Scrapnaut, développé par le studio indépendant SpiffyBit et publié par RockGame, est sorti sur Nintendo Switch le 20 janvier 2022 dans une relative discrétion. Porté par une esthétique steampunk aussi inattendue que séduisante, ce jeu de survie en monde ouvert vous propose d’incarner un mystérieux rescapé d’un crash aérien, livré à lui-même dans un environnement hostile… ou du moins, en apparence.
Entre gestion de base, exploration et purification de zones, Scrapnaut semble vouloir cocher toutes les cases du genre. Mais derrière son concept alléchant, que cache réellement cette production hybride ? Est-ce un titre profond et exigeant… ou simplement un simulateur de balade champêtre en costume victorien ?
La grande panne du récit à vapeur
Dès les premiers instants, Scrapnaut installe une atmosphère étrange, non par son ambiance mais par son absence totale de contexte. Aucun prologue, aucun objectif scénaristique autre que « vous êtes là, débrouillez-vous ». Votre avatar, une sorte d’énigme à lui seul — vêtu d’un pantacourt, coiffé d’un haut-de-forme, masqué comme un survivant de l’apocalypse — surgit d’une soute d’avion sans que rien ne soit expliqué, ni son identité, ni sa mission, ni même l’univers dans lequel il évolue. Cette carence narrative volontaire désamorce rapidement toute tentative d’attachement ou d’identification.
Le peu de personnages croisés — à commencer par Rusty, un robot aussi bavard qu’oubliable — se réduisent à de simples fonctions mécaniques, là pour déclencher des quêtes ou expliquer des éléments de gameplay. Même le nom de votre personnage est une variable par défaut : “Joueur”. L’univers, bien que visuellement intrigant avec ses touches steampunk, reste désespérément muet. Il n’y a ni passé, ni mythologie, ni lore à décrypter.
Le jeu tente bien, très tardivement, de rattraper cette béance narrative en injectant une tentative de twist scénaristique, mais celle-ci arrive trop tard et sans mise en tension préalable. Résultat : une intrigue amorphe, sans construction ni climax, qui échoue à proposer un cadre émotionnel solide à son gameplay.
Quand la vapeur s’évapore, le gameplay s’essouffle
Au premier abord, Scrapnaut semble cocher toutes les cases du jeu de survie moderne : monde ouvert, exploration de biomes variés, construction de base, gestion de ressources, et même défense contre des vagues d’ennemis. Pourtant, à mesure que l’on progresse, la mécanique grince. Le level design cloisonné impose des zones à débloquer en suivant une trame linéaire, coupant net tout sentiment d’exploration libre. Ce monde « ouvert » n’a d’ouvert que le nom, chaque nouvelle parcelle étant conditionnée à des objectifs scénaristiques arbitraires, à rebours de ce que le genre propose habituellement.
La construction de base constitue pourtant l’un des points forts du jeu. Le système est complet, ergonomique, et offre une belle variété d’éléments à assembler. Il permet au joueur de construire un véritable petit bastion steampunk, fonctionnel et personnalisable, avec des systèmes de défense contre les attaques quotidiennes de créatures mécaniques. Cette mécanique de « horde quotidienne » pousse naturellement à optimiser ses installations et à progresser dans l’arbre de craft. En cela, Scrapnaut rappelle les meilleures idées de They Are Billions… mais sans le niveau de tension.
Car là où l’ensemble s’effondre, c’est dans l’absence de véritable danger. La survie devient superflue : les ressources pullulent, les ennemis sont faibles et l’artisanat, bien qu’étendu, perd tout intérêt une fois que l’on comprend que la majorité des objets importants sont distribués par le scénario lui-même. Même les boss ne parviennent pas à faire frémir : tous sont construits sur le même modèle, avec des attaques identiques et des patterns aisément exploitables.
La maniabilité sur Switch est heureusement fluide, les contrôles bien pensés pour un jeu aussi complexe, mais le sentiment de récompense s’efface. Construire, cultiver, miner ou même repousser les vagues ennemies devient un geste mécanique, dénué de toute urgence ou gratification. Scrapnaut propose les outils d’un grand jeu de survie, mais omet la structure qui les rendrait indispensables.
Un petit moteur à vapeur qui ronronne sans grincer
Techniquement, Scrapnaut s’impose comme une véritable réussite sur Nintendo Switch. Malgré la modestie de ses ambitions graphiques, le titre affiche une direction artistique cohérente, originale et parfaitement lisible, qui tire parti d’un style isométrique aux teintes douces, oscillant entre low-poly stylisé et esthétique steampunk légère. Les environnements, s’ils ne sont pas d’une richesse folle, parviennent tout de même à établir une vraie variété visuelle entre les différents biomes, chacun possédant une atmosphère propre, qu’il s’agisse de plaines herbeuses, de zones industrielles rouillées ou de grottes toxiques tapissées de vapeur.
La lisibilité des décors reste constante malgré l’accumulation d’éléments à l’écran, et aucun ralentissement, bug ou chute de framerate ne vient entacher l’expérience — une rareté pour un titre indépendant de cette ampleur sur la console de Nintendo. L’ensemble tourne à merveille en docké comme en portable, preuve d’un portage maîtrisé de bout en bout.
Côté sonore, les musiques d’ambiance sont discrètes mais bien choisies. Elles distillent une mélancolie légère, presque contemplative, qui accompagne les longues sessions de minage et d’artisanat. On est loin des envolées orchestrales ou des nappes synthétiques percutantes, mais cette retenue colle parfaitement à l’atmosphère du jeu, entre solitude tranquille et routine industrielle.
Les effets sonores sont eux aussi bien intégrés, sans fausse note notable. Les bruits de récolte, les impacts d’armes et les bips robotiques de vos ennemis participent à cette ambiance douce-amère, un peu désincarnée mais étrangement attachante.
Un engrenage bien huilé, mais qui tourne un peu dans le vide
Scrapnaut ne propose pas de mode multijoueur local ou en ligne sur Nintendo Switch, ce qui limite de fait l’aspect coopératif que l’on pourrait attendre d’un jeu de survie sandbox. Si l’univers se prête à une aventure partagée, cette version console reste une expérience purement solo, contrairement à certaines éditions PC qui, elles, bénéficient d’un mode coopératif en ligne.
Du côté des performances, comme mentionné précédemment, le jeu est parfaitement stable. Il ne souffre d’aucun bug notable ni de ralentissement, ce qui lui permet de se positionner comme l’un des titres indépendants les plus solides techniquement sur la plateforme.
En revanche, la rejouabilité du titre reste très limitée. Une fois le scénario terminé et les biomes explorés, rares sont les motivations à relancer une partie. Il manque cruellement de génération procédurale, d’événements aléatoires ou de surprises dynamiques qui pourraient renouveler l’expérience. Le système de “verrouillage de difficulté” ajoute bien un peu de piment, mais cela ne suffit pas à prolonger véritablement la durée de vie.
Côté accessibilité, l’interface est simple et intuitive, avec des menus bien organisés, des textes lisibles et une navigation agréable, même à la manette. Il est cependant regrettable qu’aucune option de personnalisation des contrôles ne soit disponible pour les joueurs en situation de handicap ou préférant une configuration alternative.
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