Sorti le 10 septembre 2022 sur Nintendo Switch, Soulsland est le premier et dernier projet du studio Nerd Games. Aucun autre titre, aucune autre tentative, comme si tout l’effort de développement s’était concentré dans cette œuvre unique, condensé d’amateurisme et de vide mécanique. La promesse est simple : sauver les âmes capturées de vos proches dans un monde sombre et périlleux, à la tête du vaillant Lord Barbarus. Une mission héroïque, du moins sur le papier.
Car dans les faits, l’eShop est le seul espace où ce scénario est évoqué. Une fois lancé, le jeu ne présente aucun contexte narratif, aucun écran d’introduction, aucun mot. Rien. Soulsland démarre sans préambule, sans mise en scène, sans lien entre les niveaux. Ce qui se donne des airs de jeu d’action au goût sombre n’est en réalité qu’un enchaînement de salles vides, peuplées de spectres d’idées jamais concrétisées.
Le jeu affiche 14 niveaux, accessibles dans l’ordre que vous souhaitez. Un choix de structure qui ne traduit pas une liberté de progression, mais l’absence de toute progression narrative. Chaque carte, ou plutôt chaque variation de couloir dépeuplé, se conclut sur un affrontement contre le même boss, clone ressassé nommé Evil Lord Zaiden. Aucune montée en difficulté, aucun changement d’approche, aucune transformation du gameplay. L’illusion du contenu se dissipe dès la deuxième partie.
Alors que reste-t-il à explorer dans ce royaume d’ombres sans substance ? Une mécanique d’accumulation d’âmes sans fonction, des coups qui frappent dans le vide, des ennemis qui vous ignorent. Soulsland ne vous demande pas de jouer, il vous propose de constater son existence, comme une vitrine vide posée sur une étagère oubliée du marché numérique.
Un royaume sans mémoire, un héros sans destin
Dans Soulsland, vous incarnez Lord Barbarus, chevalier sans passé ni voix, censé partir en quête des âmes de ses proches. Cette mission, évoquée uniquement sur la fiche eShop du jeu, n’apparaît à aucun moment à l’écran. Aucun texte d’introduction ne vient poser l’univers, aucun personnage secondaire n’accompagne ou ne ponctue votre parcours, aucun dialogue ne vient souligner la moindre tension dramatique. Le monde du jeu se contente d’exister en silence, comme si son simple affichage suffisait à justifier sa légitimité.
Chaque niveau débute par un placement immédiat du personnage dans un décor générique. Aucun événement, aucune cinématique, aucun élément ne vient inscrire votre présence dans un récit plus vaste. La succession des cartes, toutes accessibles dès le départ, efface toute notion de progression narrative. Chaque affrontement final se solde par le même message de victoire, répété sans variation, puis ramène immédiatement à l’écran-titre.
Le boss principal, le tristement omniprésent Evil Lord Zaiden, apparaît à la fin de chaque mission. Il ne parle pas, ne change pas d’apparence, n’évolue en aucune façon. Il n’incarne ni une menace ni un symbole. Il est là, posé comme une formalité, ultime obstacle sans impact. Aucune tension ne se construit, aucun affrontement n’est mis en scène. Ce n’est pas un antagoniste, mais un point final impersonnel à une boucle dépourvue d’intention.
Quant aux ennemis croisés dans les niveaux, leur présence tient du décor animé. Aucun n’est nommé, aucun ne réagit véritablement à vos actions. Leur rôle se limite à combler un espace vide, sans trajectoire, sans fonction. L’absence d’intelligence artificielle, d’animations de mort ou de comportements distinctifs achève d’en faire de simples silhouettes.
Lord Barbarus, lui, reste un corps vide, figé dans une posture d’avatar sans personnalité. Aucun geste ne le caractérise, aucun choix ne le façonne, aucune voix ne le porte. Ce n’est pas un héros. C’est un modèle 3D parachuté dans un vide scénaristique.
Frapper dans le vide, errer sans dessein
Soulsland propose un enchaînement de niveaux sans transition, sans structure, sans variation. Le gameplay consiste à traverser une carte rectiligne en affrontant quelques ennemis dispersés, pour finir systématiquement par le même combat contre le boss final. Aucune mécanique ne vient enrichir ce schéma. Aucun changement de rythme, aucun système d’évolution, aucune montée en puissance. L’expérience se fige dès la première minute.
L’interface affiche une barre de vie et un compteur d’âmes, ramassées automatiquement lors des combats. Ce dernier n’a aucun usage. Aucun échange, aucune boutique, aucune amélioration ne vient donner du sens à cette collecte. Ces âmes ne modifient pas votre personnage, n’ouvrent aucune porte, n’activent aucun mécanisme. Leur présence relève de la pure imitation, comme si le jeu cherchait à évoquer un genre qu’il ne comprend pas.
