Le moteur tousse, les pneus crissent sur la poussière d’un monde en ruine, et dans l’habitacle d’un vieux bus cabossé, quelques survivants resserrent leurs ceintures. Days of Doom, dernier-né du studio Sneaky Box sous la bannière Atari, vous embarque dans une cavale postapocalyptique aux faux airs de jeu de plateau. Sorti le 21 septembre 2023 sur toutes les plateformes, le titre troque la tradition des remakes VR du studio lituanien pour un cocktail original, mêlant tactique au tour par tour, roguelite procédural, et univers dessiné à la main.
Sur Nintendo Switch, cette fuite vers un supposé Sanctuaire devient une série de choix tendus, d’escarmouches brutales et de décisions logistiques acérées. Chaque route est un pari, chaque halte un risque, et chaque partie une nouvelle tentative de s’extirper de l’effondrement. L’ambition est claire : faire rimer chaos et stratégie dans une esthétique singulière, et proposer une relecture accessible du genre.
Mais cette traversée des cendres parvient-elle à graver sa propre trace dans la longue route des RPG tactiques modernes ?
Des cendres, des classes et des trajectoires sans retour
Au cœur du désert se dessine une ligne fragile entre l’espoir et l’extinction. Dans Days of Doom, vous prenez les commandes d’un groupe de survivants réunis par un seul objectif : rejoindre le Sanctuaire, dernier bastion supposé de civilisation, au terme d’un périple où chaque détour peut faire basculer le destin. L’univers postapocalyptique sert de toile de fond à cette marche incertaine, ponctuée d’événements aléatoires, de décisions tactiques, et de rencontres qui bousculent votre escouade. Le scénario tient dans sa tension de tous les instants : avancer coûte, reculer aussi, et nul ne traverse indemne.
Le récit s’écrit au fil des routes empruntées, des ressources découvertes, et des épreuves surmontées. Il s’agit moins d’une trame figée que d’un canevas mouvant, où chaque joueur compose son propre voyage à coups de choix cruciaux et d’embranchements inattendus. Les ennemis croisent votre route dans des configurations variées : bandits errants, morts-vivants affamés, aberrations difformes… Tous deviennent les silhouettes menaçantes d’un monde désormais régi par l’instinct de survie.
Votre groupe évolue en permanence. Huit classes distinctes sont accessibles à travers les rencontres et les évolutions du Refuge. Chacune possède une capacité spécifique : le Guerrier manie la batte avec fureur, l’Hydromancien manipule l’eau comme une arme tactique, tandis que le Flingueur déclenche des explosions enchaînées. Ces profils ne sont pas définis par leur histoire, mais par leur fonction sur le champ de bataille. Ils existent comme des outils affûtés, prêts à s’intégrer dans votre stratégie du moment.
Le jeu construit donc une narration ouverte, fondée sur la répétition et la découverte progressive. Le monde n’impose pas ses personnages, il vous pousse à composer avec ce que vous trouvez. Chaque partie est une variation autour du même voyage, mais aucun survivant n’est destiné à le parcourir en entier. L’attachement vient moins d’un passé écrit que d’un présent partagé dans l’urgence. Les décisions lourdes, les pertes soudaines, les résurrections improbables tissent un lien mécanique mais constant, où chaque pion peut devenir essentiel selon la situation.
Le bitume brûle sous les roues du hasard calculé
Days of Doom s’ouvre sur un campement baptisé le Refuge, centre nerveux de toutes vos expéditions futures. De cet endroit, qui rappelle subtilement les bases de Darkest Dungeon, vous recrutez vos premiers compagnons, améliorez les installations, et débloquez de nouvelles options permanentes à mesure que vous engrangez des ressources. Chaque élément acquis étend vos possibilités pour les prochaines tentatives. Ce hub, modeste en apparence, devient rapidement un carrefour stratégique où la progression prend forme, au-delà de l’échec ou de la réussite immédiate.
