L’univers de Warhammer 40,000 n’a jamais été avare en bastons titanesques, en orks vociférants et en technologies déglinguées crachant du plomb dans un vacarme de moteurs furieux. Avec Warhammer 40,000: Dakka Squadron – Flyboyz Edition, développé par Phosphor Games et publié par RedDeer.Games, les cieux de la Nintendo Switch accueillent un escadron de tueurs aériens aux commandes de coucous rafistolés, bien décidés à régner sur les airs à coups de dakka bien gras.
Sorti le 8 mars 2024, ce portage Switch s’inscrit dans l’héritage d’un jeu d’abord pensé pour le mobile en 2020, brièvement porté sur PC avant de s’attaquer aujourd’hui à l’hybride de Nintendo. La promesse ? Un simulateur de combat aérien à la sauce ork, brut de décoffrage, fidèle à l’esprit anarchique de ses protagonistes et bardé de campagnes explosives à en faire frémir les grots.
Mais dans cette déferlante de missiles et de moteurs vrombissants, peut-on réellement entendre le chant de la gloire ou seulement les râles d’un moteur à bout de souffle ?
Des cris d’ork et des campagnes sans mémoire
Dans Dakka Squadron – Flyboyz Edition, vous prenez les commandes d’un pilote ork, membre de la caste des Flyboyz, engagé dans une guerre perpétuelle pour la domination des cieux. L’univers narratif repose sur les fondations bien connues de Warhammer 40,000, mais s’en empare avec une approche résolument orientée vers l’action brute et la répétition belliqueuse. Vous ne suivez pas une quête structurée ni un arc narratif progressif ; vous enchaînez des campagnes successives, chacune liée à un clan ork différent, avec pour seul mot d’ordre : plus de vitesse, plus de cibles, plus de dakka.
L’histoire prend la forme d’un prétexte. Chaque mission vous projette dans une zone de guerre flottante, sans introduction scénarisée marquante ni mise en contexte approfondie. Les dialogues, livrés à travers des écrans fixes et des textes sommaires, tentent de capturer le parler guttural des peaux-vertes, avec une écriture qui mise tout sur l’excès et la caricature sonore. L’humour orkoïde, omniprésent dans les autres jeux Warhammer, se résume ici à des onomatopées et des punchlines martelées sans rythme.
Aucun personnage ne s’impose comme moteur narratif. Pas de rival emblématique, pas de commandant charismatique, ni même de progression émotionnelle : tout se dilue dans une bouillie sonore et visuelle où chaque ork ressemble au précédent, où chaque campagne suit la même logique d’objectifs interchangeables. Le monde, pourtant riche de la licence dont il est issu, reste en surface, effleuré plutôt qu’exploré.
La structure narrative, linéaire et figée, ne cherche pas à surprendre ou à nuancer. Elle répète inlassablement le même modèle de progression, d’un clan à l’autre, sans jamais tisser de fil rouge ni offrir de moment mémorable. Ce n’est pas un récit de guerre, ni même une chronique de conquête. C’est un alignement de missions dont le seul liant est le vacarme des turbines et l’odeur de poudre.
Le vacarme creux d’un ciel sans horizon
Dakka Squadron – Flyboyz Edition se définit comme un shooter aérien à la troisième personne, mais sa prise en main évoque davantage un prototype rudimentaire qu’un véritable simulateur de guerre. Aux commandes d’un chasseur ork, vous devez accomplir une série d’objectifs basiques : détruire des tourelles, pulvériser des radars, abattre des aéronefs ennemis. Les missions, déclinées dans chacune des cinq campagnes, suivent la même boucle : survoler un champ de bataille, repérer une cible, tirer jusqu’à ce qu’elle explose, recommencer.
Le gameplay repose sur un modèle de vol sommaire, où la maniabilité se montre raide, imprécise, parfois déroutante. La caméra suit l’appareil avec une inertie pesante, rendant chaque virage laborieux, chaque esquive approximative. Les phases de tir, omniprésentes, déclenchent régulièrement un ralentissement visible des performances. Chaque pression sur la gâchette devient une lutte contre les saccades, comme si l’écran refusait de suivre le rythme d’un jeu qu’il ne parvient pas à digérer.
L’ensemble souffre d’un HUD déséquilibré, où les objectifs sont signalés dans une typographie trop discrète, souvent illisible dans le tumulte visuel. La sélection des campagnes s’effectue à l’aide d’un curseur flottant, difficile à déplacer, lent au point de compromettre la navigation. Le manque de réactivité du menu contraste avec l’agressivité supposée du gameplay, brouillant encore davantage l’expérience.
Les niveaux, réduits à de larges zones vides ponctuées de cibles, ne proposent aucun relief de gameplay. Aucun décor notable, aucun agencement stratégique, aucun effort de mise en scène. Il ne s’agit pas de maîtriser l’espace ou de jouer avec les hauteurs : il s’agit simplement de tirer, puis d’avancer. Aucun système de progression ne vient affiner la formule. Les différences entre les appareils sont minimes, et les options tactiques inexistantes. Le ralentissement ou l’accélération de votre engin agit comme un simple zoom, dénué d’utilité réelle dans les dogfights.
