Il y a des studios qu’on croyait disparus, engloutis par les sables mouvants de l’industrie. Et puis il y a Eden Games. Réapparu tel un spectre pixelisé après des années de silence, le studio lyonnais s’est réinventé en fournisseur officiel de jeux de course accessibles, arcades et sans complexité inutile. Leur credo ? Le fun immédiat. Leur public cible ? La famille, les enfants, les joueurs occasionnels. Et leur dernier projet en date, Schtroumpfs Kart, incarne cette philosophie jusqu’au moindre virage.
Sorti le 22 août 2023 sur Xbox Series sous la bannière de Microids, le titre revendique sans détour son héritage : un jeu de karting inspiré de Mario Kart, coloré, sans prétention, et porté par l’univers bienveillant des petites créatures bleues créées par Peyo. Une déclaration d’intention claire, limpide… mais pas sans maladresses.
Derrière ses couleurs vives et son prix doux, Schtroumpfs Kart dissimule en effet une conception rigide, des choix de design discutables, et un contenu calibré exclusivement pour les très jeunes conducteurs. Une balade champêtre dans un monde sans aspérités, mais aussi sans profondeur.
Courbes sages et mécanique sous sédatif
Schtroumpfs Kart ne cherche jamais à surprendre. Il déroule une formule ultra balisée, pensée avant tout pour la simplicité. Douze pilotes issus de l’univers des Schtroumpfs, chacun avec un kart dédié, trois coupes composées de quatre circuits, et un seul objectif : franchir la ligne d’arrivée en tête. Le tout est servi sans fioriture, sans courbe d’apprentissage, sans aucune complexité. Pour le public visé – enfants entre six et dix ans, joueurs occasionnels, familles en quête de divertissement rapide – c’est une promesse parfaitement tenue.
Chaque personnage dispose d’un véhicule fixe, au design propre, mais sans aucune incidence sur le gameplay. Pas de différence de vitesse, de maniabilité ou de poids. Pas de statistiques à surveiller, pas d’avantages à exploiter. L’unique variation réside dans un pouvoir spécial activable en course, mais dont l’effet n’est expliqué nulle part. Ces aptitudes, bien que distinctes visuellement, restent difficilement lisibles dans l’action, et leur absence de description rend leur usage entièrement empirique.
Le maniement, volontairement assisté, s’appuie sur un système d’aide à la conduite omniprésent. Par défaut, cette assistance est activée à chaque course. Elle corrige la trajectoire, recadre automatiquement le véhicule, évite certains obstacles, mais produit parfois l’effet inverse : dans certaines situations, elle oriente le joueur vers des zones ralentissant le kart ou l’éloigne d’un tremplin essentiel. Une mécanique pensée pour les tout-petits, mais pénalisante pour les autres, qui devront la désactiver manuellement à chaque session.
Le gameplay en solo est minimaliste, centré sur la collecte de baies pendant les courses. Celles-ci influencent légèrement le classement général et servent de monnaie pour débloquer des autocollants, destinés à garnir une galerie sans aucune fonction de personnalisation. Cette mécanique de progression, basée sur la répétition, incite à relancer sans fin les mêmes circuits pour obtenir un contenu purement décoratif. Un système inoffensif, mais rapidement lassant.
Les circuits, au nombre de douze, reprennent les canons du genre : virages larges, tremplins, raccourcis visibles, lignes droites ponctuées de power-ups. Le level design, souvent plat et peu inventif, peine à générer des moments mémorables, malgré quelques variations réussies : un circuit en boucle, un parcours aérien, un décor forestier jonché d’obstacles. Aucun circuit ne marque durablement, mais tous se terminent sans frustration – un équilibre délicat pour un public jeune.
L’absence de personnalisation limite la rejouabilité. Aucun kart alternatif, aucune pièce à débloquer, aucun mode permettant de modifier les règles ou les objets. L’expérience reste figée, reproductible à l’identique d’une session à l’autre. L’absence de tutoriel aggrave cette rigidité : aucun encadré explicatif, aucune indication sur les items, aucun mode d’entraînement. Le joueur est immédiatement plongé dans l’action, livré à lui-même, contraint d’apprendre par essais successifs.
Mais malgré ces limites, un élément sauve l’expérience : le mode multijoueur local. À plusieurs, Schtroumpfs Kart prend vie. L’aspect compétitif, la lisibilité parfaite de l’action, la courbe de difficulté inexistante permettent à chacun de participer sans barrières. Rires garantis, frustration absente.
