Publié sur Nintendo Switch dans une version remaniée, DarkStar One nous ramène à une époque où la conquête spatiale se conjuguait en solo, dans la tradition des simulateurs narratifs à la Freelancer ou Wing Commander. Vous y incarnez Kayron Jarvis, pilote endeuillé, en quête de vérité sur la mort de son père. À bord du vaisseau-titulaire, vous sillonnez plus de 300 systèmes solaires, négociez, combattez, explorez et modifiez votre appareil pour en faire une arme de précision.
Mais ce portage tardif d’un titre vieux de près de vingt ans peut-il encore soutenir l’apesanteur d’un genre en perpétuelle réinvention ? Ou bien n’est-il que l’écho nostalgique d’un espace vidé de son vertige ?
Un héritage stellaire rongé par l’écho
L’histoire de DarkStar One débute par une promesse de vengeance : Kayron Jarvis, jeune pilote formé dans l’ombre d’un père disparu dans des circonstances troubles, reçoit un vaisseau expérimental légué par ce dernier. Dès lors, il quitte les stations orbitales pour traquer les vérités dissimulées derrière des rapports militaires et des attaques pirates. Une base classique mais fonctionnelle, qui aurait pu porter une fresque spatiale pleine d’élan.
Mais très vite, l’élan retombe. Le scénario, linéaire et sans surprise, se déploie selon une logique de progression mécanique : zones à débloquer, artefacts à collecter, factions à contacter. L’intrigue avance par à-coups, sans jamais tisser de tensions durables ni de dilemmes marquants. Les révélations sont convenues, les rebondissements téléphonés, et le parcours de Kayron reste figé dans une posture monolithique. Il ne grandit pas, n’hésite pas, ne dévie jamais.
Les personnages secondaires, bien qu’issus de différentes espèces extraterrestres, n’existent que comme vecteurs fonctionnels : informateurs, donneurs de quêtes, marchands, opposants ponctuels. Aucune figure ne s’impose, aucun antagoniste ne marque. L’univers, pourtant vaste, manque d’âme. Chaque rencontre est une ligne de texte, chaque échange un prétexte.
Le doublage, plat et sans direction d’acteurs, affaiblit encore la narration. Certains dialogues frisent la caricature, et l’ensemble trahit l’âge du jeu autant que ses limites de conception initiale. Quant à la construction de l’univers, elle repose sur un empilement de clichés galactiques, sans ambition world-building réelle : l’empire bureaucratique, les pirates chaotiques, les marchands avides, les guerriers honorables… un atlas de poncifs.
Il en résulte une trame qui peine à porter la moindre émotion durable. DarkStar One semble raconter une épopée mais se contente d’énumérer des étapes. L’univers est large, mais creux. Et derrière l’appel du vide spatial, on ne trouve qu’un scénario fonctionnel, dépourvu de chair.
Une galaxie d’opportunités prise dans la boucle
Au cœur de DarkStar One, il y a la boucle d’un simulateur spatial assumé : commercer, combattre, récolter, améliorer son vaisseau, puis recommencer. Une structure éprouvée, qui trouve ici un rythme stable mais rarement exaltant. Chaque système solaire devient une escale sur une route balisée, chaque saut un prétexte à consolider son arsenal ou engranger quelques crédits. Rien de nouveau, mais une efficacité certaine – au moins dans les premières heures.
Le pilotage est fluide, bien adapté à la Nintendo Switch, avec une ergonomie étonnamment propre pour un portage aussi tardif. Les dogfights sont lisibles, les commandes répondent bien, et le sentiment de contrôle sur le vaisseau reste constant, même dans les affrontements les plus denses. Mais cette satisfaction tactile ne suffit pas à compenser une répétitivité mécanique qui s’installe rapidement.
Les missions se déclinent selon des archétypes classiques : escorte, livraison, interception, sabotage, chasse à la prime. Leur enchaînement devient une nécessité économique plus qu’un choix stratégique : il faut accumuler de l’argent, trouver des artefacts, renforcer le vaisseau pour progresser. Ce carcan utilitariste, combiné à un bestiaire peu menaçant, étouffe toute forme de liberté véritable.