Chaque séquence ressemble à la précédente. L’absence de variété dans les missions, combinée à une technique poussive et une absence totale de feedback percutant, laisse l’impression d’un squelette de jeu non habité. La difficulté, plus liée à des limitations techniques qu’à une IA agressive ou à une architecture complexe, ne parvient pas à créer de véritable tension. Le pilotage devient une épreuve, non par défi, mais par friction.
Brouillard de guerre et vacarme sans relief
L’habillage visuel de Dakka Squadron – Flyboyz Edition évoque davantage un souvenir lointain de l’ère mobile qu’une production pensée pour une console de salon. L’image se compose d’un chaos indistinct de pixels grossiers, d’effets flous et d’un voile permanent de brouillard qui masque à la fois les décors et les ambitions. La direction artistique ne s’inscrit dans aucun parti pris cohérent ; les environnements flottent sans identité, réduits à de vastes étendues sans textures lisibles ni repères marquants.
La compression visuelle se manifeste dès le lancement. Les logos s’affichent en basse résolution, certains menus apparaissent pixélisés, et même les éléments d’interface donnent l’impression d’avoir été importés sans ajustement. Aucun soin n’a été apporté à l’ergonomie des textes ou à leur lisibilité. Les options, les objectifs et les intitulés souffrent d’un affichage minuscule, souvent mal cadré, comme si l’ensemble du HUD avait été conçu pour un autre support sans adaptation.
Le rendu en vol ne propose aucun effet marquant. Pas de lumière dynamique, pas de reflets, pas de variation climatique. Les explosions, pourtant nombreuses, se résument à des gerbes de particules ternes, sans impact ni direction. Les modèles d’appareils, censés refléter l’esthétique brute et métallique des orks, manquent de définition et semblent flotter sur l’écran, sans ancrage dans l’espace.
Du côté sonore, le constat reste tout aussi figé. Les musiques sont discrètes au point de se faire oublier. Aucun thème ne se distingue, aucun motif ne marque le rythme ou ne donne corps aux affrontements. Le mixage sonore, brouillon, noie les effets dans un fond bruité sans contraste. Les tirs, pourtant omniprésents, manquent de puissance. Les moteurs vrombissent sans relief. Le champ de bataille ne parle pas. Il gronde, de façon monotone, sans jamais rugir.
Les voix, limitées à quelques effets caricaturaux, ne développent aucune ambiance. L’humour ork, pourtant central dans l’univers de Warhammer 40,000, ne s’exprime qu’à travers des grognements recyclés, lancés sans contexte ni impact. Aucun effort de mise en scène sonore n’accompagne l’action. Le silence des menus, le mutisme des décors et l’anémie des dialogues dessinent un monde vidé de sa sève.
Les boulons rouillés d’un portage sous pression
La version Nintendo Switch de Dakka Squadron – Flyboyz Edition s’accompagne d’un constat technique sans appel. L’expérience globale repose sur un portage minimaliste, incapable de tirer parti des capacités de la console, et marqué par une accumulation de choix approximatifs. Le jeu accuse des lenteurs visibles, même dans les menus, où le simple déplacement d’un curseur demande patience et persévérance. L’absence d’optimisation pèse dès les premières secondes : chargements anormalement longs, écran noir prolongé sans retour visuel ou sonore, navigation hachée. Chaque étape devient un effort, chaque commande une attente.
Le tactile, pourtant atout naturel de la Switch en mode portable, reste inexploité. La sélection se fait à l’aide du joystick, dans une interface conçue pour une souris, sans aucune adaptation contextuelle. Cette inertie de conception s’étend au reste de l’ergonomie, y compris dans la gestion du tutoriel. Celui-ci disparaît automatiquement dès l’ouverture des options, sans possibilité de relance, condamnant le joueur à découvrir les commandes par tâtonnements.
Côté contenu, le titre propose cinq campagnes, chacune associée à un clan ork différent. Cependant, ces arcs ne se distinguent que par l’ordre des missions et quelques variations cosmétiques mineures. Aucune progression scénaristique, aucun système de déblocage, aucun sentiment de montée en puissance ne vient rythmer l’enchaînement des missions. Tout est accessible d’emblée, dans un désordre qui reflète plus une absence de direction qu’un véritable choix de design.
Aucun mode multijoueur, aucune forme de coopération, aucune fonctionnalité supplémentaire ne vient enrichir l’offre. L’expérience reste entièrement solo, figée dans une boucle répétitive sans enjeu ni personnalisation. Les performances, même en solo, peinent à assurer une fluidité constante. Les ralentissements surviennent lors des affrontements, dès que plusieurs cibles apparaissent à l’écran. Les crashs restent rares, mais le framerate instable suffit à compromettre la lisibilité de chaque dogfight.
En l’absence d’ajustements, le portage Switch s’apparente à un simple transvasement, sans retravail ni relecture. Aucun filtre de correction, aucun recalibrage d’affichage, aucune adaptation sonore ou graphique n’a été intégrée. L’expérience semble figée dans son héritage mobile, sans ambition nouvelle ni réappropriation des atouts de la console.
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