Sorti le 10 octobre 2017, La Terre du Milieu : L’Ombre de la Guerre est la suite directe de L’Ombre du Mordor. Développé par Monolith Productions, ce titre plonge les joueurs dans une aventure épique au cœur du Mordor, enrichie par le système Némésis et des combats intenses. L’Édition Définitive, parue ce 30 août 2018, rassemble l’ensemble des contenus téléchargeables et mises à jour, offrant une expérience complète aux nouveaux venus comme aux vétérans.
Mais cette version ultime parvient-elle à sublimer l’expérience originale, ou le poids des années se fait-il sentir ?
Une guerre qui n’a plus rien d’une ombre
Trois ans après les événements de L’Ombre du Mordor, Talion est toujours coincé entre la vie et la mort, porté par la malédiction qui le lie à Celebrimbor, le spectre du forgeron des Anneaux de Pouvoir. Mais cette fois, la vengeance ne suffit plus. Le Mordor ne se contente pas d’être une terre maudite à dévaster, c’est une guerre totale qui se prépare, une campagne d’invasion où Sauron étend son emprise sur chaque forteresse, chaque cité, chaque esclave.
L’Ombre de la Guerre place la conquête au centre de son récit. Après avoir tenté d’utiliser un Nouvel Anneau forgé par Celebrimbor pour défier Sauron, Talion voit sa tentative de renverser le Seigneur des Ténèbres tourner au désastre. La Main Noire n’est plus, mais les Nazgûls prennent désormais le relais, chassant Talion avec une hargne implacable, tandis que la guerrière elfe Eltariel entre dans la danse, un personnage au rôle clé dans la lutte contre les spectres. Le Rôdeur du Gondor est-il encore maître de son propre destin, ou est-il condamné à devenir un simple pion dans un conflit qui le dépasse ?
Si l’histoire du premier jeu souffrait d’un manque d’envergure et d’un final en demi-teinte, L’Ombre de la Guerre rectifie le tir en amplifiant son ambition. Là où la vengeance personnelle de Talion semblait presque dérisoire face à la montée en puissance de Sauron, cette suite lui donne un rôle central dans le conflit global, lui permettant non seulement d’affronter l’ennemi, mais aussi de bâtir sa propre armée pour lui tenir tête.
Là où l’intrigue brille, c’est dans les tensions croissantes entre Talion et Celebrimbor. Plus l’histoire avance, plus le spectre révèle ses véritables intentions, et plus Talion semble perdre son humanité. Ce qui n’était qu’un pacte de survie devient un affrontement idéologique, l’un cherchant la guerre totale par la domination, l’autre s’accrochant désespérément à l’idée qu’un homme peut encore lutter contre les ténèbres sans devenir un tyran lui-même.
Mais si l’histoire principale parvient enfin à prendre de l’ampleur, elle se heurte à une écriture inégale. Certains personnages, comme Eltariel ou Carnán, une entité élémentaire du Mordor, manquent de profondeur, et les dialogues sont souvent noyés sous un flot d’expositions qui ralentissent le rythme. Gollum n’a plus vraiment sa place dans cette fresque militaire, et si les Nazgûls offrent des moments de tension intenses, leur mise en scène ne parvient pas toujours à restituer toute l’horreur de leur légende.
Mais finalement, l’histoire n’est qu’un prétexte pour ce que L’Ombre de la Guerre fait de mieux : vous donner les clés du Mordor et vous laisser réécrire ses règles. Car ici, vous ne vous contentez pas de traquer vos ennemis. Vous les brisez. Vous les retournez contre leurs propres maîtres. Vous les humiliez, puis vous les envoyez mourir à votre place. Et parfois, eux aussi survivent. Et reviennent. Plus forts. Plus en colère.
Si vous pensiez avoir compris L’Ombre du Mordor, alors L’Ombre de la Guerre vous prouvera que vous ne connaissiez encore rien de la haine et de la folie qui règnent sur ces terres maudites.