Le jeu promet pourtant une immense galaxie à explorer, avec plus de 300 systèmes solaires, chacun peuplé d’espèces et de technologies distinctes. Dans les faits, ces différences tiennent surtout à la forme : le fond reste identique, et l’univers se répète sous différentes couleurs. L’aléatoire introduit bien quelques variations – embuscades, événements imprévus, fluctuations économiques – mais jamais assez pour rompre la monotonie.
La progression du vaisseau, en revanche, constitue le seul pilier réellement stimulant du système de jeu. Chaque artefact récolté permet d’améliorer une partie spécifique de la DarkStar One : ailes, coque, moteurs, armement. On choisit de renforcer sa vitesse, sa puissance de feu ou sa résistance. Ce système, bien pensé, injecte une forme de stratégie et de personnalisation bienvenue, sans jamais devenir trop complexe.
Mais là encore, le manque de pression ou de contraintes externes rend ces décisions moins palpitantes qu’elles ne devraient l’être. Aucun build ne s’impose, aucune spécialisation ne devient nécessaire. On optimise, on ajuste, mais on ne transforme jamais sa manière de jouer. La progression est douce, linéaire, prévisible.
DarkStar One ne souffre pas de mécaniques cassées, mais de mécaniques trop prudentes, trop figées dans leur époque. L’espace est vaste, mais les enjeux y sont petits. La boucle fonctionne, mais elle tourne sur elle-même. Et ce qui pourrait être une odyssée devient, trop souvent, une routine.
Un ciel d’étoiles terni par les cicatrices du temps
Remasterisé mais pas transformé, DarkStar One: Nintendo Switch Edition affiche dès les premiers instants l’âge réel de son ossature graphique. Certes, l’Unreal Engine 5 a permis de lisser quelques contours, d’augmenter légèrement la netteté des effets lumineux ou d’offrir des reflets plus propres sur les coques métalliques. Mais la texture reste celle d’un jeu conçu dans l’esprit et les contraintes des années 2000, avec tout ce que cela implique de surfaces plates, de personnages rigides, et de vide cosmique peu habité.
L’espace, pourtant immense, manque de souffle. Les systèmes se ressemblent, les couleurs s’effacent, les planètes défilent sans réelle mise en scène. Il y a bien quelques fulgurances – une nébuleuse dense, un combat près d’un champ d’astéroïdes, une station en ruine orbitant une géante rouge – mais elles tiennent plus du souvenir que de la révélation visuelle. Les stations spatiales, bien que variées dans leur design, souffrent d’une modélisation sommaire et d’une architecture répétitive. Les intérieurs, quant à eux, sont inexistants ou relégués à des interfaces.
Sur Nintendo Switch, la performance est stable mais bridée. Le jeu tourne sans accroc majeur, même dans les batailles les plus chargées, mais les limitations de la console s’imposent : textures floues, aliasing persistant, et absence d’effets avancés. On est loin des capacités de l’Unreal Engine dans ses productions modernes, et plus proche d’un moteur porté à bout de bras pour tenir en place.
Du côté sonore, le contraste est frappant. Le sound design spatial est propre, articulé, précis, avec des impacts bien rendus, une spatialisation correcte et des moteurs qui grondent avec une certaine autorité. Malheureusement, le doublage ruine tout effort d’immersion narrative : mal interprété, mal dirigé, souvent risible malgré lui, il donne aux dialogues une saveur artificielle qui casse le peu d’émotion que le scénario pouvait espérer générer.
Quant à la musique, elle accompagne plus qu’elle ne transcende. Elle plane, synthétique et discrète, sur les trajets les plus longs, mais ne développe aucun thème mémorable. Elle épouse la logique fonctionnelle du titre, sans chercher à en accentuer les rares envolées. On l’écoute comme on traverse une station : par habitude, sans impact.
DarkStar One affiche les signes visibles d’un jeu porté sans ambition graphique nouvelle. Le moteur est solide, le cadre tient, mais le regard ne s’arrête jamais vraiment. L’espace reste un décor, jamais un personnage.
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