Sorti sur Nintendo Switch le 7 janvier 2025, Ys Memoire: The Oath in Felghana ressuscite l’un des volets les plus acérés de la saga Ys dans une version remastérisée enrichie, signée Nihon Falcom. Adol Christin y renoue avec les terres du passé, aux côtés de Dogi, dans un retour marqué par la fidélité, la nervosité du gameplay, et quelques ajouts esthétiques discrets mais ciblés.
Ce memoire réussit-il à transcender le simple hommage pour imposer sa relecture comme une référence moderne du genre action-RPG, ou ne fait-il que plaquer un vernis HD sur les vestiges d’un classique déjà bien ciselé ?
Un retour en arrière qui refuse l’effusion
Felghana n’est pas un simple décor. C’est une terre de souvenirs enfouis, de cicatrices anciennes, de tensions ranimées. Pour Dogi, compagnon de route d’Adol, ce n’est pas une mission. C’est un retour. Et ce retour marque le début d’une descente méthodique dans un territoire où les volcans grondent, les routes sont envahies de bêtes, et l’autorité s’est changée en oppression.
Le récit reste strictement fidèle au matériau d’origine. Pas de nouveau chapitre, pas de contenu étendu, pas de relecture scénaristique. La progression suit une structure linéaire, sans détours ni ruptures, mais conserve une intensité continue, soutenue par une mise en scène plus vivante qu’autrefois.
Le doublage complet d’Adol Christin modifie la perception du héros sans trahir son essence. Ce choix pourra diviser, mais il renforce la présence du personnage, sans alourdir son rôle ni transformer sa nature. Les dialogues gagnent en relief, notamment lors des confrontations clés, sans jamais s’écarter de l’identité sobre et directe de la série.
L’univers conserve sa force d’évocation. Les enjeux restent lisibles, la montée dramatique fonctionne, mais aucun contenu inédit ne vient renouveler ou approfondir l’ensemble. Le jeu reste identique dans sa structure narrative, et cette fidélité, si elle rassure les puristes, souligne aussi les limites de cette version mémoirielle.
L’absence persistante de localisation française reste le défaut le plus visible du remaster. Les dialogues et menus ne sont accessibles qu’en anglais, ce qui restreint d’emblée l’accessibilité à un public plus large, sans justification valable en 2025.
Un tempo de fer forgé dans une arène ciselée
Ys Memoire: The Oath in Felghana repose sur un système de combat dont la rigueur n’a pas pris une ride. L’action y est sèche, immédiate, sans concession. Chaque affrontement exige une lecture précise, une esquive au moment juste, une riposte calibrée. Le moindre relâchement est puni, la moindre hésitation se paie en recul. Le jeu ne flatte pas. Il exige.
Le Mode Turbo, ajouté dans cette version Switch, vient fluidifier l’expérience sans la trahir. Il accélère les déplacements, permet de raccourcir les allers-retours et d’optimiser l’exploration sans jamais altérer le cœur du système. Une addition purement fonctionnelle, mais parfaitement intégrée.
Les boss incarnent l’ossature du jeu. Chacun impose un rythme, une structure, un défi unique. Les schémas d’attaque alternent phases de pression et fenêtres d’ouverture, imposant au joueur une attention constante. Ici, pas de spectacle. Juste de la friction. Une tension brute, sans surcouche.
Mais cette exigence n’est pas toujours bien dosée. Certains combats peuvent devenir arbitrairement brutaux si l’on n’a pas maîtrisé l’économie ou optimisé son équipement. L’équilibre entre effort et récompense vacille par moments, surtout en difficulté standard, où l’écart entre deux boss successifs peut soudain se transformer en mur.
La boucle de gameplay reste pourtant d’une efficacité redoutable. Pas de système inutile, pas d’inflation mécanique. Chaque compétence sert, chaque mouvement compte. Ce n’est pas une arène à effet. C’est une forge.
Un vernis respectueux posé sur des fondations solides
La version Memoire ne réinvente rien. Elle affine. Elle ravive. Elle polit un jeu déjà cohérent, sans jamais altérer son identité graphique. Les environnements — villages brumeux, cavernes brûlées, cathédrales éventrées — bénéficient d’un lifting HD précis, qui renforce la lisibilité sans jamais trahir le style d’origine.
La direction artistique reste fidèle à l’épisode de base, mais gagne en nuance. Les effets de lumière redessinent certaines zones, notamment dans les profondeurs du Temple de Valestein, où les jeux d’ombre ajoutent une densité nouvelle à un espace déjà chargé de silence. Rien d’ostentatoire, rien de spectaculaire. Juste un éclairage plus juste, plus vif, parfois plus propre qu’il ne devrait l’être.
Le jeu permet d’alterner entre illustrations modernisées et portraits d’époque, un détail discret mais précieux, qui inscrit cette version entre continuité et hommage. Cette dualité visuelle renforce le lien avec l’original, sans jamais l’écraser.
Côté sonore, le remaster propose trois bandes-son interchangeables : version PC-8801, X68000, ou remaster moderne. Toutes fonctionnent. Toutes possèdent leur texture. Mais c’est la version orchestrale contemporaine qui donne à l’aventure son souffle le plus large. Les thèmes majeurs — “The Boy’s Got Wings”, “Sealed Time” — retrouvent ici une puissance brute, directe, sans filtre.
Les effets sonores ont eux aussi été ajustés. Chaque impact gagne en clarté. Chaque interaction trouve sa place. L’ensemble est net, jamais criard. Un dosage rigoureux, sans excès.
La technique n’a pas transformé le jeu. Elle l’a replacé dans son époque. Une restitution propre, fidèle, sans grand élan, mais sans trahison.
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