De chasseur solitaire à seigneur de guerre
Si L’Ombre du Mordor faisait de vous un prédateur, traquant les Uruks comme un fantôme insaisissable, L’Ombre de la Guerre vous transforme en général impitoyable, bâtissant une armée pour écraser les légions de Sauron. Loin d’être une simple suite qui se repose sur ses acquis, le jeu revoit entièrement sa structure, en étoffant le système Nemesis, en ajoutant des mécaniques de conquête, et en rendant le monde plus vivant que jamais.
Véritable innovation du premier jeu, le système Nemesis évolue pour devenir plus profond, plus stratégique, et surtout plus sadique. Les capitaines Uruks et Olog-haïs n’ont plus seulement des noms et des traits de personnalité : ils forment une véritable hiérarchie militaire, où chacun lutte pour sa propre ascension, quitte à trahir ses alliés ou à défier son propre seigneur. Un chef de guerre peut être renversé par l’un de ses sous-fifres, un traître que vous pensiez mort peut revenir avec une vengeance inextinguible, et certains Uruks développent des résistances spécifiques après avoir survécu à plusieurs affrontements contre vous.
Mais surtout, vous n’êtes plus seulement un chasseur solitaire. Désormais, vous pouvez dominer les esprits des capitaines, les retourner contre leur propre armée, les infiltrer dans les rangs ennemis pour les faire trahir leur chef au dernier moment. Ce qui, autrefois, était un simple jeu de traque devient un immense terrain d’expérimentation, où chaque Uruk conquis est une pièce sur l’échiquier, une arme à utiliser contre son propre camp.
Les interactions sont plus variées que jamais : certains Uruks peuvent vous trahir, même après avoir juré allégeance, d’autres développent une obsession maladive pour vous et reviennent systématiquement d’entre les morts, armés de cicatrices et d’une haine féroce. Chaque combat, chaque confrontation est une histoire en soi, et il n’est pas rare de revoir encore et encore le même rival, jusqu’à ce qu’il devienne votre némésis absolu.
Mais la grande nouveauté, celle qui change complètement la dynamique du jeu, c’est la gestion des forteresses. Le Mordor n’est plus simplement une terre hostile, c’est un champ de bataille où chaque région possède sa propre capitale, tenue par un seigneur de guerre. Votre objectif n’est plus seulement de tuer des chefs Uruks : vous devez prendre leurs bastions, les conquérir, les transformer en fiefs pour votre propre armée.
Chaque siège de forteresse est un moment épique, une véritable bataille où vos troupes se jettent sur les murs, où vos alliés Uruks ouvrent les portes de l’intérieur, où les capitaines ennemis sortent les uns après les autres pour vous stopper. Ces assauts nécessitent une préparation minutieuse, car chaque forteresse est renforcée par des défenses uniques : catapultes, bêtes monstrueuses, murs piégés… Vous devez choisir quels capitaines vous enverrez au combat, quelles compétences vous prioriserez, quelles stratégies adopter pour réduire l’armée adverse à néant.
Mais le plus fascinant, c’est que ces conquêtes ne sont jamais définitives. Une forteresse que vous avez prise peut être reprise par l’ennemi, un de vos propres lieutenants peut vous trahir et tenter de vous assassiner, et chaque victoire n’est qu’une étape dans une guerre sans fin.
Contrairement au Mordor austère et monotone du premier jeu, L’Ombre de la Guerre offre plusieurs régions distinctes, chacune avec son propre climat, son propre level design, et ses propres défis. Vous explorez les forêts corrompues de Nurn, les plaines arides de Gorgoroth, les ruines hantées de Cirith Ungol, et même la cité humaine de Minas Ithil, encore debout avant de sombrer dans les ténèbres. Cette variété brise la monotonie visuelle du premier opus et rend l’exploration plus agréable, même si le monde reste principalement un champ de bataille.
Le système de combat, calqué sur la fluidité des jeux Batman: Arkham, s’enrichit ici de nouvelles mécaniques, rendant chaque affrontement plus dynamique et plus impressionnant. Les armes peuvent être améliorées grâce aux gemmes et aux runes, permettant de personnaliser votre style de jeu. Les Olog-haïs, colosses monstrueux, imposent des duels plus viscéraux, et les Nazgûls, véritables fléaux surnaturels, offrent des combats plus scénarisés et intenses.