La carte du monde, générée à chaque partie, propose un enchaînement d’événements variés : embuscades, découvertes, recrues potentielles, zones de repos ou lieux riches en ravitaillement. L’essence devient votre ressource de déplacement, tandis que la nourriture conditionne la récupération de vos unités. La gestion est donc omniprésente, équilibrant risques et besoins, dans une boucle qui pousse à planifier vos mouvements avec minutie. Le chemin le plus sûr n’est pas toujours le plus rentable, et chaque croisement offre son lot de décisions irréversibles.
Le système de combat, quant à lui, repose sur une tactique au tour par tour en arène fermée, avec une phase de déploiement libre avant chaque affrontement. Chaque personnage dispose de deux actions par tour, et peut se déplacer, attaquer, utiliser une compétence, un objet ou se défendre. La simplicité des règles de base permet une prise en main immédiate, mais les subtilités apparaissent à travers les interactions entre les capacités, les terrains et les ennemis. Les affrontements prennent alors une allure d’échecs mutants, où chaque coup compte, et chaque position peut devenir décisive.
Les classes se distinguent par leurs pouvoirs, mais conservent un noyau commun d’actions. Le plaisir du combat naît de l’expérimentation, de la combinaison des forces, et de l’anticipation des schémas ennemis. À cela s’ajoute un nombre croissant de biomes à parcourir, chacun offrant des types d’opposants, des pièges environnementaux et des ressources spécifiques. La variété naît moins de l’exception que de la structure répétée avec légers décalages. L’expérience évolue ainsi à travers la maîtrise progressive des systèmes plutôt que par leur renouvellement constant.
Le rythme est posé, presque méthodique. Chaque décision pèse dans l’économie globale de la run, et chaque victoire prépare le prochain obstacle. Le jeu récompense l’anticipation, la patience et la capacité à adapter son escouade aux défis croissants. Les choix tactiques s’enrichissent au fil des parties, notamment grâce à l’agrandissement de l’équipe et à l’introduction d’un atelier d’amélioration des armes, qui ajoute une couche de personnalisation fonctionnelle à vos unités.
Carnets de guerre crayonnés dans les cendres
L’univers visuel de Days of Doom repose sur une esthétique entièrement dessinée à la main, qui tranche avec les représentations habituelles du postapocalyptique. Ici, les ruines s’animent sous des traits ronds, les silhouettes s’esquissent avec malice, et chaque créature semble sortir d’un livre illustré à l’encre sale et aux couleurs saturées. Le résultat donne à l’ensemble une identité marquée, entre fable grotesque et série animée mordante.
La comparaison avec Plants vs Zombies s’impose par l’orientation graphique volontairement décalée, mais Days of Doom affirme rapidement sa propre vision. L’univers visuel ne cherche pas à effrayer, mais à surprendre, avec des mutants difformes, des zombies cyclopéens et des survivants aux allures de caricatures héroïques. Chaque classe de personnage bénéficie d’un design immédiatement reconnaissable, renforçant leur lisibilité sur le champ de bataille.
L’interface est claire, fonctionnelle, pensée pour les boucles rapides du roguelite. Les animations, simples mais efficaces, accompagnent chaque action d’un retour visuel bien calibré. L’ensemble conserve une cohérence visuelle forte, qui transforme chaque affrontement en une planche de bande dessinée mouvante, sans sacrifier la lisibilité stratégique. Les biomes, bien que construits sur des canevas récurrents, adoptent chacun une ambiance colorée spécifique : décharges irradiées, forêts toxiques, friches brûlantes.
Côté son, le jeu mise sur une bande-son dynamique et électro-rock, portée par des thèmes récurrents qui s’adaptent à la tension des combats et au calme trompeur des zones sûres. Les effets sonores, précis et tranchants, soulignent chaque déplacement, chaque tir, chaque déclenchement de compétence avec une énergie sèche. Les bruitages contribuent ainsi à la tactilité globale du jeu, donnant de l’impact aux moindres décisions.
Sans chercher l’emphase cinématographique, Days of Doom choisit la lisibilité, le contraste et l’identité visuelle comme piliers esthétiques. Ce choix sert parfaitement son format roguelite, en rendant chaque nouvelle partie instantanément familière, tout en laissant la place à l’émergence de petites variations visuelles et sonores qui rythment la progression.
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