Le système de combat repose sur une seule touche d’attaque, à l’impact aléatoire. Les ennemis, insensibles à vos coups une fois sur deux, n’offrent aucune résistance. Ils n’attaquent que si vous vous approchez, restent immobiles en attendant d’être frappés, et disparaissent sans la moindre animation une fois vaincus. Il n’existe ni frame d’invincibilité, ni indicateur de dégât, ni feedback visuel ou sonore. Chaque affrontement ressemble à une scène inachevée.
Aucune mécanique de déplacement n’offre de variation. Pas de saut, pas de roulade, pas de gestion de l’endurance. L’exploration se limite à une marche lente sur des couloirs plats, sans détour ni interaction. Aucun piège, aucun événement, aucune zone secrète. Les niveaux, en plus d’être interchangeables, se présentent parfois à l’identique, avec les mêmes structures copiées-collées dans une boucle sans fin.
Même le feu de camp, unique élément interactif présent dans chaque carte, n’offre qu’une récupération de vie instantanée. Aucun effet secondaire, aucune progression, aucune mise en scène. Ce qui pourrait être un point de respiration devient un simple bouton de régénération, posé là pour évoquer sans rien dire.
Silence de mort et textures fantômes
Visuellement, Soulsland s’apparente à une compilation de modèles rudimentaires récupérés sans cohérence ni traitement artistique. Les décors, construits à partir d’assets génériques, s’agencent dans des environnements sans identité. La végétation, les structures, les sols : tout semble placé mécaniquement, sans logique d’échelle ni souci de composition. L’ensemble dégage une impression de brouillon perpétuel, comme si chaque niveau avait été généré à la hâte.
Les personnages, à commencer par Lord Barbarus, se déplacent sans fluidité. Les animations se réduisent à une poignée de mouvements hachés, sans transition ni poids. Aucune expression faciale, aucun effet d’impact, aucun changement d’attitude en combat. Les ennemis suivent le même traitement : immobilité parfaite jusqu’à votre présence, puis disparition instantanée une fois vaincus, sans la moindre trace, sans animation de chute ou de dissolution.
Les effets visuels sont absents. Aucun éclair, aucune explosion, aucune particule. Les sorts n’existent pas, les attaques n’ont pas de lumière, les impacts ne produisent pas de vibration. Le monde reste inerte, même lorsqu’il est traversé par la lame de votre personnage. Tout demeure en surface, sans intention graphique ni traitement scénographique.
L’ambiance sonore accentue encore cette sensation d’abandon. Aucun thème musical ne vient accompagner vos pas. La majorité des niveaux se déroulent dans un silence intégral. Les rares bruitages, souvent mal calés ou mal équilibrés, se résument à quelques sons d’impact secs, sans relief ni direction. Aucune spatialisation, aucun effet dynamique. Le jeu ne respire pas. Il flotte.
Aucune voix, aucun cri, aucun souffle. Même le boss final, répété quatorze fois, n’émet pas le moindre son. Pas de rugissement, pas d’introduction musicale, pas de thème de combat. Ce silence total, loin de renforcer une atmosphère pesante, achève de détacher l’expérience de tout ce qui pourrait susciter la moindre implication.
Le produit d’un effacement systématique
Sur le plan technique, Soulsland affiche un fonctionnement minimal, mais jamais maîtrisé. L’absence de bugs bloquants ne compense en rien le sentiment d’inertie globale. L’interface rudimentaire, la pauvreté des options, et la lenteur des déplacements renforcent une impression d’outil inachevé plutôt que de jeu véritablement structuré. L’optimisation reste discutable, avec des micro-ralentissements sporadiques malgré une charge graphique quasi nulle.
Aucun système de sauvegarde n’est proposé. Chaque niveau se boucle de manière autonome, sans continuité ni trace persistante de votre progression. Le jeu ne mémorise rien, ne propose aucun suivi, aucune récompense, aucune collecte. Il ne contient ni inventaire, ni équipement, ni menu d’évolution. Le score obtenu après chaque combat se limite à une information numérique qui n’est enregistrée nulle part.
Aucune personnalisation n’est prévue. Lord Barbarus conserve la même apparence, la même arme, le même mouvement du premier au dernier écran. Aucun choix de difficulté, aucun paramètre d’accessibilité, aucun réglage de confort visuel ou auditif ne vient enrichir l’expérience. L’ergonomie, quant à elle, ne propose aucun raccourci ni fonction contextuelle : chaque action est lente, répétitive, figée.
L’absence de structure s’étend à l’ensemble du contenu. Les 14 niveaux n’obéissent à aucune progression, aucune montée en puissance, aucune logique d’ensemble. Il n’existe aucun fil rouge ni mécanique cachée à découvrir. Aucun secret, aucun trophée, aucun déblocage. Soulsland ne se laisse pas explorer : il se contente de s’aligner, niveau après niveau, sans jamais évoluer.
Aucun mode multijoueur, aucun tableau de scores en ligne, aucun système de partage ou de compétition ne vient justifier l’existence d’un compteur d’âmes. Aucun contenu additionnel, aucun correctif, aucun suivi post-lancement. Ce qui est proposé à la vente constitue l’intégralité de l’expérience, sans promesse, sans perspective, sans horizon.
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