Talion gagne aussi en polyvalence, combinant toujours escalade, combat frontal, exécutions spectaculaires et pouvoirs spectraux, rendant chaque bataille plus fluide et plus stratégique.
Avec L’Ombre de la Guerre, Monolith Productions pousse son concept à l’extrême. Vous ne suivez plus simplement une histoire : vous réécrivez l’équilibre des forces du Mordor. Chaque siège, chaque duel, chaque trahison façonne votre expérience de jeu, et au fil des heures, vous ne vous contentez plus de combattre Sauron… vous devenez un autre seigneur de guerre, un tyran en puissance, une ombre plus grande encore que celle que vous étiez venu combattre.
Le Mordor dans toute sa démesure
Si L’Ombre du Mordor parvenait à capturer l’essence aride et désolée des terres de Sauron, sa suite embrasse pleinement l’ampleur d’une guerre totale, en livrant un monde plus vaste, plus diversifié et bien plus spectaculaire. Ici, chaque région a une identité propre, et le Mordor n’est plus simplement une terre de ruines et de cendres, mais un royaume en perpétuel conflit, où les forteresses s’élèvent, tombent, se reconstruisent, et se modifient au fil des batailles.
D’un point de vue purement technique, le jeu repose sur le même moteur que son prédécesseur, mais affiné et optimisé, avec des textures plus détaillées, des effets de lumière plus prononcés et une meilleure fluidité dans les animations. Les personnages sont plus expressifs, les armures plus riches en détails, et les environnements regorgent de vie, qu’il s’agisse des Uruks vaquant à leurs occupations dans les camps de guerre, des bêtes sauvages rôdant dans les plaines, ou des paysages dynamiques sculptés par la guerre.
Mais c’est surtout la diversité des biomes qui marque une évolution majeure. Fini le Mordor uniformément gris et désertique. Désormais, chaque région offre une atmosphère propre, une architecture distincte et une ambiance unique. Cirith Ungol reste un enchevêtrement de ruines sinistres, Gorgoroth déploie des volcans enragés crachant leur colère sur les champs de bataille, Núrnen apporte une touche plus verdoyante, où les anciens ports et plantations sont devenus des prisons sous le joug des Uruks.
Les forteresses, au cœur du jeu, se distinguent par leur taille imposante et leur design évolutif. Chaque bastion conquis peut être modifié, renforcé, personnalisé en fonction de votre style de jeu, rendant chaque territoire un champ de bataille façonné par vos décisions. Plus que de simples environnements, ces lieux deviennent des symboles de votre ascension et de votre pouvoir sur le Mordor.
Si le jeu est visuellement réussi, il n’est pas exempt de défauts. Les visages des personnages humains manquent parfois de naturel, et certaines animations peuvent paraître rigides dans les cinématiques. De plus, malgré les efforts apportés à la diversité des environnements, certaines zones conservent une palette de couleurs très sombre et uniforme, ce qui peut donner une impression de répétition visuelle après plusieurs heures de jeu.
Sur le plan sonore, la guerre ne se vit pas seulement à l’écran : elle gronde dans chaque recoin du jeu. Les tambours de guerre des Uruks résonnent à chaque bataille, les armes s’entrechoquent avec un fracas métallique, et les créatures du Mordor poussent des hurlements qui se perdent dans le vent cendreux.
La musique, signée Garry Schyman et Nathan Grigg, oscille entre l’épique et l’oppressant. Les chœurs lugubres accompagnent vos sièges de forteresses, les percussions tribales battent au rythme des combats, et les nappes orchestrales soutiennent l’ampleur dramatique des moments-clés de l’histoire. Contrairement au premier opus, où la musique était plus discrète et atmosphérique, ici elle s’impose comme un élément essentiel de l’immersion, accentuant la grandeur et la brutalité du conflit.
Côté sound design, chaque détail renforce l’impression de chaos permanent. Les Uruks ne cessent de parler, de crier, de menacer leurs supérieurs, de rire entre eux ou de chanter des hymnes à la gloire de leurs chefs. Les voix gutturales des Olog-haïs résonnent comme des coups de tonnerre, et même vos propres alliés Uruks interagissent avec vous, partageant leur ambition, leur peur ou leur soif de sang.
