Un mois après sa sortie, Exoprimal conserve une position ambivalente. Prometteur sur le papier, audacieux dans sa proposition — celle de marier exosquelettes futuristes et invasions de dinosaures dans une boucle multijoueur compétitive —, le titre de Capcom peinait à convaincre durablement à son lancement. La faute à une redondance structurelle, à une économie de contenu trop évidente et à une progression verrouillée derrière un grind peu motivant. Pourtant, derrière l’emballage baroque et les chorégraphies de Raptors en haute densité, l’intention demeurait lisible : construire une licence service sur la durée.
Déployé en août 2023 sur Xbox Series, ce premier contenu post-lancement visait précisément à répondre à ces critiques. Nouveaux variants d’Exos, nouveau mode de jeu orienté PvE, ajustements d’équilibrage… Capcom promettait de densifier l’expérience, d’ouvrir de nouvelles pistes de jeu, de donner aux vétérans une raison de rester — et aux sceptiques une opportunité de revenir.
Mais dans un genre où la fidélité s’achète à la minute de plaisir renouvelé, ce correctif suffit-il à transformer une boucle lassante en engagement de long terme ? Cette mise à jour propose-t-elle autre chose qu’un changement d’emballage ? Ou ne fait-elle que raffiner un système qui tourne déjà à vide ?
Des armures familières, des variations mécaniques, et une mémoire verrouillée
L’univers d’Exoprimal ne repose pas sur une narration au sens classique. Son histoire — fragmentée, accessoire, reléguée à l’arrière-plan de ses missions compétitives — ne sert que de prétexte à l’affrontement : simulations orchestrées par une intelligence artificielle, mondes parallèles, pilotes prisonniers d’un système en boucle. Une trame volontairement opaque, qui s’efface rapidement derrière la brutalité de son gameplay répétitif.
La mise à jour d’août n’apporte aucun approfondissement scénaristique. Aucun personnage nouveau, aucune ligne narrative supplémentaire. Pas même un élément de contexte destiné à lier les nouvelles variantes d’armures ou le nouveau mode de jeu au reste de l’univers. Chaque ajout est purement fonctionnel, déconnecté de la diégèse. Les Exos Alpha, pourtant présentés comme des évolutions logiques du roster, n’ont aucune introduction en jeu, aucun ancrage narratif, aucune identité propre.
Cette absence de contextualisation est révélatrice. Exoprimal ne raconte pas. Il recycle. Il agence. Il structure autour de mécaniques, et refuse d’accorder du poids à ses figures, préférant les reléguer au rang d’outils, d’extensions, d’avatars interchangeables. Même les nouveaux défis du mode Gant Sauvage s’installent sans justification : pas d’enjeu narratif, pas d’antagoniste identifié, pas de théâtre dramatique. Juste une arène, un chrono, des dinosaures — et la promesse d’un badge à afficher.
Ce silence n’est pas un oubli. C’est une posture. Le récit reste enfermé dans les archives débloquables, les bribes de logs, les dialogues de mission que l’on entend sans les écouter. Un choix assumé, mais qui, à l’heure de la mise à jour, confirme une chose : Exoprimal ne propose pas de prolongement narratif. Il se contente de faire tourner la machine.
Des variantes sous tension, une progression verrouillée et un grind sans fin
Le cœur de cette mise à jour réside dans l’ajout des Exo Alpha : dix variantes des armures originales, portant à vingt le nombre total d’unités jouables. Ce choix n’est pas cosmétique. Chaque version Alpha introduit une nouvelle arme principale, modifiant la portée, le type de dégâts ou la cadence d’attaque. Vigilant, par exemple, troque son fusil de précision classique contre une version semi-automatique qui métamorphose son rôle en combat. Deadeye et Krieger, quant à eux, s’équipent de fusils à pompe, encourageant un repositionnement constant en combat rapproché. Ce sont des modifications ciblées, parfois subtiles, parfois déterminantes.
Mais l’ambition de renouveler le gameplay est immédiatement freinée par une mécanique de progression démesurément verrouillée. Pour débloquer une version Alpha, il faut d’abord atteindre le niveau 20 avec l’Exo d’origine. Une exigence lourde, qui pousse à répéter inlassablement les mêmes missions, dans un environnement PvPvE toujours aussi rigide. Le grind devient la condition d’accès au contenu. Une stratégie qui peut convenir aux joueurs les plus investis, mais qui décourage immédiatement les curieux ou les nouveaux venus.
Pire encore : pour ceux qui refusent de passer par cette boucle de progression, Capcom propose une alternative directe via la boutique. Trente euros pour débloquer les dix variantes Alpha d’un seul coup. Un choix qui, sans tomber dans le pay-to-win, alimente la frustration. Car même une fois débloquées, ces armures restent limitées : leurs compétences secondaires ne changent pas. Seule l’arme principale évolue, ce qui crée parfois des incohérences flagrantes.
