaculaire.
Côté sonore, la bande-son signée par The Flight impose une présence subtile mais omniprésente. Les musiques accompagnent l’aventure avec justesse : elles savent se faire grandioses lors des batailles navales, mélancoliques au sommet d’un temple isolé, ou tendues dans les dédales d’une forteresse ennemie. Les sons d’ambiance — clapotis des vagues, bruissements des feuillages, clameurs des marchés — tissent un écrin sensoriel d’une incroyable richesse, immergeant pleinement le joueur dans cette odyssée méditerranéenne.
Échos de légende et poussières d’îles oubliées
Derrière sa splendeur visuelle et sa richesse ludique, Assassin’s Creed Odyssey expose aussi quelques aspérités que l’immensité de son ambition ne parvient pas toujours à lisser. Si le monde ouvert impressionne par son ampleur et sa densité, la profusion de quêtes secondaires entraîne parfois une certaine répétitivité dans les objectifs : escorter, assassiner, délivrer… Un schéma qui, à terme, peut émousser l’émerveillement initial pour ceux qui s’attardent sur chaque recoin de la carte.
La taille démesurée de la Grèce antique virtuelle, bien que majestueuse, pose également la question des déplacements. Malgré la présence de voyages rapides et de montures améliorées, les longues chevauchées nécessaires pour rallier certaines missions peuvent freiner le rythme narratif et user la patience des joueurs désireux de progresser plus directement dans l’intrigue.
Techniquement, Odyssey fait preuve d’une robustesse exemplaire, avec un framerate stable et des chargements maîtrisés, même dans les zones les plus vastes ou les batailles navales les plus agitées. Quelques bugs mineurs subsistent — collisions approximatives, personnages bloqués dans des décors — mais jamais au point d’entraver sérieusement l’expérience.
L’intégration des éléments mythologiques, enfin, peut surprendre les puristes attachés à l’approche historiquement rigoureuse des premiers volets. Mais pour ceux qui acceptent de voir la série franchir les frontières du vraisemblable, Odyssey déploie une magie ancienne qui transforme chaque exploration en quête initiatique.
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