Les performances vocales sont à la hauteur de l’enjeu. Troy Baker (Talion) et Alastair Duncan (Celebrimbor) livrent une performance toujours aussi convaincante, jouant sur la tension grandissante entre leurs personnages, tandis que Laura Bailey campe une Eltariel à la fois froide et déterminée. Les seigneurs de guerre Uruks, quant à eux, volent presque la vedette, grâce à des voix surjouées et des répliques uniques qui renforcent leur personnalité et rendent chaque confrontation mémorable.
L’Ombre de la Guerre pousse toutes les dimensions de son prédécesseur dans leurs retranchements. Plus grand, plus ambitieux, plus spectaculaire, il transforme le Mordor en un champ de bataille permanent, où la guerre se voit, s’entend et se ressent à chaque instant. Si l’ensemble n’est pas toujours parfait techniquement, il parvient néanmoins à capturer l’essence d’un univers en pleine explosion, offrant un spectacle à la hauteur de l’ambition démesurée de ses mécaniques de jeu.
Une édition taillée pour l’éternité ou un dernier souffle du Mordor ?
Sortie ce 30 août 2018, L’Ombre de la Guerre – Definitive Edition corrige certains des plus gros défauts du jeu de base, tout en proposant l’intégralité des contenus téléchargeables pour une expérience plus complète. Si le lancement de L’Ombre de la Guerre avait été terni par la présence intrusive des microtransactions et d’un endgame frustrant, cette version efface ces erreurs et recentre le jeu sur son essence brutale : la conquête du Mordor, sans entraves.
La plus grande correction concerne l’Acte IV, « La Guerre des Ombres ». Dans la version originale, cette phase de fin de jeu imposait une succession interminable de sièges de forteresses, nécessitant de renforcer constamment son armée pour affronter des vagues toujours plus puissantes d’assaillants. Si l’idée d’une lutte acharnée pour conserver son empire était pertinente, sa mise en œuvre se traduisait par une répétitivité excessive, une progression artificiellement prolongée et, surtout, une incitation directe à passer par les microtransactions pour accélérer le processus.
Dans la Definitive Edition, les microtransactions ont été purement et simplement supprimées, et l’Acte IV a été rééquilibré pour rendre les affrontements plus dynamiques et mieux intégrés à la progression naturelle du jeu. Les sièges restent exigeants, mais ne donnent plus l’impression d’un mur artificiel dressé pour allonger artificiellement la durée de vie.
En plus de ces correctifs, cette édition regroupe l’ensemble des DLC narratifs et packs d’extension, dont deux campagnes supplémentaires qui permettent d’explorer le Mordor sous d’autres perspectives que celle de Talion. « La Lame de Galadriel » vous met dans la peau d’Eltariel, la guerrière elfe traquant les Nazgûls. Plus rapide et agile que Talion, elle utilise des pouvoirs lumineux uniques et un style de combat plus aérien. Ce DLC dévoile une autre facette de la guerre contre Sauron, bien que son intrigue reste assez prévisible. « La Désolation du Mordor » propose une expérience radicalement différente en vous plaçant dans la peau de Baranor, un humain sans pouvoirs spectraux. Contrairement aux autres protagonistes, il doit s’appuyer uniquement sur ses compétences martiales, ses gadgets et son armée de mercenaires pour survivre. Plus orienté sur la gestion et la stratégie, ce DLC apporte une fraîcheur bienvenue, même s’il reste plus court que l’aventure principale.
Enfin, toutes les mises à jour et équilibrages sont intégrés d’emblée, y compris les nouvelles compétences, les runes supplémentaires et un mode de difficulté inédit qui pousse encore plus loin la brutalité du Mordor. Avec cette Definitive Edition, L’Ombre de la Guerre se débarrasse enfin des chaînes qui l’avaient alourdi à son lancement. L’expérience est plus fluide, plus équilibrée, et surtout plus fidèle à l’ambition initiale du jeu, sans éléments perturbateurs venant briser l’immersion.
C’est ainsi la meilleure version du jeu, celle qui aurait dû être disponible dès le premier jour, un ultime affinage qui permet d’apprécier pleinement la vision de Monolith Productions sans compromis ni frustration.
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