Bleu pastel et moteurs muets
Visuellement, Schtroumpfs Kart fait le choix de la clarté absolue. Les couleurs sont vives, les décors lisibles, les tracés nets. Chaque circuit affiche une ambiance bien distincte – forêt ensoleillée, village champignon, grotte souterraine, station hivernale – sans jamais surcharger l’écran. La direction artistique, directement héritée des dessins animés récents des Schtroumpfs, privilégie des textures simples et un rendu cartoon parfaitement adapté au jeune public.
Les animations sont sobres, efficaces, sans excès d’expressivité ni fioritures superflues. Les karts glissent, bondissent, tournent avec fluidité, même si leur comportement manque parfois d’inertie. Les effets visuels liés aux power-ups, bien que limités, se montrent suffisamment explicites pour être compris d’un coup d’œil, même sans tutoriel. L’ensemble tourne de façon stable sur Xbox Series, sans ralentissement, sans scintillement, avec des temps de chargement réduits au strict minimum.
L’absence de personnalisation esthétique rend toutefois l’ensemble rapidement redondant. Tous les karts ont la même silhouette, les mêmes proportions, les mêmes animations de victoire. Passée la première heure, la variété visuelle s’essouffle, d’autant que les circuits recyclent de nombreux éléments d’arrière-plan.
Côté bande-son, Schtroumpfs Kart remplit sa mission sans éclat. Les musiques, légères et bondissantes, accompagnent les courses avec discrétion. Aucun thème ne se distingue vraiment, mais tous restent en harmonie avec l’ambiance générale : joyeuse, enfantine, rassurante. Les effets sonores – dérapages, accélérations, collisions – se montrent discrets mais fonctionnels.
Le doublage, quant à lui, se fait rare. Les personnages n’expriment rien d’autre que quelques exclamations stéréotypées en début ou en fin de course. Aucun commentaire en piste, aucune réaction dynamique, aucune ambiance sonore venue renforcer l’intensité des courses. Ce silence relatif, s’il évite toute surcharge, contribue également à l’uniformité de l’expérience.
Interface pour enfants, progression pour adultes fatigués
Schtroumpfs Kart a été conçu pour fonctionner immédiatement. L’interface, minimaliste, propose un menu simple, coloré, avec des icônes lisibles et des options réduites à l’essentiel. Pas de surcharge, pas de menus déroulants : une ergonomie pensée pour les jeunes joueurs, sans distraction ni complexité. Cette approche fonctionne en local multijoueur comme en solo. Le choix des coupes, des personnages, ou du nombre de participants se fait en quelques clics, sans texte inutile.
Mais cette accessibilité a un prix : aucune option avancée, aucune personnalisation, et surtout aucun contenu à débloquer en dehors d’un unique système – la collection d’autocollants. Ces autocollants, récupérés en accumulant des baies lors des courses, constituent la seule forme de progression. Ils n’offrent aucun gain, aucun bonus, aucun élément cosmétique, juste une présence dans un onglet de galerie. Pour les enfants, cela peut créer une forme de frustration inattendue : la nécessité de répéter les mêmes circuits pour obtenir un contenu purement décoratif, sans récompense concrète.
L’absence de personnalisation de difficulté, de mode entraînement, ou même de liste explicative des objets, nuit à l’apprentissage. Aucun schéma ne présente les effets des power-ups. Aucun encart n’explique les pouvoirs spéciaux. Même un adulte initié devra découvrir ces éléments par l’usage. Dans une volonté d’accessibilité maximale, Eden Games a supprimé toute explication… jusqu’à rendre l’expérience confuse pour certains profils de joueurs.
En contrepartie, le multijoueur local s’intègre parfaitement à l’expérience. Jusqu’à quatre joueurs en écran partagé, avec des courses rapides et une stabilité irréprochable. C’est dans ce format que le jeu révèle tout son intérêt : rassembler, faire rire, faire courir les karts sur la même piste pour le plaisir immédiat. Aucun lag, aucun ralentissement, une lisibilité parfaite, même à plusieurs.
Côté accessibilité au sens technique, l’absence de texte abondant, la clarté des menus, et la simplicité des commandes en font un jeu particulièrement adapté aux jeunes enfants et aux personnes peu familières des jeux vidéo. Il aurait néanmoins été pertinent de proposer un paramètre global pour désactiver l’aide à la conduite, activée systématiquement à chaque lancement de course.
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