Exemple : Zephyr Alpha, doté d’attaques à distance via des chakrams, conserve ses capacités de mêlée purement contact. Le résultat est un hybride bancal, ni vraiment distant, ni vraiment efficace au corps-à-corps. De même, Barrage Alpha abandonne sa capacité à tirer des grenades en rafale pour un système de charge aux dégâts théoriquement supérieurs, mais moins intuitif et surtout moins performant dans les échanges soutenus. Seuls les joueurs experts, capables de composer avec ces subtilités, tireront parti de ces différences. Les autres y verront surtout un manque d’harmonisation.
La deuxième nouveauté, le mode Gant Sauvage, propose un défi PvE hebdomadaire réservé aux joueurs ayant terminé la campagne. Là encore, l’idée semble bonne : une mission scénarisée, renouvelée chaque semaine, avec des vagues d’ennemis plus denses, des règles modifiées et un classement mondial. Sauf que dans les faits, le contenu s’avère aussi austère que limité : une seule mission répétée sur trois jours, des objectifs sans mise en scène, une intensité certes réelle mais sans surprise. Le tout récompensé par… des badges. Pas de loot, pas d’équipement rare, pas de skin exclusif. Juste une icône à épingler.
Le problème est systémique : chaque ajout mécanique s’accompagne d’une exigence de répétition excessive, d’une structure figée, d’une économie d’effort masquée par une exigence de temps. Le jeu ne manque pas d’idées, mais les implémente sans flexibilité. Et dans un genre où la rejouabilité est le cœur du système, ce verrouillage progressif devient un véritable frein.
Exoprimal continue de tirer sur les bonnes ficelles : variété, rythme, efficacité des sensations de tir, lisibilité en escouade. Mais il les tend trop fort, trop longtemps, sans jamais relâcher la tension. Et ce n’est pas en doublant le nombre d’armures qu’on transforme une boucle monotone en mécanique de fidélisation.
Chromes recyclés, dinosaures familiers et sonorité de routine
Visuellement, la mise à jour d’Exoprimal conserve les forces et les limites de la version initiale. Le moteur graphique reste stable, fluide, et parfaitement lisible, même dans les affrontements les plus chaotiques. Les vagues de raptors, les effets de compétences, les traînées lumineuses des projectiles et les chutes de météores synthétiques continuent de saturer l’écran sans jamais nuire à la compréhension de l’action. C’est un tour de force technique, mais un tour qui ne se renouvelle pas.
Les nouveaux Exos Alpha, bien qu’ils ne soient pas des modèles inédits, bénéficient d’un soin cosmétique appréciable. Chaque armure dispose de dix variantes visuelles — majoritairement constituées de « color swaps », mais dont certaines dégagent une vraie personnalité. Les silhouettes restent immédiatement identifiables, les textures propres, les effets lumineux intégrés avec discernement. Rien de spectaculaire, mais une continuité esthétique bien maîtrisée. Ces armures alternatives s’insèrent parfaitement dans l’univers existant, sans trahir l’identité visuelle du jeu.
Cependant, cette cohérence graphique souligne un manque flagrant de renouvellement environnemental. Aucune nouvelle carte, aucun biome inédit, aucun changement d’ambiance notable. Le joueur évolue toujours dans les mêmes couloirs urbains, les mêmes complexes futuristes, les mêmes arènes recyclées où la répétition finit par tasser toute forme de surprise. Même le mode Gant Sauvage, censé représenter un défi distinct, réutilise des lieux déjà explorés dans la campagne principale.
Sur le plan sonore, le constat est similaire. Les musiques d’ambiance, aux sonorités synthétiques tendues, soutiennent efficacement le tempo des missions, mais peinent à se renouveler. Aucun thème ne marque l’oreille, aucun moment ne se détache vraiment par sa signature sonore. L’essentiel du travail repose sur les effets : cris de dinosaures, vrombissements des exo-armures, chocs métalliques, explosions sourdes. Là encore, c’est propre, fonctionnel, mais strictement identique à la version de lancement.
Le doublage, resté inchangé, conserve sa tonalité technocratique, dominée par l’intelligence artificielle Leviathan. Les répliques sont recyclées à l’excès, les briefings de mission se répètent sans adaptation aux nouveaux contenus, et aucun effort supplémentaire n’a été consenti pour contextualiser les variantes Alpha ou les objectifs de Gant Sauvage.
En somme, cette mise à jour ne cherche pas à réinventer l’identité audiovisuelle d’Exoprimal — elle s’inscrit dans une continuité, polie mais immobile. Les joueurs qui espéraient un souffle visuel ou sonore nouveau y verront une stagnation. Les autres y trouveront une forme de confort esthétique maîtrisé, mais sans surprise.
0 commentaires