Sorti initialement sur PC en 2018 puis porté sur Nintendo Switch en janvier 2019, Apocalipsis se présente comme une tentative avortée de jeu vidéo, oscillant péniblement entre l’esquisse d’une œuvre d’art et le vestige oublié des jeux Flash de l’âge sombre d’internet. Développé par Klabater, ce projet s’effondre sur tous les fronts, ne laissant derrière lui que l’amère sensation d’avoir perdu quelques euros et un peu de son temps de vie.
Ce qui aurait pu être une relecture poétique et grave du mythe d’Orphée se révèle n’être qu’un enchaînement d’erreurs, de choix visuels douteux et de puzzles aussi absurdes qu’agaçants, jetant le joueur dans un gouffre sans fond où même la médiocrité semble hésiter à s’aventurer.
Un mythe défiguré sous un ciel de cendres
Dans Apocalipsis, vous incarnez Harry, un jeune homme prêt à traverser les enfers pour retrouver sa bien-aimée disparue. L’écho du mythe d’Orphée est évident, posé là comme une ombre grossière, vidée de toute sa puissance tragique.
Ce qui aurait pu être un voyage initiatique, nourri de douleur et d’espérance, se réduit à une succession de tableaux inertes, où l’histoire s’effiloche sans jamais réussir à captiver. Aucune progression émotionnelle, aucune montée dramatique : seulement un enchaînement plat d’actions dépourvues de sens, porté par une narration inexistante et un mutisme lourd de vide plutôt que de mystère.
Apocalipsis échoue à insuffler la moindre âme à son récit, massacrant l’une des légendes les plus intemporelles de l’humanité avec un détachement glacial, comme si le jeu lui-même ne croyait pas une seconde au conte qu’il tentait d’adapter.
Une mécanique rouillée sous les cendres
Sur le plan du gameplay, Apocalipsis poursuit sa descente inexorable dans la médiocrité. À chaque tableau, quelques énigmes prétendument posées là pour stimuler l’esprit viennent achever de ruiner l’expérience. Parfois d’une simplicité grotesque, parfois d’une absurdité insondable, les puzzles oscillent sans jamais trouver le moindre équilibre.
L’absence quasi totale d’indications rend l’expérience non pas stimulante, mais simplement pénible, jetant le joueur dans un océan d’essais infructueux, où seule la chance ou l’entêtement désespéré permettent d’avancer. Certains puzzles, comme celui de l’orgue ou celui du bateau, reflètent un manque criant de rigueur et de cohérence, allant jusqu’à présenter des solutions erronées.
Au lieu de devenir un voyage cérébral et symbolique, Apocalipsis s’embourbe dans l’arbitraire, vidant peu à peu tout plaisir ludique pour ne conserver qu’un sentiment d’épuisement stérile.
Un cauchemar sépia étouffé dans la répétition
Visuellement, Apocalipsis tente d’afficher une singularité artistique, mais sombre rapidement dans une laideur assumée sans le moindre éclat. Animés sur deux frames misérables, les personnages évoquent le pire des jeux Flash du début des années 2000, sans la moindre once d’auto-dérision ni d’élan créatif pour sauver l’ensemble.
L’univers, noyé sous un sépia maladif, cherche à masquer son absence d’inspiration derrière une esthétique faussement antique, où chaque plan est plus statique et déprimant que le précédent. Quelques rares décors fourmillent de détails… mais il faut plisser les yeux et forcer son imagination pour en extraire une quelconque beauté.
Sur le plan sonore, l’expérience s’effondre définitivement. Une unique piste musicale, pauvrement bouclée, accompagne l’intégralité du périple, usant les nerfs à mesure que les minutes s’égrènent. Pas d’évolution, pas de respiration, juste la même rengaine lancinante, incapable de soutenir l’atmosphère ou de nourrir l’immersion.
Là où d’autres œuvres minimalistes savent transcender leurs limites par la cohérence de leur monde, Apocalipsis ne propose qu’un écrasement visuel et sonore, une expérience où la laideur devient l’ultime horizon.
Un simulacre vidéoludique vidé de toute substance
Au-delà de son apparence maladroite et de ses mécaniques bancales, Apocalipsis échoue même à offrir une structure cohérente. L’expérience, déjà pénible dans ses fondations, se termine en à peine une heure, laissant derrière elle le sentiment d’une immense supercherie.
Aucune montée en puissance, aucun enrichissement progressif : tout est figé dès les premières minutes, et ce qui suit n’est qu’une répétition vaine, un chemin de croix vidé de tout sens. Même la brièveté du titre ne parvient pas à l’excuser ; au contraire, elle amplifie la frustration, comme une mauvaise farce écourtée sans le moindre éclat de génie.
Sans véritable gameplay, sans narration digne de ce nom, sans souffle artistique durable, Apocalipsis s’apparente à un brouillon mal dégrossi, un embryon de jeu qui ne parvient jamais à dépasser l’état d’esquisse malheureuse.
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